Chapitre 12 : Un voyage imaginaire

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Les vacances tant attendues de la Toussaint débutèrent enfin, amenant avec elles un nouveau lot de challenges pour Ilywen. Elle avait trois jours pour préparer son départ pour la Slovénie et trouver un prétexte pour convaincre ses parents adoptifs. Comme pour l'académie d'Almandin, ce prétexte ne serait certainement pas difficile à établir... En revanche leur parler d'un voyage au dernier moment – et à l'étranger de surcroît – risquait fort de les braquer... Elle allait devoir ruser, voire mentir. Tant pis. Elle devait partir.

Dans tout les cas, elle avait pris la décision de gagner la Solvénie avec ou sans leur accord. Mais il fallait à tout prix éviter d'éveiller leur soupçons et pour cela, cet accord était obligatoire. En sachant qu'il ne fallait pas qu'ils fassent le lien entre ce voyage et son passé.

A peine était-elle arrivée dans le petit chalet montagnard qu'elle s'était jeté sur les prospectus qui consignaient les horaires des bus pour l'Italie et la Slovénie. Elle n'avait pas besoin d'aller jusqu'à la capitale Slovène de Ljubjanna, et devait arriver sur place à l'aube. Elle estimait le temps de marche pour atteindre le refuge à trois heures, mais elle préférait se réserver une journée entière pour avoir une marge de manœuvre. Il était donc nécessaire d'effectuer le trajet en bus de nuit en passant en Italie par le col du mont Cenis, puis en traversant le nord des Alpes Italienne. Cette idée de trajet nocturne fit grimacer la jeune fille. Qu'allait-elle devoir inventer pour faire avaler cela à ses parents...

Elle n'eut pas le temps de peaufiner davantage son discours mensonger car son père l'appelait pour mettre la table. Si elle n'en parlait pas maintenant, cela risquait d'être trop tard.

Pour le discours travaillé sans aucune faille, c'était raté... Au diable la préméditation. Elle allait devoir improviser. Elle pris une grande inspiration et se rendit dans la cuisine avec la ferme intention de gagner son autorisation.

Ilywen attendit avec une certaine appréhension que ses deux parents adoptifs s'assoient à table. C'est en posant une dernière assiette sur la table qu'elle se frappa le front en simulant un air désolé.

- Mince alors ! J'ai complètement oublié de vous prévenir !

Ils levèrent un regard interrogateur vers elle.

« - Je vous avais déjà parlé du projet d'étude de première année, vous vous souvenez ? Les professeurs ont beaucoup insisté sur l'importance de la bibliographie. Avoir une bibliographie variée est un très bon point pour le rapport final. Et j'ai découvert un centre d'information qui fait régulièrement des expositions et des conférences. Sur le conseil de M Riat, j'ai décidé d'y aller.

- Mais c'est génial cela Ily ! s'exclama joyeusement sa mère. Au début de l'année tu n'arrivais pas à trouver de bon thème de projet. Sur quoi porte le sujet que tu as choisi ? »

La jeune fille se figea intérieurement. Comment avait-elle pu oublier de réfléchir ne serait-ce qu'une seconde sur un détail aussi important ? Décidément, l'improvisation ne lui réussissait pas. Elle devait éviter de mentionner tout ce qui touchait de près ou de loin à Laputa. Que fallait-il répondre à cette question ?

Elle était en passe de s'affoler quand elle fut prise d'une inspiration subite.

- La mythologie précolombienne ! annonça-t-elle fièrement avec une once de soulagement dans la voix.

En voyant les yeux de ses parents s'illuminer, elle remercia silencieusement Michaël.

« - Et quand as-tu prévu de partir ?

- En fait, j'ai déjà réservé une chambre d'hôtel, répliqua-t-elle en se raclant la gorge d'un air gêné. Je voudrais partir mardi soir. »

Une pointe d'inquiétude lui vrilla l'estomac alors que leur sourire disparaissait.

« - Mardi ? interrompit son père. Mais c'est dans trois jours ! Et tu viens à peine de rentrer à la maison !

- Je sais je suis désolée, j'aurais dû vous le dire avant, grimaça-t-elle. Je suis vraiment surchargée de travail et l'année passe vite ; si je ne complète pas ma bibliographie maintenant je vais prendre du retard sur la recherche documentaire du projet... Et je dois rendre mon rapport final en mai. Je n'en ai pas pour longtemps, l'exposition dure deux jours : je reviendrais vite.

- ... Admettons, reprit-il. Mais... une chambre d'hôtel ? Où se trouve ce centre ?

Ilywen déglutit. Était-il nécessaire de fonder son séjour sur un mensonge complet ?

- ... A Turin.

Sa mère fronça les sourcils.

« - En Italie ?

- Oui. »

Il était définitivement préférable de rapprocher sa destination pour éviter qu'ils soient trop inquiets.

« - Mais pourquoi vouloir partir le soir dans ce cas ?

- Et bien... Je préfère rester le plus longtemps possible ici et arriver en ville le plus tard possible... Vous savez que j'adore le calme du chalet.

- Tu aurais vraiment du nous prévenir avant, soupira sa mère en secouant la tête. Mais enfin si tu n'as pas le choix... C'est tout de même étonnant que tu ais déjà tout prévu. Turin, ça n'est pas la porte à côté. Certes, ce n'est pas comme si tu nous avais annoncé que tu partais pour Milan ou Florence, mais...

- J'étais plongée dans mon projet, argumenta la jeune fille avec une moue désolée. Je suis tombée sur la présentation de cette exposition et avant de m'en être rendu compte, j'avais tout planifié... et oublié de vous prévenir. C'est une grosse opportunité pour avancer mon exposé et je suis sûre qu'aller là bas ne peut qu'être bénéfique pour mon oral. Les jury aiment les prestations originales ou le candidat s'implique.

- Je n'en doute pas, rit sa mère. Ah là là... tu es exactement comme papa quand il s'agit de sujet qui te passionnent... Tu oublie tout le reste. « 

Elle jeta un regard entendu à son mari qui lui sourit en retour.

- Ne t'inquiète pas Ily... déclara celui ci. Tu as notre approbation. Par contre j'exige que tu nous informe en détail sur ce que tu as prévu, où seras-tu à telle heure, etc... Il faut que nous puissions te localiser au cas ou il t'arrive quelque chose.

Ilywen leur fit un sourire étourdissant afin de cacher sa crispation intérieure. Mentir n'était pas aisé, même pour elle qui avait toujours appris à cacher ses ressentis.

Tout trois passèrent la soirée à vérifier ses planifications et à améliorer quelques détails. La jeune fille ré-inventa son voyage entier. Au final, il était tellement remanié qu'il ne ressemblait plus en rien à son véritable voyage. Elle aurait presque pu se croire réellement en partance pour Turin, en bonne étudiante assidue et autonome.

Quand à ses parents adoptifs, ils étaient à mille lieux d'imaginer les intentions de leur fille.

S'ils savaient...

La quête de l'île célesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant