Chapitre 10 (Partie 2): Le Café de la Sorgue

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Louise fixa son verre, choquée. Il ne désemplissait pas depuis le début de la conversation, à contrario de celui de Seth qui se vidait à vue d'œil.

« Mais, si je comprends bien, mon père a été possédé et... dit-elle.

- Il a couché avec ta mère et te voilà !

- Mais tout le monde m'a dit qu'il était mort d'une maladie grave contractée en Afrique !

- A mon avis, la fin de l'Histoire aurait plus l'air de lui et d'un prêtre armé d'un crucifix dans une cave... Je suis désolé, mais il est évident que tout le monde dans ta famille te ment !

- Mais... Toi ? Tu es quoi, toi, dans tout ça ?

- Je suis un chasseur de démons. Je préfère le terme « tueur », c'est plus dans mon instinct. En gros, je les traque, je les trouve, et je les tue. Quand je t'ai vu dans le train, l'autre fois, j'ai senti que quelque chose n'allait pas chez toi. Et quand je t'ai vu être poursuivie ce soir par ce démon, j'ai tout de suite compris.

- Y'a quelque chose que je ne comprends toujours pas.

- Quoi donc ?

- Eh bien, pourquoi ont-ils commencé à me poursuivre maintenant ? Je veux dire, avant, je ne faisais que des rêves ! Et maintenant, ils sont à mes trousses dans la vie réelle !

- A l'aide des rêves, ils t'ont assez marqué pour que tu aies un pied dans... Le côté obscur de la force ! Ils t'influencent jusqu'à ce que tu sois assez mûre pour les rejoindre. C'est l'Appel. Mais il faut que tu donnes ton consentement, sans cela ils ne peuvent pas te forcer à être des leurs.

- Et tu penses qu'ils peuvent se fatiguer à la longue ? Se démotiver ? Car je n'ai absolument pas envie de rejoindre leur petit club privé !

- Pas vraiment, non... Soit les personnes les rejoignent, soit elles se suicident. Enfin, ce sont les seuls cas que j'ai vu. »

Louise resta interdite. Dans tous les cas de figures, son avenir s'annonçait noir. Mais elle n'avait ni l'intention de terminer dans le gang des Enfers, ni celle de mettre fin à ses jours. Elle regarda un instant les gens autour d'elle et soupira. La jeune fille se mit alors à envier leurs places. Soudain, elle eut une révélation.

« Ce que tu dis ne tient pas debout ! Je ne peux pas être un demi-démon ! s'exclama-t-elle.

- Pourquoi donc ?

- Tu dis que les demi-démons héritent des pouvoirs de leur géniteur. Or, je n'ai pas de pouvoirs particuliers ! Je suis tout ce qu'il y a de plus normal ! Si on arrive à leur faire comprendre qu'ils se trompent de cible, ils me laisseront tranquille !

- Tu vis vraiment dans le monde des bisounours... Ils n'appellent personne au hasard, ils ne se trompent jamais. »

L'adolescente se mit à trembler de peur. Face aux propos de Seth, elle sentait son destin condamné.

« Mais il y a bien un moyen... ajouta Seth.

- Lequel ?

- Il y a un rituel à faire. Mais il faut attendre la prochaine pleine Lune. C'est dans une semaine, je ne sais pas si on pourra réunir tous les ingrédients d'ici là.

- Tu as besoin de quoi ? demanda Louise, excitée.

- Je vais retrouver la liste dans un bouquin, je te tiendrai informée. Bon , il se fait tard, je pense que tu as eu ton compte d'émotions pour ce soir, le bébé doit se coucher !

- Très drôle...

- Allez, viens, je vais te raccompagner. »

Les deux jeunes gens se levèrent et quittèrent la terrasse du café. Seth entraîna Louise dans une ruelle, où était garée une moto Harley Davison. La jeune fille écarquilla les yeux.

« C'est ta moto ? demanda-t-elle alors que le jeune lui tendait un casque.

- Oui, je préfère ça à la voiture, plus rapide. Tu n'as pas peur, au moins ?

- Je ne suis jamais montée sur ce genre d'engin...

- Allez, grimpe ! Accroche-toi à moi. »

La jeune fille s'exécuta. Seth démarra et la moto partie telle une fusée dans la ruelle, gagnant la route. Louise se sentit alors poussée des ails, grisée par la vitesse. Elle eut, durant un instant, l'impression de vivre. Le jeune homme fit ne manqua pas de faire quelques queues de poisson et entra dans le lotissement où habitait Josiane. Il s'arrêta devant la maison et déposa l'adolescente.

« Je te laisse mon numéro de téléphone. N'hésite pas à me contacter si tu as le moindre souci, dit Seth en sortant une carte de son blouson.

- Seth Mazer, chasseur de démons, tu donnes vraiment ces cartes aux gens ?

- Plus de personnes que tu ne le crois ont des problèmes d'ordre démoniaque... Bon, je te laisse, bonne nuit, jeune fille.

- Bonne nuit à toi aussi ! »

Seth démarra la moto et disparu au coin de la rue. Louise tourna les talons en direction de la maison. Son visage se décomposa lorsqu'elle vit la lumière allumée dans le salon. Elle entra dans le jardin discrètement et longea la demeure sans faire le moindre bruit. Elle enjamba la fenêtre et atterrit dans sa chambre en heurtant la commode. Soudain, la lumière s'alluma. Surprise, Louise se retourna et fit face à sa grand-mère, assise sur son lit, un air patibulaire dans les yeux. Elle tenait dans sa main le carnet de l'adolescente et mordillait un bâtonnet de réglisse.

« Mamie... bégaya la jeune-fille. Qu'est-ce que tu fais ici ? Je ne savais pas que tu aimais mâchouiller ce genre de truc...

- Ça m'empêche de fumer. Et comme je suis très énervée, à un point que tu n'imagines même pas, autant te dire qu'il y en a plein en état de décomposition que j'ai délibérément jeter sur ton lit.

- Ah...

- Va falloir qu'on s'explique sérieusement, jeune fille ! T'étais où, bordel ?! Et c'est quoi ce putain de carnet ? Et cette face de raie, dit-elle en montrant le dessin de Louise, c'est de lui dont tu rêves ?

Louise soupira. La soirée était loin d'être terminée. 

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