CHAPITRE 49: froid

625 82 8
                                    

La voiture continue sa course à une allure folle. Noama me tient toujours mais a desserrée son emprise.

La ville s'efface peu à peu. Je n'aperçois plus que le rouge des flammes, où est-ce celui du sang?

La mère tient son fils sur ses jambes allongées. Il est petit trois, quatre ans peut-être difficile à dire avec ses cheveux bruns frisés qui lui tombe sur le visage. La petite fille se tient au bras de sa mère, les yeux mis clos, elle a sûrement huit ans.

Le garçon est pâle et j'aperçois rapidement quelques tâches de tousseur sur ses joues et son nez.

Comme la petite mais la mère n'en a pas, sûrement viennent-elles de leur père.

-Ça va maintenant? m'interroge Noama tout de même un peu méfiante.

J'hoche la tête, elle me lâche et je me replace à sa droite, contre la paroi du véhicule, les jambes tendues.

La mère sourie à Noama qui le lui rend bien.

- Comment vous êtes arrivés là? nous demande-t-elle les yeux plissé avec une légère pointe d'inquiétude dans la voix.

Elle assure sa prise sur son fils.

- C'est une longue histoire. élude Noama avec un geste lasse de la main.

Lassé alors qu'elle n'a pas eu à faire grand chose, alors que j'ai tout pris pour eux trois.

- Pourquoi vous avez fais monter vos enfants?

Elle tourne brusquement la tête vers moi, son regard change, défensif, méfiant. Elle veut les protéger.

- On devait partir, tout brûlait, c'est mon devoir de prendre soin d'eux, je suis leur mère. répond elle gonflée de détermination et d'amour maternel.

Je baisse la tête, songe quelques secondes.

- J'aurais aimé avoir une mère comme vous. je lâche soudainement, oui vraiment vous n'imaginez pas à quel point.

Il fallait que ça sorte, les paroles ont dépassé ma conscience. Mais ce n'est rien que la vérité.

Cette révélation semble ébranler Noama qui paraît mal à l'aise, à la fois sur le point de pleurer et de me gifler.

- On est là maintenant, tu le sais ça.

- Oui mais vous n'étiez pas avec moi, pas avant. je contre avant qu'elle ne s'emporte et comprenne mal ce que j'ai voulu dire.

Elle commence à se prendre pour ma mère. Elle veut me protéger voilà pourquoi ses réactions envers moi sont si douce et compréhensive.

Mais que fait-elle? Elle veut vraiment couler avec moi?

Qu'elle s'attache oui, mais pas trop, surtout qu'elle ne s'attache pas trop...

La femme ma paraît jeune mais ses traits sont tirés et ses cernes sont immenses, presque trop grand par rapport à son petit visage fin et son cou frêle.

Elle me sourie maintenant, brièvement avant de reporter son regard au crâne de son garçon.

Elle passe une main sous ses bras et le redresse, il ne se réveille même pas.

La mère grimace.

- Il a un peu de fièvre je crois. se justifie-t-elle mal à l'aise.

Je ne vois aucune goutte de sueur sur son front et il dort comme un nouveau né.

Je crois qu'elle se trompe. Ça tangue...

Elle pose ses doigts osseux sur les fermetures éclaires de la veste bleu foncé de son fils.

Et l'ouvre. Pas entièrement au milieu elle se bloque.

Ses mains se mettent à trembler, son visage se crispe et son corps cesse totalement de bouger.

Noama me jette un regard rapide, elle ne voit pas non plus ce qui se passe

La veste cache tout.

Je ne tiens plus et me redresse, je me laisse basculer en avant sur les genoux et là.

Rouge au extrémité, noir au centre. Trou béant dans le thorax de l'enfant. Mort, pâle depuis un moment... Mort.

Tout chavire...

Je ne peux plus bouger. Je vois tout. Sa chair déchiquetée, le sang qui a coulé et qui s'est imprégné dans les vêtements. Mort.

Je cligne des yeux, plusieurs fois. Comment est-ce possible? Comment ça a pu arriver? 

Mort, encore...

Elle se met à pleurer, puis elle se met à hoqueter, elle crie et elle hurle et son cœur se déchire en deux et son âme meurt déjà. Elle meurt pour la première fois.

Noama ne bouge pas, ne veut pas voir. Elle a pris la petite fille contre elle qui pleur elle aussi. Sym a demandé ce qui se passait et personne ne lui a répondu. Personne à part le cris de la mère déjà presque morte.

Et il ne s'est pas arrêté pourtant ses épaules crispées témoignent de son anxiété parce qu'il se passe quelque chose qu'il n'a pas pu voir, qu'il ne peut pas identifier et comprendre. Il n'est pas sûr et ne veux pas l'être.

Parce que cette réalité est minable, abject et pourrie jusqu'à l'os, la moelle prête à tomber 

Il n'a rien fait à personne ce petit garçon. Sa mère aimait ses enfants. Elle les aime encore tellement. Sa mère ne les a pas abandonnée, elle ne mérite pas de perdre ce qu'elle aime le plus au monde, ceux pour qui elle mourrait sans hésitation. Aucune.

Cette réalité est une merde, une absurdité née, qui croupi prête à vous ensevelir dès la moindre erreur.

Elle appuie sur la blessure de la chair de sa chair. Je veux lui dire que c'est trop tard, que c'est inutile.

Mais c'est inapproprié, comment pourrait-elle admettre qu'il n'y a plus d'espoir et que son fils ne respirera plus jamais.

Leur cœur à tous les deux ont explosés.

Mais l'un des deux ne battra plus jamais.

Et elle pleure sans s'arrêter, c'est un torrent de tristesse pure, acide.

C'est la souche de l'arbre qui s'écroule, coupé.

Je retombe sur les fesse et rabats mes jambes contre ma poitrine en les entourant de mes bras. Les cris et les pleures de la mère s'estompent, je me balance légèrement d'avant en arrière et essais de penser à autre chose, mais comment?

Ça me fait mal, ça pince mon cœur, ça démange toujours un peu plus à chaque fois.

Y a-t-il seulement une fin à tout ça? La souffrance semble à chaque fois trouver un passage, même lorsque l'on a tout calfeutré, bloqué et fermé à double tour avant de jeter la clef dans un puits profond.

Comment lutter contre un tel fléau?

Je ne suis pas surhumaine, je ne suis pas plus forte que les autres. Voilà, maintenant je le sais.

Mort...

Jene suis que moi, et moi, c'est ce qui n'aurait pas dû arriver.    

J'ai froid. Je veux me blottir, me serrer contre quelqu'un, contre la chaleur humaine, apaisante et réconfortante.

J'ai froid. J'ai froid et ça continu avec le vent qui me fouette le visage. J'ai froid comme un cadavre et rien, absolument rien n'arrive à me réchauffer. 

Je ne vois plus que la fumée au loin qui a engloutie la nuit.

Alors que faire? 

"Serre les dents, encaisse et, oublie, si tu peux, oublie."

LumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant