Texte 1

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Fear my lovers


J'aurais voulu t'écrire une lettre ; mais tu n'es plus là pour la lire. Mon amour, je t'adresse alors mes dernières pensées avant que le sommeil ne m'emporte. J'ai gardé en moi le souvenir éclatant de toi. Bien que tout a été fragmenté par le temps, je me rappelle la douceur de tes mains, la chaleur de ta peau, le vertige de tes lèvres... « La lune pour un seul baiser de toi. » Les premiers mots que tu m'as adressés me déchirent les entrailles et mettent le feu dans ma poitrine. Mais le souvenir ne me suffit pas. Je me sens si vide, dans mon cœur et au creux de ce ventre qui m'a si cruellement fait défaut.


Après ton départ je pensais que porter ton enfant remplirait ce vide. Mais la génétique s'est jouée de moi et j'ai perdu ce dernier morceau de toi. Il ne me reste rien. J'espère te rejoindre mon amour, si cela est possible. Parce que j'y crois, j'y crois très fort. Il ne peut pas ; y avoir que du néant après la mort ! Je ne peux pas croire que l'on soit condamné à errer sur cette terre et à disparaître. Quel serait le sens de la vie ? J'y crois mon amour, Cole, j'y crois...


Je me sens flotter, j'ai mal aux bras et je ne sens plus mes doigts. Soudain, je suis projetée contre une paroi de glace. Mais la chute ne produit aucun bruit, ne reste que le froid. Ma vue, un instant, aveuglée par une brillante lumière se repose à présent dans l'obscurité. C'est ironique, non ? Que la lumière soit le synonyme du Bien, mais que la nuit soit si douce et apaisante.


« - ... Ton honneur te perdra... Lave-la ... Non, mais si Gorley sent ...Contrôle ... Peter les plombs. » Je ne connais pas cette voix féminine, tendue et agressive. Pourquoi est-il question d'honneur ? Mon esprit marque encore une pause et ma conscience tressaute. Suis-je encore en vie ? J'entends de nouveau sa voix plus clairement : « - T'a vu ses doigts tremblent. Si elle perd l'usage de ses mains, ça risque de devenir plus intéressant. J'te signale que tu n'es pas chirurgien Aourou, mais bon, moi je m'en fiche, après tout. Au moins j'gagnerais du fric. »


« - Ah bon ? » Dit un ténor.


« - Ouais, j'ai parié avec Adam. Et je suis sûre de mon coup cette fois, tu t'attaques à une cause perdue, elle te filera entre les doigts. Tout ce que j'espère c'est que tu ne le prendras pas trop à cœur. On a besoin de toi pour la prochaine traque et ça me mettrait de travers que tu n'y sois pas à cent pourcent. Capiché ? »


Le silence retombe, je perçois de nouveau ma respiration, mon cœur qui bat faiblement et les paroles chuchotées près de mon oreille. Cole. Je sens sa bouche qui chatouille la peau près de ma joue. Mon cœur douloureux s'affole. Il me frôle et à travers une prière en latin, dont je ne comprends pas un traitre mot, j'entends ses paroles réconfortantes.

« - Je t'ai entendue et je t'attends ici. Prends le temps que le destin avait prévu pour toi, tu me rejoindras ensuite. Quand il sera temps... » Mes yeux roulent dans leurs orbites, je reçois les images par flash.


Un plafond entièrement noir, un drap rouge et mes mains pâles et inertes posées dessus. Je veux tourner la tête vers Cole mais mon corps refuse de m'obéir. Je regarde une nouvelle fois mes mains. Des bandages blancs immaculés remontent sur mes bras. On m'a soignée, je ne suis pas morte. Mais Cole est là.


Il se relève doucement. Il porte un masque. Non, un maquillage effrayant est comme tatoué sur sa peau. Ce n'est pas Cole. Comment ai-je pu confondre ? L'espoir me déserte et laisse un goût amer de cendre dans ma bouche. J'ai l'impression d'avoir trompé Cole en le confondant avec un autre.


L'homme qui se tient à côté de moi à le visage blanc comme s'il avait été peint. Ses orbites ne sont que deux trous noirs squelettiques et sa bouche, une mince ligne noire qui remonte exagérément sur ses joues creuses. On dirait un squelette. Je suis peut-être morte finalement. Mes doigts se crispent et ma gorge laisse échapper un gémissement de douleur. La Chose tourne les deux puits sans fond, qui lui servent d'yeux, vers mon visage. Le froissement du tissus retenti comme un glas dans la pièce. Sa bouche s'ouvre et semble me sourire.


« - Bonjour Léonora. » Il lève la main au moment où ma bouche s'ouvre pour diffuser un cri inarticulé. Cette dernière se ferme et me force au silence. Mon estomac se serre et la peur s'insinue tel un serpent vicieux dans mon corps, gelant tout sur son passage avant d'atteindre ma moelle épinière. Ma vision s'assombrit sur les bords. Je suis le lapin figé devant les phares d'une voiture qui lui fonce dessus. Mon corps ne me répond plus, mon esprit est en arrêt devant cet être qui pourrait bien être la faucheuse. Créature tout de blanc, de noir et des nuances de gris que projettent les ombres sur son visage.


« - N'ayez pas peur. » La masque blanc se dissout à vue d'oeil faisant place à une peau crème, des yeux aux cils si blonds qu'ils sont difficiles à déceler, des iris vert d'eau et une bouche ... normale. Même ses cheveux passent de noir à roux. Cet homme me dit vaguement quelque chose.


« - Je suis désolé, Léonora. J'avais promis à Cole de veiller à vous. Mais j'ai failli et suis arrivé trop tard. » Il ferme les yeux et fronce ses sourcils roux.


« - J'ai servi avec Cole. On était dans le même régiment avant qu'il ne décède. » Comment est-ce possible ? Cole est mort il y a plus de six ans et il m'a dit que son régiment ne comptait que des trentenaires. L'homme, Aourou, n'a même pas l'air de dépassé la vingtaine. J'imagine que s'il peut passer du visage monstrueux, au visage de l'homme le plus banal du siècle ; il peut probablement se faire passer pour plus vieux. Dans quel monde suis-je tombé ?


« - Cela faisait un moment que je n'avais pas pris de vos nouvelles, vous comprenez j'ai une vie assez prenante. Et puis, je ne pensais pas qu'une femme de votre âge aurait dans l'idée de se suicider. Je vous présente mes condoléances pour Cole et aussi pour l'enfant. J'aurais bien voulu vous accorder le repos éternel, mais voyez-vous je suis tenu par une promesse. » Son visage lisse et sans émotions, prend une expression de sincérité. Ce drôle de changement m'inquiète. Il a l'air d'un prédateur qui cherche à appâter une proie en se masquant d'humanité.


« - Je vous ai ramenée à la vie Madame, et avant que vous ne m'affligiez d'une avalanche de questions. Non, je ne vous ai pas drogué, oui, tout cela est réel et non je ne suis pas un ange (ou un démon). Je suis ce qui se rapproche le plus dans votre culture d'un vampire et un nécromancien. Enfin je tiens plus du nécromancien que du vampire classique. Je m'appelle Aourou et je suis un chasseur de Mort. » Je peux enfin relever la tête. Le sol est en fait une grande paroi de verre sur laquelle tout semble flotter ; sous cette transparence gisent des millions de crânes en plus ou moins mauvais état. Je relève les yeux vers le démon _ dont seule l'expression froide et distante _ me permet de ne pas le prendre pour un Homme, et sors en toute spiritualité un majestueux : « - Hein ? »


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J'adore tellement ce thème de concours que j'ai bien envie de reprendre cette première partie et d'en faire un roman ! Mais bon ce serait un peu prétentieux là, j'ai déjà du mal à trouver du temps pour terminer mon premier roman fantastique.

De SalomWillow

Concours (fini)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant