Chute 16

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Deux mondes à part



Le Soleil se couchait. Je devais rentrer. Dommage, j'aurais aimé rester plus longtemps dans cette jolie prairie verte. Les herbes qui la composent sont extrêmement hautes et c'est un des seuls endroits où je peux voir le ciel, moi qui vit sous Terre. De plus, c'est un endroit tranquille où je peux réfléchir, penser, rêver...


J'en ai assez que l'on vive dans la pénombre. Pourquoi mon peuple ne peut-il pas vivre dans la lumière, comme tous les autres? Une seule personne me comprend et c'est ma meilleure amie. Malheureusement, elle a beaucoup trop peur de l'autorité de notre reine pour se rebeller. Tiens, en parlant du loup...


«-Mais où étais-tu?


-Dans la prairie, tu le sais bien.


-Mauvaise, très mauvaise idée! Le recensement a eu lieu aujourd'hui et tu n'étais pas là. La reine est très en colère et elle te cherche partout.


-C'était aujourd'hui?


-Puisque je te le dis! Tu n'as pas peur de ta sentence?


-Pas vraiment. La reine ne peut pas me bannir, elle a besoin d'ouvriers comme moi. Le pire qui peut m'arriver est un petit séjour en prison.


-Ouais... elle a besoin d'ouvriers qui travaillent.


-Qu'est-ce que tu insinues?


-Que tu passes ton temps à n'en faire qu'à ta tête et à aller dans des lieux interdits, peut-être.


-C'est bon, c'est bon. On devrait se dépêcher, le soleil est presque couché.»


Nous continuions donc notre chemin. Lorsque nous arrivâmes devant les gardes d'entrée, j'ouvris ma bouche pour parler, mais le plus costauds des trois gardes me coupa.


«-Pas besoin de mot de passe aujourd'hui. La reine a donné l'ordre que l'on vous emmène directement devant elle.


-Si vous voulez. En revanche, j'aimerais que vous arrêtiez de me postillonner au visage lorsque vous parlez, ce n'est pas très sanitaire.»


Les gardes m'envoyèrent un regard meurtrier tandis que je fis un clin d'œil rassurant à mon amie. Je suivis ensuite le garde désigné pour cette tâche à travers les nombreux tunnels sombres, bien que je connaissais le chemin par cœur. Disons que j'étais un habitué.


Nous débouchâmes finalement sur une vaste salle richement décorée. Peu de personnes étaient admises ici, mais sa splendeur avait fini de m'impressionner avec le temps. Après quelques minutes, la reine fit son entrée. C'est qu'elle aime se faire attendre celle-là...


«-Encore vous...


-Et oui. Encore et toujours moi votre majesté.


-Cessez cette impertinence. Ouvrier, pour la énième fois vous ne vous êtes pas présenté à votre travail et vous êtes demeuré introuvable. Cette fois, j'ai envoyé des espions m'informer de vos activités et devinez quoi, je sais que vous avez dépassé les limites de notre royaume. Vous êtes un traître!


Je déglutis.


-Majesté, ce n'est pas ce que vous pensez! J'en ai simplement assez de vivre dans l'ombre et-


-Trêve d'excuses! Vous n'êtes pas comme nous, vous ne pensez pas comme nous, vous ne pouvez donc pas demeurer dans notre communauté. Vos actions nous mettent tous en péril. Vous savez pourtant que nous survivons en restant cachés. Nous ne ferions pas le poids dans le monde extérieur.


-Oui majesté...


-Par le pouvoir que m'accorde mon titre, je vous bannis à tous jamais de ce royaume. Adieu.»


Sur ces mots déchirants elle sortit de la salle. Le garde qui était resté à l'écart durant toute la durée de l'entretien m'empoigna le bras et me guida à nouveau à travers les dédales de corridors. J'étais trop sonné pour résister. Banni de la communauté...


Au tournant d'un couloir, je vis la mine inquiète de ma bonne amie. Je lui fis un sourire triste avant de baisser la tête. Je ne pouvais même pas lui dire au revoir. Peut-être un jour la reverrai-je.


Le garde ne me lâcha que lorsque nous eûmes bel et bien dépassé les limites de notre royaume sous-terrain. Sans un dernier regard, il me planta là, au beau milieu de nulle part, dans un endroit que je n'avais jamais exploré. J'étais complètement désorienté et le garde était parti trop vite pour que je puisse le suivre.


Je fis donc la dernière chose qu'il me restait à faire: marcher. Marcher jusqu'à trouver un abri sûr. Marcher jusqu'à épuisement total. Marcher.


Après avoir marché ainsi durant je ne sais combien de temps j'arrivai sur un sol d'une texture étrange. Le plus étrange était pourtant le bruit que j'entendais au loin. Comme un vrombissement de bourdon, mais en beaucoup plus puissant. Et c'est que je l'ai vu. Cette machine de la mort à quatre roues qui fonçait directement vers moi. Je n'eut même pas le temps de l'esquiver qu'elle m'écrasait comme un vulgaire insecte. Après tout, c'est ce que je suis. Une pauvre petite fourmi, qui, comme sa reine le lui avait prédit, n'a pas fait le poids dans le monde extérieur.


De AntaresWolf.


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