La quête de l'île céleste

Chapitre 11 : Eressëa

Les jours passants, ils se rapprochèrent un peu, échangeant quelques phrases aimables lorsqu'ils se croisaient dans le lycée. Malgré cela, le jeune homme devenait de plus en plus déconcerté devant l'attitude d'Ilywen. Il avait l'impression que quelque chose lui échappait ; comme si la véritable Ilywen le fuyait. En devenant plus proche d'elle il sentait que la jeune fille laissait de moins un moins transparaître sa nature. Michaël se souvenait du vrai visage de sa camarade : c'était celui qu'elle lui avait montré dans la bibliothèque. Désormais, elle mesurait chacun de ses gestes, chacune de ses paroles avec lui. Elle n'était plus du tout spontanée. Ce manque de confiance soudain le désarçonnait et lui faisait mal. En parallèle, il se trouvait ridicule de prendre cette situation autant à cœur. Après tout, il ne la connaissait pas vraiment. Voire pas du tout. En dépit de cela, il ne pouvait que constater ses sentiments... Il désirait absolument la connaître, mais elle ne lui en laissait pas la possibilité.

De son côté, Ilywen souffrait. Le cercle infernal dans lequel elle ne révélait rien sur elle recommençait avec ce garçon. Elle était définitivement incapable de rester elle même. Mais après tout, comment aurait-elle pu l'être en étant obligée de garder un secret aussi lourd que Laputa ?

Tentant désespérément d'oublier Michaël, elle continuait ses recherches avec acharnement. Cependant, elle s'épuisait peu à peu avec l'intensité de ses études. Garder un niveau correct en cours tout en veillant tard le soir afin de trouver l'institution était très difficile. Elle profitait des temps de pause pour faire des micro-siestes, mais cela ne suffisait pas à la remettre d'aplomb. Ses traits se creusèrent très vite, son teint hâlé devint blanchâtre et sa concentration générale diminuait de jour en jour.

Malgré le peu de temps qu'il passait avec elle, le jeune homme s'apercevait bien de l'état alarmant de sa camarade. L'inquiétude le gagnait peu à peu mais il savait pertinemment qu'elle refuserait de lui confier quoi que ce soit. Sa propre impuissance l'exaspérait, mais malgré son désir d'aider il n'avait pas le choix. Aussi décida-t-il à contrecœur de rester silencieux ; il avait trop peur de la perdre complètement s'il se mêlait de ce qui ne devait pas le regarder.

Au fond de lui, il était sûr d'intervenir un jour si la situation perdurait. En revanche il était loin de se douter de l'effrayante rapidité avec laquelle cette situation allait évoluer.

L'élément déclencheur de ce revirement survint quelques jours avant les premières vacances de l'année. Depuis plusieurs soirées éprouvantes, Ilywen restait à la bibliothèque de plus en plus tard. Elle avait dégagé une dizaines de pistes traitant de la localisation de la fameuse institution en fouillant dans les méandres des ouvrages de géographie et d'histoire. Ce jour là, elle était en train de confondre et de comparer les informations retenues à l'aide de son ordinateur. Les forums et les sites du Deep Web ne faisaient qu'accentuer le flou qui entourait le mystérieux bâtiment.

Ce fut en consultant la brochure numérique d'un refuge de montagne qu'elle trouva enfin ce qu'elle cherchait – par un hasard extraordinaire. Ce refuge se trouvait dans la zone du Triglav, le plus haut sommet de Slovénie. Il pouvait accueillir une cinquantaine de personnes dans ses dortoirs, avec « une vue idyllique sur les montagnes environnantes ». Jusque là tout semblait normal sur la brochure. Mais en parcourant la liste des pics auxquels le refuge donnait accès, l'attention de la jeune fille fut attiré par un nom. C'était le nom d'un sommet, qui se situait probablement dans un rayon de quelques kilomètres autour du refuge. Seulement, en étudiant chaque recoin de toutes les cartes Slovènes possibles, Ilywen avait fini par connaître chaque région par cœur. Le plus petit monticule doté d'un nom n'avait pas échappé à son œil averti et à sa mémoire opiniâtre .

Et en observant ce mystérieux nom sur la brochure, elle était sûre d'une chose.

Cette montagne n'existait pas. Nulle part.