La quête de l'île céleste

Chapitre 15 : Fouilles nocturnes

- Vous allez bien ?

Ilywen releva vivement la tête. Toute concentrée qu'elle était, elle ne s'était pas rendu compte qu'elle fixait étrangement le comptoir, la respiration saccadée. Ses mains tremblaient légèrement. Le regard inquiet de la jeune femme était posé sur elle.

- Oui, oui, s'empressa-t-elle de répondre en se forçant à sourire. Cela faisait longtemps que je n'étais pas monté en altitude, le mal des montagnes sans doute. Ça va passer.

« La bonne blague, pensa-t-elle en disant ces mots. Moi, atteinte du mal des montagnes. Si jamais on m'avait dit que je dirais une aberration pareille pour garder ma couverture... »

- Dites moi, reprit-elle de son air le plus ingénu. Qui est ce vieux Ergail ? C'est curieux, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu parler de lui.

- Vous devez confondre avec quelqu'un d'autre, fit la gardienne en secouant la tête. Monsieur Ergail est la propriétaire d'Eldarion. « Ergail », c'est le nom de sa famille. Ils ne sont pas du genre à se faire remarquer, leur nom est très peu connu... si ce n'est pas du tout.

- Ah... oui, je confonds certainement dans ce cas, reprit la jeune fille en réprimant désespérément une envie de sauter de joie à cette révélation. Effectivement, mieux vaut ne pas les déranger.

Elle s'inclina.

- Je vous remercie beaucoup pour votre coopération. Et pour votre confiance.

- De rien, répliqua son interlocutrice qui semblait tout à fait rassurée à présent. Ça m'a fait du bien de parler un peu avec vous. Bien entendu... Je compte sur vous pour ne pas crier ce que je vous ai dit sur tout les toits. Je risquerais de me faire enguirlander par le patron.

- C'est évident. Je vous le promets.

- Encore désolée que vous ne puissiez pas vous rendre à l'Institution, vraiment.

- Bah... On ne peux pas toujours faire ce que l'on désire et c'est parfaitement normal, continua Ilywen d'un ton enjoué. Je suppose que je vais me rapprocher du Triglav afin de déterminer la voie à prendre pour y grimper.

- Dans ce cas, je vous conseille de passer par le col du Krik et de redescendre de l'autre côté, déclara la gardienne. La vue y est bien meilleure qu'en continuant dans le vallon.

- J'y penserais.

Sur une dernière salutation courtoise, la jeune alpiniste s'éloigna vers les dortoirs.

Elle était à la fois euphorique et terrifiée par la tournure rapide des événements. Après avoir passé des années à écumer les centres de recherches et les bibliothèques, jamais elle n'avait été aussi proche de son but. Ou du moins c'était ce que lui criait son instinct. Eldarion était tellement difficile d'accès qu'elle semblait cacher à elle seule toutes les informations qui manquaient à Ilywen. Et après ce que lui avait révélé la gardienne, il était très probable que les fameuses pages arrachées se trouvent réellement à l'intérieur... Mais même si c'était le cas... Qu'allait-il se passer ensuite ?

Milles suppositions se formaient dans son esprit. Ce qu'elle venait d'apprendre la laissait définitivement perturbée.

Ainsi donc, Ergail était le nom de la famille propriétaire de l'Institution... Il devait y avoir un lien entre cette famille et le livre du « Royaume Céleste ». L'auteur en était-il un membre ?

Quand on y réfléchissait, cela n'était si illogique. Une Institution dont l'existence était tenue secrète à l'échelle internationale... Cela cachait forcément des choses. Cependant... Il était étrange que des archives mentionnant Laputa aient été écrites. Et encore plus étrange que ces mêmes archives se soient retrouvées dans une Académie publique. Bien entendu, il était difficile de les trouver, même pour un collectionneur acharné. C'était difficile, mais possible. Ilywen savait bien qu'elle en était la preuve vivante. La chance l'avait aidée mais elle avait trouvé des informations historiques sur Laputa dans un lieu – certes très discret – mais public. Donc accessible. Et si quelqu'un d'autre avait trouvé ce livre ? ... C'était extrêmement dangereux. Là se trouvait toute l'incohérence. En admettant que les Ergails aient été les auteurs de ces archives, quels pouvait bien être leur intérêt à divulguer leur contenu ?