13. Wesley version 2.0

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Il s'attendait à retrouver la même June qu'ils avaient laissé en sortant, une jeune fille normale quoi que sans l'usage de ses jambes. Mais il avait l'impression de se retrouver en face d'une tout autre personne. Elle regardait fixement ses mains jointes et tremblantes, la tête baissée. Malgré l'ombre sur son visage, il pouvait voir très clairement les larmes dévaler le galbe de ses pommettes pour finir leur triste chemin sur les courbes de sa mâchoire ou dans les commissures de ses lèvres. Elle releva à peine la tête quand il entra dans la chambre, comme si elle ne se souciait guère qu'il la voit comme ça. Il se sentait étrangement mal.

- Je viens simplement chercher mon gilet.

Elle lui indiqua d'un faible mouvement de tête qu'il se trouvait sur la table. Il le récupéra et s'arrêta quelques instants, dos à elle, le regard tourné vers la vue qu'elle avait depuis sa fenêtre.

- Je... je suis désolé... murmura-t-il.

Mais ce fut assez fort pour qu'elle l'entende.

- Désolé de quoi ?

Il se tourna vers elle. Son visage baigné de larmes était tourné vers lui.

- De ce qui t'es arrivé...

Elle ricana et détourna les yeux.

- Ne fais pas comme si tu t'en souciais, il n'y a personne ici que tu doives convaincre de ta bonne foi.

- Arrête de faire comme si j'étais un pauvre mec arrogant et égoïste, dit-il durement.

- Tu es arrogant et égoïste.

Il serra les dents. Si elle lui avait dit cela au lycée, il l'aurait lyncher - et il s'en serait donné à cœur joie. Mais il n'en avait même pas l'envie.

- Ça suffit. Arrête de pleurer et de te lamenter sur ton sort et bats-toi. Lève-toi et marche.

Elle fixa de nouveau son regard sur lui.

- Si c'était aussi simple que ça, crois-moi je serais déjà très loin d'ici.

- Tu ne fais aucun progrès parce que tu as abandonné.

Elle se contenta de le toiser, essayant de comprendre quel intérêt il pouvait trouver à lui dire tout ça. Prenant sa décision, il jeta son gilet sur le lit et s'approcha d'elle. Il l'observa - il ne l'avait jamais vraiment fait. Ses cheveux blonds étaient retenus en arrière par une queue de cheval, et les traits de son visage étaient assez harmonieux bien que ses sourcils légèrement froncés et ses yeux trahissaient sa méfiance. La courbe de sa mâchoire était très douce et son visage était très agréable à regarder, même si ses joues creusées par ce terrible événement auraient une légère tendance à apporter de la dureté à son visage.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu veux m'étouffer avec un coussin ?

Il repoussa le drap malgré ses protestations. Se penchant sur elle, il passa un bras sous ses jambes et un autre autour de sa taille.

- Wesley... protesta June.

Il la souleva et alla se placer au centre de la chambre.

- Wesley repose-moi sur mon lit immédiatement ou je crie à l'agression.

Il lâcha ses jambes et passa son bras maintenant libre autour de sa taille pour assurer sa prise. Elle agrippa ses bras avec fermeté.

- Wesley, tu ne m'entendras plus jamais te dire ça, mais s'il-te-plaît...

- Tais-toi, la coupa-t-il.

Les jambes de June reposaient par terre et elle voyait qu'elles étaient droites, comme si elle se tenait debout, même si elle ne le sentait pas. Il plongea les yeux dans les siens avec un air de défi, comme s'il cherchait dans son regard une sorte d'accord. Mais tout ce qu'il trouva au fond de ses yeux verts fut une hostilité non dissimulée, et surtout une grande appréhension, presque de la peur. Elle avait l'air d'avoir vraiment peur qu'il ne la lâche et la laisse là, au milieu de la pièce. Mais pourquoi lui ferait-elle confiance ? Pourquoi croirait-elle qu'il veuille l'aider et non forcément lui faire du mal ? Ils se détestaient, après tout... Il recula d'un pas en desserrant son étreinte sur sa taille et elle s'agrippa à ses épaules pour ne pas tomber.

- Wesley ! Ça suffit !

Il recula encore, observant chaque réaction, chaque mouvement du corps de June, et lâcha totalement sa taille.

- Non !

Bien que ses bras tendus s'appuyaient sur les épaules du jeune homme, elle bascula en avant. Et, comme par réflexe, sa jambe droite avança d'un ou deux centimètres. Le voyant, Wesley se rapprocha hâtivement d'elle, l'entourant de ses bras pour l'empêcher de tomber et collant de ce fait leurs corps. On aurait pu croire à deux amis s'étreignant, mais ils n'étaient pas amis et étaient très loin de s'étreindre de bonne grâce.

- T'es qu'un sombre idiot !

- Mais ça a marché !

- De quoi est-ce que tu parles ?!

- Regarde ton pied !

- Que...

Elle se tut, bouche-bée, en voyant que son pied avait bougé. Elle secoua la tête, bouleversée. La soulevant de nouveau, il la déposa sur son lit et récupéra son gilet. Sans un mot, il se dirigea vers la porte. Il avait fait sa bonne action du jour et plus personne ne pourrait dire qu'il avait une réaction inadmissible par rapport à elle. Et surtout, il se sentait très gêné de la proximité qu'ils avaient eu.

- Attends, l'interpella-t-elle finalement tandis qu'il se tenait sur le seuil. Merci, Wesley...

Cela lui irritait la gorge de devoir lui dire, et cela faisait extrêmement étrange à Wesley de l'entendre.

- Disons que maintenant on est quitte...

Et il partit rejoindre ses amis. Quand il arriva au restaurant, Drew et Keaton étaient déjà assis à une table. Apparemment, sa BA lui avait prise plus de temps qu'il ne le pensait.

- Bah alors, qu'est-ce qui t'as pris autant de temps ? lui demanda son frère tandis qu'il s'asseyait en face de lui.

- Oh, disons que j'ai gagné mon bon d'entrée au paradis maintenant.

- De quoi tu parles, t'as aidé une grand-mère a traverser la route ?

Il éclata de rire, rire qui fut encore décuplé quand il vit le regard incrédule que lui lançaient Drew et Keaton. Bizarrement, il se sentait plus léger. Faire ça pour elle l'avait sûrement soulagé d'une partie de sa culpabilité.

- Non, sérieux, t'as fais quoi ?

- Vous demanderez à June quand on y retournera.

- T'as aidé June ?! s'exclama Drew.

- Quand on y retournera ?! s'étonna Keaton.

- Bon, on commande ? demanda-t-il innocemment en les ignorant.

De toute la soirée, ils ne purent tirer un mot de plus à Wesley sur ce qui c'était passé. Il était toujours un peu gêné et n'avait pas vraiment envie d'en parler pour le moment, il verrait bien la réaction de June quand ils y retourneraient. Il devait bien avouer qu'au départ il avait fait ça pour la convaincre qu'il avait raison, que si elle n'arrivait à rien c'était parce qu'elle avait abandonné tout effort et plus encore qu'il n'était pas sociopathe, mais au final - et il eut un peu honte de cette pensée - il avait éprouvé une certaine joie en voyant sa jambe bouger.

She's looking at the ground, I'm looking at the sky || Emblem3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant