XII. Les Enquêtes de Patrick Fondement

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Les cours passèrent lentement ce jour-là. Les filles se retrouvèrent au centre de l'effervescence, sans cesse interpellées par les pensionnaires masculins de l'internat d'en face, qui avaient certes entraperçu l'ambulance mais auxquels on n'avait pas daigné lâcher la moindre information. Anne-Lucienne se retrouvait assise, comme de coutume, au premier rang à côté de Charles-Conrad – l'unique descendant de l'illustre famille Paillard de la Harmonnaye Sainte-Mimérande, autrement dit un jeune homme au sang plus bleu que bleu et à la réputation des plus flatteuses.

Charles-Conrad faisait certes part de la discrétion la plus polie et se montra tout à fait affligé lorsque Anne-Lucienne daigna lui glisser que la pauvre, pauvre petite Muguette de Vauchaussade avait fort malencontreusement fait un curieux malaise. Il eut toutefois le bon goût d'attendre la fin du cours de théologie et le début de celui de géographie – cette vilaine science progressiste et scandaleuse – pour daigner interroger plus avant sa partenaire de table.

– Enfin ma chère, cette histoire est invraisemblable, s'étonna-t-il. La jeune demoiselle de Vauchaussade est en bien trop bonne santé pour se laisser aller à des malaises de la sorte. Est-ce la vision de ce cadavre si indécent qui l'a tant tourmentée ? Elle aurait dû aller se confesser, peut-être...

– Je ne crois pas, chuchota Anne-Lucienne en réponse, tout en dignité effarouchée. Mes malheureuses amies, je le crains, n'ont pas été assez choquées du tout par la vision des attributs virils de Monsieur Valmont Desmiers. Elles sont d'une si cruelle légèreté que j'en crains trop souvent pour leur vertu !

– Vous êtes trop bonne, ma chère Anne-Lucienne, la consola Charles-Conrad, philosophe, en lui tapotant chastement le poignet du bout des doigts. Vous être bien trop bonne pour ce vilain monde dans lequel nous vivons.

– Je le crois aussi, mais cela ne fait que de renforcer l'importance de ma vigilance en lieu et place de celle, déficiente, de mes pauvres, pauvres condisciples. Vous-même devez connaître les mêmes maux, s'ils ne sont pires, avec la bande de jeunes hommes indisciplinés qui peuplent votre bâtiment.

Charles-Conrad renifla avec dédain, mais l'occasion de s'épancher sur ses propres malheurs le radoucit néanmoins.

– Oh, ils sont moins terribles depuis qu'ils ont appris la mort de Valmont. Ils l'aimaient tous énormément, vous savez. Particulièrement le petit Adélaïd Lande d'Aussac, il s'entendait si bien avec Valmont ! Au fait, chère Anne-Lucienne, saviez-vous que la sœur aînée d'Adélaïd, Stéphane, travaillait – oui je sais, c'est terrible de voir une si noble famille en arriver à de telles extrémités – travaillait, donc, pour nul autre que ce brave lieutenant Fondement qui s'occupe justement de l'affaire ?

Tandis que le professeur continuait à déblatérer sur la dérive des continents et autres foutaises évolutionnistes, Anne-Lucienne eut le bon ton de prendre l'air choqué qui convenait.

– Seigneur tout puissant ! lâcha-t-elle d'une toute petite voix, sans qu'il ne soit possible de déterminer si c'était le fait que la fille Lande d'Aussac doive travailler pour gagner sa vie qui la choquait, le fait qu'elle ait choisi une profession si peu convenable pour une jeune fille, ou plus simplement la nouvelle concernant le fait qu'Adélaïd Lande d'Aussac – meilleur ami de la victime – disposait d'une espionne de premier choix au sein des forces de l'ordre.

– Et qu'en dit Adélaïd ? reprit Anne-Lucienne, qui savait certes que cancaner en cours était un pêché, mais s'accordait parfois ce luxe en se jurant qu'elle ne faisait que de se tenir au courant des dernières affaires qui ébranlaient le domaine de Mademoiselle de Touchet pour mieux veiller sur ses cadettes ; elle dirait d'ailleurs un chapelet le soir venu pour expier sa faute.

– Il ne dit pas grand-chose, pour le moment. Il essaie de comprendre, je crois. Apparemment, le lieutenant en charge de l'affaire n'avait pas l'air absolument convaincu que Valmont a été assassiné par quelqu'un intérieur à l'internat, malgré le fait que vos portes sont évidemment closes à la nuit tombée, de même que les nôtres. Mais avec ce que vous venez de m'apprendre sur l'accident de cette pauvre Muguette de Vauchaussade...

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant