Son père étant occupé par la découverte d'une nouvelle zone aux roches truffées d'améthyste et par le commencement de la saison touristique hivernale, Ilywen fut conduite à la gare de Briançon par sa mère. Elle monta dans le bus pour Suze – ville italienne de l'autre côté de la frontière - après lui avoir adressé un sourire exagéré pour masquer son angoisse.
Le nuit tomba très vite et la jeune fille se perdit peu à peu dans les contours montagneux rendus flous par l'obscurité ambiante. Les paysages sombres défilant derrière la vitre l'hypnotisaient et elle menaçait de s'endormir lorsque le véhicule s'arrêta au milieu des ruelles lumineuses de Suze.
La nuit fut entrecoupée de changements de bus divers pour Ilywen et elle dormit finalement très peu. Comme elle l'avait prévu, elle arriva à la ville terminus de Bovec au lever du soleil. Après avoir consulté sa carte une nouvelle fois afin d'être certaine de la direction à prendre, elle commença à marcher d'un bon pas et sortit rapidement de la petite ville. La route était peu fréquentée. Au bout d'une trentaine de minutes, un vieux slovène au volant d'une camionnette la dépassa et stoppa devant elle dans un crissement de pneus. Il parlait peu anglais mais cela n'empêcha pas le jeune fille de comprendre son offre. Il se proposait de la conduire à sa destination et elle accepta sans trop hésiter, heureuse de gagner du temps.
Le trajet fut plutôt pittoresque et elle en profita pour observer curieusement les montagnes slovènes aux sommets pâlement éclairés par le soleil matinal. Ces dernières différaient beaucoup de celles de la majorité des massifs français ; elles étaient plus similaires aux massifs du sud comme le Mercantour et l'Argentera. C'était des reliefs très rocheux aux pentes raides et aux vallées recouvertes de forêts de conifères chatoyantes. Peu de neige, peu de glaciers mais des éboulis clairs et des falaises pentues.
Après une trentaine de minutes de route, le vieil homme stoppa la camionnette à l'entrée d'un chemin de terre qui s'enfonçait sous une dense forêt de pins. Ilywen enfila son sac à dos d'alpinisme et s'enfonça sous le couvert végétal après avoir joyeusement remercié son conducteur. Le ciel s'était plus ou moins couvert de nuages gris qui assombrissaient le paysage. Pas un bruit n'émanait de la forêt.
La jeune fille marchait d'un pas rapide, heureuse de retrouver le calme caractéristique de la nature. Elle songea à Turin où elle était censé être, puis à son lycée ou elle avait passé la majorité de l'année scolaire. Elle songea à l'âcre odeur du goudron et de l'air pollué qui l'avait tellement dégoûté lors de son arrivée en milieu urbain. Aux foules traversant sans relâche les passages piétons tout les jours. Aux discussions banales et ennuyeuses à en mourir que tenaient ses camarades de classe la plupart du temps. A ses voisins qui ne pouvaient pas s'empêcher de déclencher cette satanée musique de fête chaque vendredi... alors qu'elle avait des examens le lendemain.
Oui, elle était mille fois mieux à cet endroit plutôt que dans une ville bruyante peuplée d'humains si incompréhensibles. Ici elle ne se souciait plus de son comportement, elle n'avait pas à se creuser la tête pour entretenir les conversations qu'aimaient tant ses semblables – qu'elle ne comprenait jamais. Elle n'avait plus besoin de faire semblant de s'intéresser aux gens, faire semblant d'être avenante, faire semblant...
Toujours faire semblant.
Tout cela était si épuisant... Alors que dans cette forêt où l'aube pointait, personne ne pouvait l'empêcher d'être elle même. Elle pouvait enfin focaliser son attention sur cette nature si belle et si sauvage. Tout ses sens en éveil, elle explorait et caressait chaque feuille du regard. Un papillon bleu et noir se posait sur un monticule de mousse, un oiseau s'envolait en laissant derrière lui quelques branches frissonnantes, un souffle perturbait l'immobilité de petites fougères... Rien ne lui échappait. Contrairement à ce monde humain et social ou tout lui échappait.
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La quête de l'île céleste
AventuraIlywen est une jeune fille aux origines mystérieuses, solitaire et rêveuse. Au fur et à mesure qu'elle grandit, une nouvelle certitude enfouie au plus profond de son être refait surface. Si elle ne se sent pas chez elle sur Terre, serait-ce parc...