Anti-héros 11

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L'homme qui voulait faire le bien

       Comme chaque matin depuis quatre ans, je me levais. Mon déjeuner m'était apporté chaque début de journée dans mon lit. C'était en quelques sortes mes petits privilèges à moi, là où les privilèges ne sont attribués qu'aux méchants.
Penser à la structure de ce pays me fis replonger bien des années auparavant. J'étais encore gamin. Je me souviens de cette scène, l'une des seules fois de ma vie où mon père avait joué son rôle de père. Il venait me consoler alors que je pleurais (encore) dans mon lit.
Petit, me dit-il, je sais ce que tu ressens.
Je restais dos à lui ne voulant pas le moins du monde qu'il voit la peine qui déchirait chaque jour un peu plus mon être. Il était assis sur le bord de mon grand lit, et je sanglotais, dos à lui. Pour la première fois depuis longtemps, il fit un geste paternel. Il posa sa main sur mon épaule.
Petit, ne sois pas si faible.
Osait-il me dire ça ? J'avais onze ans ! Onze ans nom de Dieu ! Je ne méritais pas toutes ces moqueries, toutes ces insultes.
Père, m'emportais-je bien trop rapidement, ce monde est injuste. Je n'ai fait de mal à personne, je demande juste à aimer et à être aimer. Mais les gens ne voient que la beauté extérieure, il ne voient que mon surpoids et ma laideur ! Ne suis-je pas autre chose qu'un laideron ? A leurs yeux non ! Pourtant, au fond de moi, j'ai des convictions pour leur bien-être, pour que tous puissent vivre dans un monde paisible et accueillant ! Je voudrais devenir le président de la république de notre pays. Je voudrais répartir les richesses, et que tout le monde ait les moyens de vivre dans des conditions acceptables pour des êtres humains. Faire que chaque enfant ait le droit à une éducation digne de ce nom. Qu'il n'y ait plus de familles vivant dans les rues, plus d'enfants abandonnés dans le caniveau, plus de femmes maltraitées par leurs maris... Père, il y a tant de choses que j'aimerai défendre dans ce monde...
Je me retournais face à lui. Il arborait un sourire fier et presque nostalgique.
Mon fils...
Il commença sa phrase, mais se stoppa.
La vie n'est pas si facile qu'elle n'y paraît. Tu as beau vouloir le meilleur des mondes pour ces gens là, jamais, jamais ils ne te le rendront, ne te seront reconnaissants et te remercieront. Tu es bien trop laid, ajouta-t-il. La vie est basée sur l'apparence. Et jamais tu ne pourras changer ça, dit-il en pointant du doigt ma face boutonneuse chaussée d'une paire de lunette occupant un bon tier de mon visage. Tes bonnes convictions ne te mèneront à rien. Il est temps que tu ouvres les yeux. Ne vois-tu pas que tous ces gens dehors sont faibles ? Que leur système est faible ? Que seuls les rapaces et les vautours de notre société conscients de cette faiblesse accèdent au pouvoir. Vois mon enfant, jamais tes belles pensées ne te mèneront ou que ce soit...
Mais père, les gens comme Jaurès ou Pasteur n'étaient pas forcément beaux, et ils ont changé quelque chose.
Mais ils n'étaient pas laids non plus. Ils étaient savants, et ont été là au bon moment au bon endroit.
Mais moi, j'irai dans les grandes écoles, j'irai à la capitale et je les changerai !
Il soupira lourdement, et je me redressais sur mes genoux pour être à sa hauteur.
Des bonnes études ne te mèneront à rien. Il faut être vicieux, mesquin, malin et menteur. Sans quoi... Peine perdue.
Toutes ces révélations m'octroyaient un nouveau regard sur le monde. Et si.. ?
Je le serai. Et je les sauverai tous. Je leur montrerai qu'en étant moche et gros on peut réussir.
Un sourire de fierté se dessina sur les fines lèvres de mon géniteur. J'avais son soutien. Et je le savais.

Ensuite nous avions déménagé en région parisienne. Et j'avais fait mes grandes études, mais jamais je n'avais de quelconque reconnaissance, après tout, même sans être boutonneux, je restais gros et moche. Mon adolescence avait été la période la plus difficile de ma vie, et m'avait fait prendre un grand tournant.
Je faisais ma dernière année de lycée, et était éperdument amoureux d'une jolie blondinette, fille à papa. Ça faisait cinq ans que nous étions dans le même établissement, depuis la quatrième que je l'épiais, que je l'aimais. Nous ne nous étions parlé que quatre fois, la plus part pour les devoirs, ou les rumeurs, et une autre parce qu'elle cherchait son copain.

Ce jour là je voulais me lancer, je voulais me prouver à moi même que grâce à ma motivation et mes convictions, ainsi qu'à ma bonne image (personne savante et respectable) je pouvais moi aussi avoir le droit à quelques moments de bonheur de l'adolescence.
Alors j'étais partis lui déclarer ma flamme. J'avais lu une pauvre feuille toute froissée que j'avais chaque jour depuis un mois dans mes poches, cherchant l'occasion parfaite pour me déclarer. Et là, dans ce couloir froid, à l'aube du printemps j'avais tout dit à Rachelle. Une fois mon discours terminée, et avait rit d'un rire si mauvais, si moqueur, que j'avais perdu contenance.
C'est une blague, avait-elle hurlé de rire, le petit gnome amoureuse « follement », avait-elle dit en utilisant ma voix, amoureux de moi ! Et tu crois quoi mocheté ? Que je vais te répondre que moi aussi ? Je suis promise à un avenir si honorable que rien que cette déclaration piteuse fait tache sur mon image. Je vais sûrement épouser le plus riche des hommes de ce pays, tu ne vois pas ma beauté ? Qui voudra de moi après que tu ai posé tes sales yeux globuleux sur moi ?
Mais... Je croyais qu...
Tu croyais que quoi ? Que j'allais dire que je t'aimais éperdument moi aussi ? Mais qui t'aime, tu as la tête d'un rat d'égout, jamais tu ne réussiras dans la vie, jamais tu m'entends ! Tu n'as pas d'allure, pas de charisme et le reste. Être intelligent est quelque chose à la limite de l'inutile quand on est aussi laid que toi. Sur ce, fous moi le camps avant que je dise que tu as essayé de me toucher !
A cet instant précis, ce jour là même, mon cœur s'ét ait brisé si fort que jamais plus je n'avais ressentis autant de tristesse et de frustration. D'ailleurs ce jour précis du 21 avril 1972 mon cœur avait disparu à jamais. J'étais devenu un homme de ce monde. J'avais ouvert les yeux.

C'est comme ça que aujourd'hui je prenais ma revanche, aujourd'hui, je détruisais ce monde si faible qui m'avait rejeté et fait souffrir. Personne ne se doutait de ce que je faisais. Après tout, j'étais montré comme quelqu'un de mou qui ne savait pas ce qu'il voulait, alors que ce que je voulais c'était les anéantir toute cette nation méprisante. Je détruisais leur conditions de vie, creusant les écarts, supprimant leur code du travail, ainsi que la possibilité aux enfants démunis de se démarquer de leur classe sociale, et de se cultiver normalement. J'abrutissais cette nation, et pas un seul homme ne s'y opposait. Il y avait bien quelque manifestations par ci par là, mais tout finissait pas toujours passer. Et la regression e=était constante, mais ils s'en fichaient. Mon père avait bien raison, ce monde était faible, si faible qu'il semblait me laisser libre champs pour réduire cette mascarrade de république en monarchie, ou en empire.

2017 approche pensais-je et je composais sur mon téléphone dernier cri, un numéro qui m'était si familier depuis quelqes temps.

Allô Nico ?
Ouais ?
Tu peux passer à la maison, il faut qu'on règle quelques détails.
J'appelle Marine ?
Ouais, on va faire les derniers réglages pour les mois à venir.
Ok je te dis à tout à l'heure alors.
Bye.
Tout était en place. Mes deux compagnons et moi allions posséder tous les pouvoirs à nous trois. Un empereur, un roi et une présidente. Ce pays allait être comblé. Et jamais, jamais nous ne lâcherions notre du. C'était fini, le jeu se finissait ici. Moi, François Hollande, j'avais battu à plate couture ce stupide pays qu'était la France dans un bras de fer acharné. Aujourd'hui bien que petit, gros et moche, je la dominais de mes 1m74 et et tous ces débiles de français, ils allaient être mes esclaves dans peu de temps, et je me réjouissais d'avance.


De WrittingAlive.

Concours (fini)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant