XVII. Le Miroir se brisa

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Adélaïd Lande d'Aussac ne se sentait pas déborder d'une joie infinie à l'idée de collaborer avec ce monstre imprévisible de Calixte, mais cela lui semblait la solution la plus adéquate pour parvenir à mettre la main sur l'assassin de Valmont – et pour ce faire, le jeune homme se sentait prêt à passer un pacte avec SATAN lui-même s'il le fallait. Les deux filles en face de lui, enfoncées dans leurs pudiques robes de chambre, ne paraissaient toutefois pas partager sa volonté.

– Et comment est-ce que tu veux procéder ? grommela Philiberte. On n'a pas l'ombre d'un indice !

– Ou plutôt on en a trop, rectifia Calixte, qui hésitait entre l'agacement et la tentation de profiter de l'aide de son fauteur de trouble préféré pour s'innocenter.

Sa réplique fit toutefois hausser un sourcil dubitatif à Philiberte, au point que la blonde demoiselle se sente obligée de s'expliquer – ce qui allait tout à fait dans le sens de ce que voulait entendre Adélaïd, qui se retint dès lors de lancer quelque remarque piquante.

– Premièrement, on sait que l'un d'entre nous a dû laisser entrer Valmont, ce qui réduit déjà le champ des suspects potentiels à dix personnes et un chat demeuré, fit Calixte en tendant un doigt déterminé. Ensuite, il y a la chaussure à talon. Jusqu'à présent, on ignore d'où elle provient.

Le majeur de la détective en puissance vint rejoindre son index pour s'afficher bien en évidence sous le nez de son public. L'annulaire s'apprêtait à faire de même quand Adélaïd osa l'interrompre :

– La chaussure est plutôt ancienne, apparemment. Stéphane a eu la mauvaise idée de la laisser entrevoir à ma mère, qui s'est aussitôt outrée de voir sa fille unique en possession d'une vieillerie de ce genre.

Calixte pinça les lèvres.

– Ta frangine fait partie de l'équipe qui enquête sur le meurtre de Valmont, et tout ce que tu parviens à en tirer, c'est que l'arme du crime était passée de mode ? s'offusqua-t-elle. On ne va pas aller loin comme ça...

– Je te ferai remarquer, ma chère, que ton frère a aussi été intégré dans cette équipe – ce lieutenant Fondement possède visiblement un sens bien personnel du secret de fonction. Et qu'as-tu tiré de ta connexion avec Louis-Gustave, dis-moi ?

– Rien encore, grommela Calixte. Je l'ai eu au téléphone à midi, mais il avait l'air de traîner une sacrée gueule de bois et m'a semblé plutôt préoccupé. Je présuppose qu'il s'inquiète pour Dom et moi – c'est ce qu'il fait le mieux.

Philiberte en profita pour intervenir.

– Vous devriez le cuisiner, Dom et toi ! décréta-t-elle. Vous aurez le temps demain ; Mademoiselle de Touchet s'est enfin décidée à annuler les cours pour nous permettre de, je cite, digérer ces tragiques événements. Anne-Lucienne insistera pour que nous nous rendions à la messe du matin, mais après, ce sera champ libre. Avec les adultes si occupés à gérer la police, les journalistes et les parents fous furieux, filer à l'anglaise sera un jeu d'enfant.

Elle marqua une pause théâtrale, avant de décréter d'un ton péremptoire :

– Adélaïd et moi, nous en profiterons pour nous rendre chez les parents de Valmont et... Je ne sais pas, essayer de comprendre ce qu'il y a à comprendre ?

– Ça a l'air vachement plus drôle que de faire passer un interrogatoire dans les règles à Louis-Gustave, se plaignit Calixte, qui sembla malgré tout adhérer à l'idée.

Le trio convint ensemble qu'il leur fallait pousser l'enquête plus avant s'ils espéraient obtenir les moindres résultats. Ils partaient avec un retard conséquent sur le lieutenant Fondement et son équipe, évidemment, mais avaient l'avantage de connaître dans le détail l'environnement dans lequel s'était noué le drame.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant