She's looking at the ground, I'm looking at the sky || Emblem3

47. Révélation

Le train de June venait d'arriver en gare de New-York. Emily était restée à Washington pour rendre visite à son frère et Austin étant au travail, elle avait donc appelé Drew pour qu'il vienne la chercher. Elle aurait bien sûr pu rentrer en métro, mais elle avait ramené deux grands sacs de livres et d'échantillons en tout genre pour le travail, et elle avait grand peine à les soulever. Une fois le train arrêté sur le quai, elle laissa la majorité des gens sortir, puis elle sortit à son tour difficilement du train, soulevant ses lourds sacs, qu'elle reposa rapidement sur le sol une fois sur le quai. Il n'y avait plus beaucoup de monde sur la voie, tous les passagers avaient déjà atteint le passage souterrain qui menait au cœur de la gare.

- Je peux vous aider ?

Elle se retourna en sursautant, et elle se retrouva face à un homme qui devait avoir entre trente et quarante ans. Elle l'avait aperçu, dans le train.

- Oh, c'est très gentil, mais ça va aller, sourit-elle.

Elle se détourna légèrement et fit mine de reprendre ses sacs, mais l'homme ne bougea pas.

- Vous êtes très jolie, mademoiselle.

- Euh, merci...

Elle commençait à se sentir mal à l'aise, sous le regard de cet homme qui l'observait des pieds à la tête.

- Très attirante, continua-t-il.

June arqua un sourcil. Elle était amusée, aussi. Elle avait dix-neuf ans, bientôt vingt, et elle faisait bien son âge. Alors pourquoi un homme de cet âge draguerait-il une fille comme elle ?

- Et habillée d'une façon très... provocante. Certains y verraient une incitation.

- Provocante, vous plaisantez ? réagit June au quart de tour.

Depuis la fusillade, elle était devenue bien plus impulsive et agressive qu'elle ne l'avait jamais été. Ses instincts réagissaient pour la protéger.

- J'ai un jean et un pull, si c'est ce que vous appelez provocant, il faut revoir vos critères. Et il faut surtout que vous adaptiez vos phrases d'accroche aux situations.

L'homme écarquilla les yeux et haussa les sourcils, visiblement étonné.

- Eh bien... Je n'ai pas l'habitude de m'attaquer à des jeunes filles aussi fortes en caractère. La plupart commencent à être légèrement mal à l'aise et apeurées à ce stade de la conversation.

June se mit à ricaner.

- J'ai vécu des choses bien pires que de me faire draguer par un quadragénaire en manque de sexe. Il en faut plus que ça pour me faire peur, désormais.

Elle lui tourna le dos pour retourner à ses affaires, mais elle le sentit se rapprocher derrière elle. Elle sentit une main lui effleurer le bas du dos et elle frissonna.

- Et voudrais-tu apaiser mon manque ?

Ses sens se mirent en éveil, mais elle n'eut pas le temps de mettre sa nouvelle agressivité à l'épreuve. Juste quand elle se retournait, elle vit Drew attraper l'homme par l'épaule et le plaquer au mur derrière lui.

- Y'a un problème, mec ? Tu veux qu'on t'aide à la violer, peut-être ?

L'homme ne pipa mot devant la carrure et le regard furieux de Drew. Wesley s'approcha de June et posa une main sur son bras.

- Ça va ?

- Bien sûr que oui, grogna celle-ci. J'ai connu pire. Ça va, Drew, laisse-le.

Bien à contre cœur, le jeune homme relâcha sa pression sur l'épaule de l'homme, et celui-ci ne perdit pas une minute pour prendre ses jambes à son cou.

- T'es sûr que ça va ? lui demanda Drew.

- Ne soyez pas ridicules, évidemment que je vais bien. Je me suis fait tirer dessus une fois, vous vous rappelez ? Si vous croyez qu'il suffit qu'un minable se ramène et essaye de me draguer pour me faire peur...

Elle réajusta sa veste et se pencha pour ramasser ses sacs. Drew et Wesley échangèrent un regard et soupirèrent.

- Laisse-moi porter ça, lui dit Wesley en lui prenant les sacs des mains.

Ils retournèrent ensemble à la voiture de Drew, et ils la raccompagnèrent jusque chez elle.

- Bon, merci de m'avoir ramené, leur dit-elle quand ils furent garés devant chez elle. Et... merci.

Sur ce, elle sortit de la voiture et s'engouffra dans le hall de son immeuble.

- Qu'est-ce qu'elle peut être fière, grogna Wesley.

- Mec, tu m'expliques comment tu savais qu'il allait se passer quelque chose ?

Les yeux de Wesley se perdirent dans le vide.

- Je sais pas. Je te l'ai dis, j'ai juste eu un mauvais pressentiment. C'est tout.

- Putain de merde, mec, réveille-toi !

Wesley tourna la tête vers son ami, étonné.

- J'en ai marre que tu sois une espèce de fantôme ou je sais pas quoi ! Je veux retrouver mon meilleur ami, ok ? Celui que tu as toujours été ! Oui tu as toujours été un con avec les filles, oui tu as toujours été borné, aussi têtu qu'une mule et parfois arrogant. Mais t'es aussi un mec passionné, vraiment bon dans ce qu'il fait, un mec avec le cœur sur la main qui est toujours là pour ses amis et qui passe son temps à rire et à profiter de la vie ! Depuis qu'on a quitté Huntington tu t'es beaucoup développé dans la musique, mais t'es devenu amorphe. C'est quand la dernière fois que tu as ris de bon cœur ? Je me souviens même plus de la dernière fois qu'on s'est pris un fou-rire ! Alors peu importe ce que tu penses ou ressens, peu importe la décision que tu prendras, mais il faut que tu te bouges. Parce que sérieux j'en peux plus de te voir comme ça.

Wesley dévisagea son ami pendant quelques secondes en silence.

- Je...

La scène de la gare lui revint en mémoire. Il revit cet homme s'approcher de June et poser une main sur elle, il se rappela les sensations qu'il avait ressenti en imaginant qu'il puisse lui arriver quoi que ce soit à nouveau... Il se tourna ensuite vers Drew avec un sourire.

- Mec, tu viens d'éclairer ma vie. Je te revaudrais ça !

- Quoi ? Mais...

Drew n'eut pas le temps de finir sa phrase, Wesley était déjà descendu de la voiture. Tout en pénétrant dans l'immeuble de June, il sortit son téléphone et composa le dernier numéro qu'il avait appelé.

- Allô ?

- Carly, c'est moi. Je... Je sais qu'on s'est parlé tout à l'heure mais... j'ai quelque chose à...

- Ne dis rien, le coupa-t-elle. J'ai compris... Tu me quittes, c'est ça ?

- Je suis désolé, je...

- Non, non, ce n'était qu'une question de temps, j'imagine...

- On peut maintenir notre dîner de main soir.

- Je ne crois pas que ce soit une bonne idée...

- Si, au contraire. Je veux qu'on ait cette conversation face à face. Il faut que je m'explique...

- Oui, si tu veux... Oui, tu as raison, je crois que c'est mieux. On... on se voit demain, alors.

- A demain...

Il raccrocha et monta les escaliers. Il était peiné de faire du mal à Carly, mais tout ce qui s'était passé lui avait ouvert les yeux et avait fait la lumière sur ce qu'il ressentait réellement. Une fois qu'il fut arrivé au troisième étage, il s'avança vers la porte de l'appartement de June et frappa sans aucune hésitation. La jeune fille vint lui ouvrir quelques secondes plus tard. Elle fronça les sourcils en le voyant.

- Wesley ? Qu'est-ce que tu veux ?

Il s'approcha d'elle, encadra son visage de ses mains et l'embrassa fougueusement, sous ses gémissements de surprise.