XXIII. Un, deux, trois...

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La nouvelle du drame qui venait – encore – de frapper l'internat de Mademoiselle de Touchet ne tarda pas à parvenir aux oreilles du lieutenant Fondement, qui se dit que cette fois-là, l'institution mise sur pied par la vieille demoiselle n'avait guère de chances de s'en tirer. On se remettait d'un meurtre. De deux, plus difficilement. Alors deux meurtres et une tentative de suicide, cela correspondait quasiment à mettre la clé sous la porte.

– Je ne serais pas aussi catégorique, lui avoua l'agent Lande d'Aussac. Les vieilles familles nobles tiennent bien trop à offrir une éducation comme il faut à leurs enfants. Sans compter que ces histoires vont attirer les nouveaux riches en manque de sensationnel...

– Vous êtes macabre, commenta son supérieur.

– Réaliste.

Ils finirent leurs cafés respectifs d'un trait. Ils avaient passé l'heure précédente à enquêter sur la signification possible du blason aux trois têtes d'aigles qu'Ariane venait de remarquer sur la tête de leur tout premier cadavre. Ils n'en avaient cependant pas encore trouvé la signification, et ce mystère supplémentaire devrait attendre des instants plus propices avant d'obtenir l'éclaircissement mérité ; Louis-Gustave demeurait d'ailleurs sur place pour poursuivre les recherches.

Pour le moment, l'inspecteur et son agent devaient se rendre à l'internat au plus vite. Patrick Fondement tenait à battre le fer tant qu'il était chaud, et s'il n'avait guère rencontré de succès durant ses précédentes entreprises auprès des jeunes filles, il pensait pouvoir profiter de leur état de choc pour leur tirer de plus amples informations. Pendant ce temps-là, Ariane Montaigne se rendrait à l'hôpital de la Très Noble Charité de Sainte Ursule La Gentille, où la gamine qui s'était ouvert les veines – plutôt maladroitement, selon les premiers échos parvenus au poste de police – avait été transportée. Le lieutenant Fondement avait retenu la leçon : hors de question de laisser celle-ci lui mourir entre les doigts ; il lui avait donc assigné pour Cerbère sa légiste en mal de travail de terrain et de reconnaissance.

Patrick Fondement et Stéphane Lande d'Aussac étaient sur le point de quitter le poste de police, lorsque la vieille femme qui s'occupait de l'accueil – une sacrée peau de vache – interpella le lieutenant de sa voix traînante.

– Y'a un Monsieur qui demande à vous voir, mon mignon ! Ramenez votre joli petit cul en salle d'attente, je l'ai rangé là-bas.

Par pur esprit de contradiction, le lieutenant Fondement fut fortement tenté de poursuivre son chemin comme s'il n'avait rien entendu, mais le regard mauvais que lui jeta sa subordonnée le convainquit de ne pas jouer les enfants.

– Je vais vite passer le voir, décréta-t-il dans un soupir. Il a un nom, votre Monsieur ?

La vieille réajusta ses lunettes pour consulter l'antique registre.

– Lignières Pascalin, croassa-t-elle. Motif de la visite : suicide.

Il ne fallut qu'un chuchotement de la part de l'agent Lande d'Aussac pour que Patrick Fondement se souvienne que la fameuse demoiselle amatrice de grosses plaies sanguinolentes sur les poignets se nommait également Lignières, que son visiteur impromptu avait dès lors de bonnes chances d'être son géniteur et qu'il n'était aucunement d'humeur à gérer des parents en détresse. Il songea ainsi fortement à aller promener son charmant fessier ailleurs que dans la salle d'attente, histoire de laisser l'agent Lande d'Aussac gérer la situation de son tact légendaire, par exemple.

Malheureusement pour lui, le visiteur devait avoir l'ouïe fine, car il apparut bientôt dans l'embrasure de la porte qui menait à la salle d'attente, une expression soucieuse lui ridant le front.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant