CHAPITRE 51: faiblesse

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C'est étrange. Je n'arrête pas de me dire que chaque pas que je fais est un pas de plus qui nous approche de Lumière mais aussi un de plus qui nous éloigne de ce petit garçon.

Pourquoi c'est si dure?

D'habitude l'indifférence est l'instrument auquel je joue le mieux et ça me réussit très bien mais là, là pourquoi c'est si violent?

Je résiste contre l'envie foudroyante de faire demi tour ou même tout simplement de regarder en arrière. Alors j'accélère un peu plus à chaque fois que l'envie est plus forte.

Se concentrer sur autre chose. Je regarde mes pieds. Vite, vite. Lino, voilà longtemps que je ne lui ai pas parlé, qu'on ne s'est pas retrouvés comme avant, comme il y a très longtemps. Quand lui et moi étions comme frère et sœur. Maintenant quelque chose à changé, je ne saurai dire quoi exactement, c'est comme ça, voilà tout.

- Oh merde, c'est quoi ce bordel. s'exclame Sym.

Je relève la tête, il se trouve légèrement en arrière par rapport à moi, je me tourne il tend les bras devant lui et lève les yeux au ciel.

Ça me tombe sur la joue, délicatement et ça disparaît. Blanc, petit, inoffensif, froid aussi.

Comment appelle-t-on ça déjà?

- Il neige, il neige! crie de joie Noama.

Elle sourie, lève les bras pour les toucher, les attraper. Lino tire la langue la bouche grande ouverte au ciel.

Il fait nuit, pourtant la neige tombe, blanche. Contraste évident, parfait. Le noir et le blanc, la nuit et le jour, les étoiles et les flocons.

Magnifique, apaisant.

Mais il en tombe de plus en plus.

- Venez, on continue. je les appelle tranquillement les sortant de leur état presque second.

- Déjà? Bronche Noama avec une moue enfantine.

J'hoche simplement la tête.

- Elle a raison, il y en aura d'autre, ils n'ont pas finis de tomber. insiste la mère en me regardant.

Message implicite, glacé. D'autre, pas fini de tomber. Elle dit vrai, mes pieds sont recouvert de neige qui m'arrive déjà aux chevilles. Et ça continue de tomber et ça ne semble pas prêt de s'arrêter.

Sym jette un œil rapide sur moi et fait le premier pas en avant. La mère tient la main de sa fille qui s'accroche à elle désespérément. Elle ne tiendra pas. Injuste mais vrai. Cruelle réalité.

Chaque pas devient plus compliqué que le précédent, la neige monte et monte encore. Elle atteint désormais la moitié de mon tibia. La neige, magnifique mais elle bouffe plus vite l'énergie, nous ralentit davantage.

Mon souffle est rapide incohérent. Ma blessure me gêne, me brûle et la neige trempe mes chaussures. C'est lourd et mes côtes me font mal.

Noama s'arrête, je lui fonce dedans ne regardant pas devant moi.

Ses yeux posés, désespérés sur le paysage, le visage ayant perdu chaque parcelle de joie.

Parce que devant nous, se dresse une colline. Haute, abrupte trop enneigée. Elle est immense et s'étend sur les côtés à perte de vue. Impossible de la contourner, Peut-être même qu'elle continue indéfiniment...

Je serre les poings, toujours une emmerde pour nous ralentir, nous empêcher. Je fulmine, j'aimerais la faire disparaître. J'imagine une étendue plane, blanche et des panneaux, immenses qui m'indiquerait la direction et au bout Lumière, où ce que j'imagine être Lumière, splendide, avec ce que j'imagine être le soleil se levant derrière. Trop beau pour être vrai, trop facile d'atteinte, trop tout, simplement.

Quand on ne veut pas une chose elle arrive le plus facilement et sans effort possible en revanche quand on en veut une autre il faut se battre comme des chiens et tuer comme des humains. Brutalement, rapidement, salement. 

Ça me procure l'effet d'un coup de coude dans le ventre. Sur le moment ça vous stoppe net, ça vous fait mal et ça vous décourage mais après vous n'avez plus qu'une seule idée en tête, vous venger, rendre la pareille et réussir.

Là on doit réussir, le coup de coude dans le ventre c'est cette colline et là on doit la traverser, parce que sinon on aura fait tout ça pour rien, on aura tué pour rien.

Je me retourne face à Lino, Sym, la mère et la fille tandis que Noama reste à côté de moi.

- Quelqu'un a une corde? Je leur demande espérant qu'il en soit ainsi et que mon idée marche.

Sym ouvre son sac précipitamment et fouille un peu dedans. Après quelques secondes, l'objet de ma convoitise se trouve sous mes yeux.

Il me l'apporte.

- On fait quoi maintenant?

- On s'attache tous avec, en file indienne mais pas trop serrés.

Il hoche la tête, commence à se l'enrouler avant de faire un nœud autour de sa taille. Il a décidé de passer devant.

Lino s'avance ensuite et finit attaché lui aussi. Je passe après lui suivie de Noama puis à sa suite, la fille et la mère, qui ferme la marche.

Nous voilà tous reliés les un aux autres, notre vie tenant à celle de l'autre.

Aucune explication n'est nécessaire, il faut avancer, et grimper comme on peut. C'est le seul moyen malgré la fatigue et surtout la faim et pire, la faiblesse de nos corps.

J'ajuste mon sac et descend la corde sous mon nombril avec l'angoisse qu'elle atteigne ma blessure pas encore parfaitement refermée. Trop fragile pour subir ça.

Sym démarre et arrivé au pied de la colline il n'hésite pas une seconde et entame l'ascension. 

Maintenant il ne faut surtout pas qu'il tombe, il ne faut que personne tombe. Parce qu'en bas personne ne viendra nous chercher. 

Mais surtout parce que malgré la neige des morceaux de roches dépassent pour la plupart pointus, prêtes à nous empaler au moindre faux pas.

je ne pense qu'à une chose, personne ne doit tomber, parce que si cette personne ne se rattrape pas, on se fracassera tous contre les rochers et on finira le nuque et le dos brisé. Au mieux morts, au pire, paralysés, agonisant et attendant de mourir.

Et ça, Sym et moi l'avons très bien compris. Ne surtout pas tomber.



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