Chapitre 4 : La cité fortifiée

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Durant les mois qui suivirent cette discussion, la jeune fille ne cessa de penser à ce que lui avait conseillé la vieille dame. Elle était impatiente d'en apprendre plus ce qui rendait son attente quotidienne encore plus pénible. Les jours s'écoulaient sans que rien ne vienne perturber leur caractère routinier.

Au fur et à mesure, un plan pris forme dans sa tête ; il fallait qu'elle trouve le moyen de se rendre à Carcassonne. Elle envisagea tout d'abord de convaincre ses parents d'y passer leurs vacances. Avec un peu de chance ils iraient visiter la cité tous les trois, et elle n'aurait qu'à leur fausser compagnie pendant une petite journée. Elle aurait aimé éviter autant que possible d'avoir à faire le voyage toute seule, mais malheureusement son père avait déjà prévu un séjour en Bretagne. Ils n'allaient donc pas pouvoir être disponibles. Elle se résigna donc à partir en solitaire. Cette Académie lui semblait idéale pour glaner des informations sur Laputa, et il était absolument hors de question qu'elle abandonne cette opportunité. Elle se mit donc en tête de convaincre ses parents adoptifs de la laisser s'absenter quelques jours. Elle leur exposa tout les meilleurs prétextes possibles, jusqu'à l'exposé scolaire et l'autonomie. S'ils venaient à se rendre compte de sa vraie motivation, jamais ils ne la laisseraient partir. Un prétexte relié aux études était l'idéal. Quand il s'agissait des études, ils capitulaient très vite. Le sérieux de leur fille était bien l'une des choses dont il étaient fiers après tout.

Plus ou moins réticents, ils avaient fini par accepter, et lorsqu'ils n'étaient pas pris par leur travail, ils la conseillaient même en terme de logistique. Il avait été décidé qu'elle partirait trois jours et qu'elle utiliserait un jour pour effectuer ses recherches indispensables pour son « exposé ». Elle était censé se rendre à la bibliothèque de la ville. Bien évidemment elle avait surtout cherché la position de l'Académie sur Internet. A sa grande surprise, elle avait trouvé cette dernière au cœur de la cité fortifiée. Un vieux bâtiment, sans doute. En choisissant un hôtel peu éloigné, elle n'aurait qu'à s'y rendre à pied.

Elle attendait les vacances d'été avec une impatience non dissimulée. A quelques semaines de la fin de l'année scolaire, elle pris son mal en patience en se renseignant sur les différents horaires de transport. Si ses parents avaient bien voulu investir de l'argent dans son voyage, le budget restait limité et une sévère investigation des prix s'imposait. Elle était ennuyée d'avoir à gérer cela – après tout il aurait été tellement plus facile de voler en hélicoptère ou balai magique jusqu'à sa destination (ce qui lui aurait permis entre autres d'éviter les foules)... sauf qu'elle n'avait ni hélicoptère ni balai magique. Dommage. Ce dernier aurait pu s'avérer follement pratique, du moins c'était ce qu'elle avait eu comme impression après avoir regardé le dessin animé de Kiki la petite sorcière. Elle en restait souvent là dans ses pensées pour ne pas avoir à imaginer des moyens de transports encore plus tordus et se disait que cela lui permettait de prendre son mal en patience.

La fin de l'année se déroula calmement, tout les élèves profitant du fait qu'il n'y ait aucun examen. A la fin de la dernière semaine, les vacances tant attendues débutèrent enfin. Ilywen profita de celles ci pour multiplier ses excursions en montagnes et faire un tour du côté du refuge des Bans. Ses parents l'entraînèrent également dans quelques ascensions bienvenues qui les menaient au milieu des glaciers immaculés et des falaises agrémentées de surplombs vertigineux.

Finalement, le jour Ilywen devait partir arriva. Après avoir casé le strict minimum dans sa valise, sa mère l'accompagna à la gare. Sur un dernier au-revoir, la jeune fille la quitta, une boule dans la gorge et l'esprit empli d'appréhension. C'était son premier voyage sans ses parents et elle se sentait incroyablement vulnérable au milieu de la foule compacte qui se pressait autour d'elle. La porte du train franchie, son mal être s'évapora peu à peu. Elle était livrée à elle même pour quelques jours, et mieux valait qu'elle soit en pleine possession de ses facultés mentales. Elle trouva rapidement la place qui lui était attribuée et s'y installa du mieux qu'elle pu. Cinq minutes plus tard, le train s'ébranla et elle se tourna vers la large fenêtre, se perdant dans les volumineux nuages immaculés qui flottaient dans le ciel bleu. Elle ne fit ni attention aux enfants qui déambulaient dans le wagon, ni aux vendeurs de sucreries qui passaient lentement dans la rangée du milieu avec leur chariot à roues. Elle s'était claquemurée dans ses pensées, technique qu'elle utilisait assez souvent et qui permettait que les gens la remarquent le moins possible. Sans doute ne s'apercevaient-ils même pas de sa présence, et cela lui allait.

Le trajet dura quatre heures et ne fut interrompu que par le passage régulier des contrôleurs. Bercée par le balancement du train, la jeune fille menaçait de s'endormir lorsque la voix étouffée du haut parleur annonçant sa destination parvint à ses oreilles. Peu de temps après, le train entrait en gare dans un sifflement strident. Il s'arrêta aussitôt et la jeune fille se secoua. Elle sortit chercher sa valise et sauta sur le quai, laissant rapidement errer son regard sur les panneaux. La gare n'était pas si bondée que cela, et pourtant son cœur battait à grands coups dans sa poitrine tandis qu'elle se forçait à se concentrait sur son itinéraire en se morigénant. Ne pas regarder les gens. Se concentrer sur le sol et les éventuels obstacles pour ne pas trébucher - et se retrouver par voie de conséquences dans une situation embarrassante. Repérer les sortie le plus vite possible. Tout en se répétant silencieusement ces idées en boucle, Ilywen savait que son angoisse presque maladive était ridicule, mais elle ne pouvait pas l'empêcher. Elle tenta de se reprendre en inspirant un grand coup et se mit mécaniquement en marche.

Après avoir emprunté une série de halls où résonnaient les annonces des trains en partance pour des destinations diverses, elle déboucha sur un boulevard animé. Tirant sa valises à roulettes, elle observa soigneusement son plan pour graver le trajet dans sa mémoire. Elle opta ensuite pour une marche rapide et se retrouva devant la porte de son hôtel en quelques minutes. Elle l'avait choisi ni trop loin de la gare ni trop près de l'académie. Elle hésita un moment à entrer puis poussa la porte. Le concierge, un petit homme aux lunettes rondes et au crâne rasé lui adressa un regard sec. A son grand soulagement, il ne lui prêta pas d'attention particulière et lui indiqua sa chambre d'un ton monotone avant de retourner à ses occupations.

La jeune fille monta au premier étage et s'installa rapidement, heureuse d'échapper au trafic bruyant de la ville. Elle avait prévu deux jours de nourriture pour éviter d'avoir à faire des achats sur place. Regardant sa montre, elle s'aperçut qu'il était déjà presque dix huit heures. Elle aurait bien voulu commencer directement ses recherches, mais il était déjà tard et la plupart des services publics fermaient. Cependant, comme il restait du temps à tuer avant le crépuscule, elle décida de partir effectuer une petite reconnaissance à l'intérieur de la cité fortifiée. Sitôt les murailles passées, elle se félicita d'avoir choisi cette option. L'architecture était magnifique, et la chaude lumière du soleil couchant mettait en valeur les façades de pierres des vieilles maison. En empruntant une série de ruelles tortueuses encadrées de ces habitations historiques, elle comprit pourquoi l'académie était si peu connue ; les bâtiments de ce genre se trouvaient généralement dans les grands centres villes, bien visibles et facilement accessibles à toute personne souhaitant y entrer. Or, dans le cas présent cette académie était si bien cachée que l'on était en droit de se demander si son emplacement n'avait pas été décidé justement pour éviter aux curieux de s'en approcher. Vu les thèmes abordés à l'intérieur, elle aurait sûrement attiré les foules si elle avait été située dans un endroit moins contraignant.

Ce qu'elle cherchait se révéla être un grand édifice, serrée entre deux paquets de maisons. Repérable seulement par un écriteau doré et une lourde porte de bois vert sapin, il se confondait avec les bâtiments qui l'accolaient. Ilywen failli d'ailleurs ne pas le remarquer avant de faire volte face en apercevant l'écriteau à la limite de son champ de vision. Elle se tint un long moment immobile, fixant l'académie de haut en bas. Les murs de pierres ocres aux formes légèrement arrondies étaient garnis de petites fenêtres aux contours sculptés et délimitées par des colonnes de même teinte. Ils soutenaient un toit imposant, recouvert de grosses tuiles orangées et souligné par une bande de marbre blanc. L'ensemble était splendide. Elle brûlait d'envie de s'introduire à l'intérieur mais la porte était verrouillée – ce qui n'était pas étonnant, vu l'horaire. Se résignant, elle détourna les yeux de la bâtisse et fit demi tour. Au moins, elle avait repéré l'endroit ce qui lui permettrait sous peu de ne pas errer trois heures entre les murailles...

La quête de l'île célesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant