Chapitre 6 : Un étrange livre rouge

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Pétrifiée, la jeune fille déglutit péniblement. Prise d'une inspiration subite, elle revint soudainement au prologue de l'ouvrage, tournant fébrilement les pages. Le nom de l'auteur se trouvait sur l'en tête : Maître Ergail. Interdite et ne sachant que penser, Ilywen fixa un long moment l'énigmatique signature. Celle ci lui rappelait vaguement quelque chose, mais elle n'aurait su définir quoi. Pour être en possession d'un croquis aussi détaillé de l'île, cet homme devait bien connaître le lieu, et peut être même s'était-il déjà rendu sur Laputa – en admettant l'existence de cette dernière.

Bien entendu, le risque que le croquis ne soit que le fruit de son imagination était présent. Car si il en connaissait un rayon sur l'île, l'auteur ne semblait pas toujours sûr de lui dans ses théories. Pour une raison inexplicable, elle sentait que quelque chose clochait avec les mots qu'elle lisait.

Sortant son carnet de notes, elle tenta une sommaire reproduction du croquis avant de le prendre en photo ; elle avait pris pour habitude de s'approprier un maximum d'information, et celle ci était précieuse. Elle était persuadée qu'elle arriverait par la suite à vérifier si cette image n'était que fantaisie, ou au contraire reproduction fidèle d'une île réelle.

Alors qu'elle continuait sa lecture d'un œil attentif, elle fronça les sourcils.

D'après certains passages, Laputa aurait été abandonnée il y a déjà plusieurs siècles. Si le fait était très surprenant, les raisons en étaient obscures. Au milieu des pages, un poème Laputien était cité.

Plonge tes racines dans la terre

Laisse nous vivre avec le vent

Avec les semences, fertilise l'hiver

Avec les oiseaux, chante au printemps

Il était difficile de saisir le sens de ces vers sibyllins. Ce poème était-il la voix de l'île volante qui était destinée à rester solitaire dans le ciel et intimait aux humains de rejoindre la terre ferme ? Ou était-ce au contraire l'expression des sentiments de habitants de Laputa qui préféraient s'isoler du monde pour continuer de vivre auprès de leur île natale ? L'auteur semblait être convaincu par la première interprétation. Après tout, disait-il, les hommes n'ont jamais été conçu pour vivre dans le ciel. Laputa incarne leur rêve de puissance, mais l'issue de ce rêve s'incarnera en la fatalité. Leur vie se déroulera d'autant mieux si elle est rattachée à la Terre. Une île céleste, aussi sublime soit-elle, ne pourra jamais satisfaire les humains ; car ceux ci ont besoin de la terre nourricière pour évoluer. Et la légendaire Laputa ne la remplacera jamais.

Perplexe, Ilywen se renversa sur sa chaise, réfléchissant intensément. Ce n'était pas ce qu'elle aurait imaginé. Que fallait-il comprendre aux paroles de Maître Ergail ?

Elle avait le désagréable sentiment que quelque chose d'essentiel lui échappait. En tout cas, d'après cet auteur, l'île volante était à présent déserte, certainement enfouie sous les racines des arbres et la végétation. La jeune fille grimaça en l'imaginant solitaire dans le ciel, ses constructions et ses jardins luxuriants envahis par un lourd silence. Au fil de ses recherches, elle avait fini fini par lui trouver un côté presque vivant, et l'envisager à l'abandon lui faisait mal.

Les révélations suivantes étaient encore plus obscures ; Il était clairement écrit que Laputa avait été en lien avec la Terre dans une époque extrêmement ancienne. Mais c'était les paragraphes les plus flous. L'époque en question était décrit comme

« Les années lumineuses où le royaume céleste était visible à tous, et ou l'oubli s'en tenait encore respectueusement écarté. Toutes les familles royales, YaVarman, Lushiel, Tirken... dominaient alors le monde du haut de l'île miraculeuse. Mais sa puissance était grande, trop grande, et c'est elle qui allait causer sa perte. Elle en devenait effrayante, et de l'effroi sont nés les guerres du Millenium. Aux années lumineuses, ont succédées les années noires, les années de l'horreur et des larmes. Et si l'espoir reprenait à chaque accalmie de cette sombre période, l'issue en était inéluctable. L'étincelante cité des Maîtres de Monde, symbole du pouvoir destructeur universel du ciel, n'aurait jamais dû exister pour les habitants de la Terre. »

La quête de l'île célesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant