Qu'arrive-t-il à quatre personnes lorsque celles-ci perdent la raison ? Je me pose vraiment cette question. Sym m'inquiète. Il semble trop calme pour la situation, comme s'il n'était qu'un simple spectateur qu'il regardait quatre pauvres humains qui ne savent même plus dans qu'elle direction ils vont. Il est trop loin de la réalité, ne veut plus réalisé sûrement. Comme quand il m'a frappé et qu'après il a tenté de me réconforter. Il frappait mais ce n'était pas lui. Plutôt si c'était lui mais il ne s'en rendait pas compte.
Nous avons perdu la notion de tout. Du temps, de la distance, de notre faim, notre soif.
On ne se parle plus. Plus personne ne parle. Moi j'économise mes forces pour le peu qu'il me reste. Eux, je ne sais pas. Chacun se passe la gourde à tour de rôle, nous dormons les un à côté des autres. Nous nous faisons confiance mais nous ne parlons plus. Et puis, pour dire quoi? Demander quoi? Pour donner quel genre de réponse?
Et si nous tournions en rond s'en serait fini de nous. Plus de nourriture, j'ai tellement faim que je ne sens même plus mon ventre gargouiller. Juste la sensation d'un vide, d'un courant d'air dans le ventre. Un froid totalement vide. Des crampes d'estomac parfois. Alors je bois, je bois beaucoup pour remplir mon estomac, l'eau est un camouflage dans la faim. Et je pisse beaucoup aussi, je m'occupe aussi de Noama pour ça. Je la porte, elle est tellement légère, s'est excessivement amaigrie, les joues creuses, les yeux dans le vague. Ses jambes sont comme deux bâtons osseux et ses bras sont de même. Quand elle les tend vers moi pour que je la soulève j'ai souvent un mouvement de recul. Elle s'est dégradée très vite. Trop vite. Il y a autre chose là dessous, quelque chose qui se passe dans sa tête.
Sym est sur la même pente qu'elle. Il s'affaiblie. Moi aussi je le sens de plus en plus. Davantage à cause de la fièvre que de la faim. Je me demande comment je peux encore être en vie après tout ça. Ma blessure ne guérit plus, elle s'infecte, crée du pus. Je ne supporte plus que mes vêtement frottent dessus l'effleurent à peine ça provoque une douleur éclair. Mais ma blessure me gratte, sans cesse. Avec des accalmies et puis d'un coup ça devient presque insupportable. L'impression de cafards qui courent dessus et se complaisent à cette démarche folle.
Je vais finir par craquer faire exploser mes sutures. Je le sais et ça ne va pas tarder.
Ma cheville a gonflé depuis que Sym a marché dessus. Je boite maintenant mais la douleur se fait oublier avec le froid de la neige qui compresse dessus. J'anesthésie mes nerfs.
Lino tousse, renifle, morve tout le temps, il ne dort presque plus. Il respire mal. Il est pâle. Il n'arrive presque plus à marcher, il s'éttouffe du manque d'oxygène au moindre effort. Il reste sur la bâche avec Noama tout le temps, Sym et moi nous occupons de tirer le convoi des malades.
J'ai peur que si je tombe, je finisse avec eux et je doute que Sym dans son état, puisse nous tirer tous les trois.
Nous dormons moins depuis peu, nous marchons plus. Je vomis parfois, seulement de la bile. Fièvre. Et j'ai faim quand même j'ai tellement envie de manger...
J'ai déjà eu faim avant, mais là c'est différent parce qu'aujourd'hui c'est un vrai compte à rebours.
On va finir par mourir, ici, dans ce désert froid, sans aucune vie. On va se geler et peut-être ... NON!
Ça ne peut pas se finir comme ça! Pas après tout ce qu'on a traversé. Pas après tout ce que j'ai dû faire.
Insupportable incertitude.
L'espoir se désagrège comme la raison.
Parfois, durant un fragment de seconde je regrette d'être partie. Seulement un fragment de seconde qui se dissipe mais qui laisse ce goût amer dans mon esprit. Le plus dur étant ceci.
Qu'elle décision est la meilleure? Continuer ou rebrousser chemin?
Et les yeux de Sacha, que je vois, qui me voient. Mais qui ne disent rien, habitent mes rêves ou mes cauchemars.
Je ne peux m'empêcher d'y penser!
Sym murmure, rien que je puisse comprendre, rien que je n'ai envie de comprendre. Nos mains sont en sang à cause des cordes que nous tirons.
Droit devant, regarder droit devant et avancer, un pas après l'autre.
Un bruit mât tout à coup qui me sort de cette anesthésie mentale. Je m'arrête.
Je ne veux pas voir. Je sais déjà. La corde tombe de mes mains. Tous mes muscles se relâchent. Je laisse mon genoux gauche toucher le sol. Mains à plat, tête baissée qu'il va falloir redresser pour sauver.
Je tourne la tête sur ma droite, les yeux fatigués, lourds de fatigue et d'inquiétudes.
Sym est mort. Enrayage dans son cœur, pièce défaillante par la faute de trop de maux et pas suffisamment de remède.
Son visage est tournée vers celui de Noama. Elle ne sait pas, pas encore.
L'injustice la plus totale n'est pas pour celui qui meurt le plus dur est pour ceux qui restent. Vivre avec le manque, avec une blessure qu'on ne peut guérir seulement enveloppée et atténuer la douleur immortel.
Noama... Perdu trop de chose, n'en a gagner aucune.
Et je regarde le corps de celui qui l'a aimée, étendu, stoppé si vite. Aucun contrôle sur ce qui vient d'arriver.
Pourvu qu'il n'ai pas compris ce qui lui arrive. Pourvu que seulement il soit tombé mort déjà.
Mort, si vite. La mort ne laisse jamais de seconde chance et elle ne prend pas toujours les bonnes personnes pour son voyage sans retour, aucun.
Je me lève et le traîne sur la bâche, on abandonne personne, on abandonne plus maintenant.
A l'opposé de Noama, qu'elle ne voit pas. Il deviendrait le coup fatal.
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Lumière
AdventureAucune lumière, je n'ai jamais vu aucune lumière qui ne soit pas artificielle. La violence, la violence est omniprésente. La solitude est insoutenable. La nuit, la nuit devient insupportable. Pourtant, il y a un endroit, où tout est plus sim...