Finalement, il fut décidé qu'Ilywen irait en classe préparatoire littéraire. C'était ambitieux, mais c'était la seule orientation qu'elle avait trouvé pour ne pas trop inquiéter ses parents. Elle était prête à travailler dur du moment qu'elle avait le champ libre pour effectuer ses recherches. Cette décision prise, toute la famille retrouva un climat plus serein pour le reste de l'année.
Le Baccalauréat arriva au milieu du mois de juin et se passa sans encombre pour Ilywen. Elle sortait de chaque épreuve avec une plénitude grandissante ; car chaque jour la rapprochait des vacances où elle pourrait enfin grimper vers le haut des cimes, se plonger dans les volutes des nuages immaculés et par dessus tout, se consacrer à la recherche de l'institution.
Elle aurait pu avoir peur de ce que l'année suivante lui réservait ; mais étrangement l'été passa sans qu'elle ne spécule outre mesure sur la nouvelle vie d'étudiante qui l'attendait. Pour elle, la priorité était ailleurs. Les études n'étaient qu'un prétexte pour feindre de se fondre dans la masse. Elle s'était mis en tête de trouver Laputa et elle savait que de nombreuses épreuves l'attendaient. Pour le moment, il fallait qu'elle devienne plus forte, car c'était seule qu'elle voulait affronter ces épreuves.
Elle se rendit vite compte qu'elle n'était pas encore assez forte lorsque septembre arriva. Elle avait évité de réfléchir sur son avenir... ce qui rendit d'autant plus violent le changement radical qui allait s'opérer. Elle pris conscience du tournant que prenait sa vie en faisant ses aux-revoir à ses parents, et cela lui fit l'effet d'un coup de fouet. Un coup de fouet rapide certes, mais qui lui fit mal malgré tout. Même si elle savait qu'elle allait revenir de temps en temps au chalet, sa vie continuerait désormais dans son nouveau lycée à une centaine de kilomètres de ses montagnes. Et elle ne pouvait se résoudre à considérer sa nouvelle ville comme chez elle. Il lui paraissait inconcevable de marcher chaque jour dans un lieu ou elle ne pourrait plus contempler les sommets neigeux en levant simplement la tête. Son « chez elle » se trouvait dans les montagnes.
Sentant son désarroi au moment du départ, son père la rassura de quelques paroles maladroites et sa mère la serra dans ses bras. Une ultime étreinte que la jeune fille eut du mal à sentir. Si elle s'était douté que c'était l'un des derniers moments ou elle verrait ses parents, peut être aurait elle été plus réceptive. Mais à cet instant, elle était proche de l'anéantissement et tenir debout sans flancher lui demandait déjà un effort surhumain.
Lorsqu'elle monta dans le train, ses yeux étaient restés secs. La boule désagréable et oppressante dans sa gorge était bien là elle, et perdura jusqu'à son arrivée. Elle n'eut ensuite aucun mal à trouver le petit appartement loué quelques mois plus tôt. Après avoir posé ses valises dans l'entrée, elle promena un regard vide sur les meubles simples et les murs orangés avant de s'affaler sur son lit. Jamais elle ne s'était senti aussi peu à sa place. Aussi... vide.
Elle resta ainsi de longues heures jusqu'au soir, fixant mornement le plafond. Elle aurait presque pu compter le nombre de grains de ciment utilisés pour le construire. Son corps lui paraissait lourd et plus faible qu'il ne l'avait jamais été. L'air était chaud et lui piquait les poumons, et l'odeur du goudron lui donnait le sentiment d'étouffer. Elle n'était plus dans son élément et elle avait l'impression d'avoir atterrie dans un monde effrayant et bruyant. Elle renonça très vite à manger et se coucha sans même se mettre en pyjama.
« - Qu'est ce que je fais ici... murmura t-elle avant de s'endormir. »
***
Fort heureusement, quelques jours après la rentrée, Ilywen sentit son état d'esprit s'améliorer. Elle s'était adaptée à sa nouvelle vie avec une rapidité surprenante, et si le chalet et l'air pur des montagnes lui manquaient cruellement, les pires jours étaient derrière elle.
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La quête de l'île céleste
AdventureIlywen est une jeune fille aux origines mystérieuses, solitaire et rêveuse. Au fur et à mesure qu'elle grandit, une nouvelle certitude enfouie au plus profond de son être refait surface. Si elle ne se sent pas chez elle sur Terre, serait-ce parc...