CHAPITRE 42: cicatrices

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Les yeux fermés sur l'obscurité de ma propre âme, j'écoute, je sens, j'attends. Voilà au moins une heure que je suis revenue des limbes dans lesquels j'étais plongée et auquel j'essaie encore d'échapper.

Me concentrer est difficile. Comprendre, impossible.

Leurs voix font échos et semblent tordues.

La camionnette s'est remise en marche.

Je suis à l'arrière. J'attends.

Sym ne m'a pas laissé. Noama y-est-elle pour quelque chose?

Oui, certainement.

J'attends.

Il veut ma mort. Noama ne la veut pas, Lino non plus.

Mais Noama défendra Sym.

Lino me défendra, Noama ne le touchera pas, elle l'aime trop pour ça.

Sym pourrait lui faire du mal. Moi c'est à lui que je vais faire du mal.

Mais pas encore. Surtout pas avec Noama à ses côtés. Noama qui me défend. Mais pour combien de temps?

Le mépris dans ses yeux n'existe plus face à un être vulnérable.

Vulnérable, je le suis. J'ai besoin de Noama. Pas de Sym, pas vraiment.

Nous verrons. J'écouterai, j'attendrai, je scruterai, je guérirai, je reviendrai, je piégerai, je blesserai et je tuerai. Si nécessaire.

Je ne laisserai pas Sym avoir ma peau. Encore une erreur, une tentative de se débarrasser de moi et il est mort.

A lui de comprendre, à lui de voir.

Sa vie est entre ses mains et les miennes. Surtout les miennes...

***

deux ans plus tôt.

Haydin avance vers moi, son visage est partiellement recouvert de sang. Pas le sien.

Son ami porte un corps sans vie sur son épaule.

Haydin a le visage fermé, sans réaction, seul ses yeux parlent. Tristes, anéantis, perdus.

Il laisse tomber son sac à terre et s'arrête devant moi. Il pose sa main droite sur ma joue et fixe mes yeux.

Il respire lentement, choqué, abattu.

Il ferme ses yeux qui commencent à rougir.

Il pose ses lèvres sur mon front et de sa main gauche prend une de mes mains. Il recule d'un pas et me tire loin des autres, de ceux qui le suivent et lui obéissent. Il ferme la porte derrière lui, se retourne vers moi à nouveau. Il me prend dans ses bras. Il ne ma lâche plus, sa tête calé dans mon cou, il retient ses sanglots. Mais il pleure, ses larmes roulent sur ma poitrine.

Il s'accroche à moi, serre mon pull dans ses poings. Il souffre, tellement.

Je le serre contre moi. J'essai de ne pas pleurer.

- Que s'est-il passé? j'ose enfin lui demander alors qu'il pleure toujours.

- Ils... Ils l'ont tué. il répond la gorge noué et la voix tremblante.

- Qui? Qui ont-ils tué?

- Ewen... souffle-t-il.

Puis il tombe à genoux, se laisse chuter sur le dos. Une de ses mains couvre sa bouche pour étouffer les cris et la colère qui ne demandent qu'à sortir, l'autre tient toujours ma main. Il replie ses jambes, semble prêt à imploser.

LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant