Calixte était demeurée silencieuse durant l'entretien de sa sœur avec le lieutenant Fondement – il leur avait juré qu'il ne s'agissait absolument pas d'un interrogatoire, Domitille n'étant en rien suspecte, avant d'ajouter « pour le moment », comme si de rien n'était. Cela avait souverainement déplu à Calixte, quoiqu'elle fût certaine que sa jumelle n'avait perçu en rien la menace voilée. Décidément, il fallait qu'elle contacte Louis-Gustave. Le plus tôt serait le mieux. Toute cette histoire ne démarrait pas bien ; elle comportait trop d'inconnues pour que quiconque puisse prévoir dans quel sens l'enquête se dirigerait. Et comme certaines de ces inconnues touchaient Calixte de très, très près, elle aurait largement préféré garder la main dans cette étrange partie de cartes. Hors de question que Domitille ne se retrouve plus impliquée qu'elle ne l'était déjà !
Après cela, Calixte s'était efforcée d'écouter, mais son esprit vagabondait ailleurs. Elle se sentait inquiète, frustrée et tendue. Elle aurait voulu se débarrasser de tous les intrus qui envahissaient son petit univers – policiers, médecin légiste, croquemort, journalistes qui faisaient le pied de grue devant les grilles du parc, et ce fameux lieutenant Fondement aux dents bien trop blanches pour être honnête.
Ses pensées finirent par se tourner vers Valmont. Mort. Elle réalisait lentement, surtout maintenant qu'elle pouvait apercevoir le corps à travers la fenêtre, sous un drap blanc qui couvrait pudiquement sa nudité autant que son trépas. Valmont. Était-ce réellement la dernière fois que Calixte allait l'entrapercevoir, comme ça, à travers la fenêtre du grand salon ? Comme ça, abandonné dans le parc, à côté de gens qui se fichaient bien de savoir à quel point il avait été insupportable, à quel point il avait été suffisant et doué pour jouer avec les sentiments des gens aussi. Valmont. Calixte aurait aimé se le rappeler vivant, se sentir agacée par son insupportable sourire en coin, mais l'image ne lui revenait pas. À la place, il n'y avait que ce visage figé, ces yeux vides et inexpressifs. Pas étonnant que Domitille soit démontée ! Elle faisait plutôt bonne figure pour le moment, étant donné les évènements qu'elle venait de vivre, mais Calixte pressentait la crise de larmes aussitôt que le lieutenant Fondement les aurait abandonnées.
Ce qui ne tarda d'ailleurs pas à arriver.
– Je vous remercie infiniment, Mesdemoiselles. Je ne manquerai pas de vous contacter si un détail manquait, mais vous avez été... étonnamment claires, vu les circonstances. Essayez de ne plus trop y penser.
Ah, et voilà qu'il feignait la compassion, se dit Calixte. Décidément, le fourbe lieutenant au joli fondement l'agaçait de plus en plus. Qu'il fasse son boulot et arrête de jouer les charmeurs ! Ne comprenait-il pas qu'ils étaient ennemis dans cette confrontation ? Sans doute Mademoiselle de Touchet n'avait-elle pas encore trouvé le temps de lui expliquer ce qui faisait tout le sel de l'histoire : les portes de l'internat étaient closes la nuit, et Valmont n'avait décemment pas pu passer par la cheminée – ce n'était absolument pas son genre, il préférait amplement la grande porte, de préférence avec clairons et trompettes pour illustrer sa magnificence. Noble dans l'âme sans l'être par le sang, voilà ce qu'il était. De son vivant ; parce qu'à présent, Valmont Desmiers n'incarnait plus rien d'autre qu'un cadavre voué à la pourriture. Plus de sourire sur ses lèvres fines...
– Cal ? murmura Domitille lorsque le lieutenant se fut éclipsé, leur accordant enfin quelques minutes de solitude au sein du grand salon. Cal, qui a tué Valmont ?
La question de Domitille sonnait comme un appel à l'aide, un peu démente. Calixte la fit se lever pour la serrer dans ses bras.
– Je n'en sais rien, chuchota-t-elle à l'oreille de sa sœur jumelle, le nez enfoui dans ses boucles blondes. Mais une chose est sûre : ils ne vont pas tarder à se rendre compte que le meurtre a dû être commis depuis l'intérieur. Et à ce moment-là... Nous serons toutes suspectes.
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Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèque
Mystery / Thriller« Qu'est-ce qui avait bien pu lui prendre, à ce jeune homme de bonne composition, pour venir mourir sur la somptueuse peau d'ours polaire de la bibliothèque ? » Au pensionnat de Touchet, une étrange apparition vient troubler la quiétude des demoisel...