Chapitre 16: Josiane

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Josiane s'assit sur le canapé, fixant le sol, gênée. Elle joignit ses mains sur ses genoux, cherchant les mots qu'elle allait devoir employer pour parler à sa petite fille. Cette dernière se tenait toujours debout, devant elle, les bras croisés, crispée. L'adolescente regardant sa grand-mère d'un œil accusateur, presque méprisant.

« Ecoute, Louise, dit la vieille dame, il y a des choses dont je n'ai pas envie de parler.

- Tu as pris mon carnet, tu es rentrée dans mon intimité et tu m'as fait la morale, j'estime pouvoir en faire de même avec toi.

- Tu es bien cruelle, pour une gamine de 16 ans. Tu devrais redescendre sur Terre avant que quelqu'un ne te mette une branlée dont tu te souviendras toute ta vie. »

La jeune fille déglutit. Effectivement, elle était dure, et faisait sûrement preuve d'autorité face à son aïeule, mais elle estimait que c'était de bonne guerre. Josiane n'était pas tendre avec elle depuis le début, il était temps de lui rendre la monnaie de sa pièce. Ou, du moins, lui faire comprendre qu'elle devait changer de comportement si elle souhaitait que tout se passe bien entre elles.

« Ecoute, mamie. Au vu de ce qu'il y a de marquer dans mon journal, j'estime être mal placée pour juger quelqu'un. Nous avons tous nos zones d'ombres. Tu connais les miennes, maintenant, et tu les as sus d'une façon qui me déplait énormément.

- Parce que toi, tu penses avoir mieux agit en défonçant la porte de la cave ?

- C'était un accident.

- Mon cul, oui ! Cette porte était blindée ! »

La conversation tournait à la dispute. Louise réalisa que, si elle voulait les informations qu'elle désirait, elle se devait de calmer le jeu. Elle s'assit à côté de Josiane, tendue.

« Bon, d'accord, j'ai défoncée la porte, avoua-t-elle. Je n'étais pas bien, j'ai donné un grand coup dedans et elle s'est effondrée.

- Comme ça ? Juste avec un coup ? Excuse-moi, princesse, mais j'ai un peu du mal à y croire.

- Mamie, ne tente pas de retourner le dialogue. Je t'ai demandé des explications sur ton carnet.

- Je sais, oui... soupira Josiane, tout en détournant le regard.

- Tu sais que tu peux tout me dire... » ajouta Louise en prenant la main de sa grand-mère dans la sienne, afin de paraître la plus douce possible.

La vieille dame se mit à sangloter. L'adolescente sentit son corps trembler.

« Oh, mamie, je ne voulais pas te faire de peine, excuse-moi...

- Non. Pas d'excuse. Tu veux des explications, et tu as raison. Seulement, je ne veux pas que tu me regardes différemment après ça.

- Ne t'inquiète pas. »

Josiane se retourna vers sa petite fille, les yeux brillant. Elle sortit un tissu de sa poche et se moucha bruyamment dedans.

« Bon, dit-elle, tout commença quand j'étais petite. J'étais une petite fille réservée, issue d'une famille très bourgeoise et catholique. Nous vivions dans les beaux quartiers de Paris. On allait régulièrement à la messe, et on mettait un point d'honneur à respecter les préceptes de la Bible. Ma mère était une femme douce, et docile. Mon père possédait une intelligence hors norme. Il exerçait le métier de commissaire-priseur. On allait souvent le voir, lors des ventes aux enchères. J'adorais ce moment, car on y voyait des gens très riches, habillés somptueusement. Je me disais toujours que, plus tard, je ressemblerai à ces sublimes dindes, très bien coiffées, maquillées, et vêtues des plus belles robes. C'en était presque irréel. Des fois, je m'éclipsais un instant, échappant à la surveillance de ma mère, pour admirer les œuvres d'art pour lesquelles s'écharpaient tous ces gens friqués, imbus d'eux-mêmes, déguisés en pingouin. J'étais un peu dans mon élément. On vivait bien, je n'avais pas à me plaindre. Et puis, en grandissant, j'ai... »

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