XVI. La Nuit qui ne finit pas

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La nuit était tombée depuis longtemps sur cette première journée depuis l'annonce de la mort de Muguette, permettant au ciel d'aborder enfin des tons un peu plus en accord avec l'humeur des pensionnaires de Mademoiselle de Touchet. Pour sa part, Calixte tournait dans sa chambre telle un lion en cage, sa chevelure blonde – et remarquablement emmêlée pour le coup – confirmant son lien de parenté avec le grand félin. Elle en imposait d'ailleurs à SATAN lui-même, qui pour une fois, se tenait tranquille dans un coin pour mâchouiller vaguement une chaussette oubliée, sans penser à attaquer ces mollets qui passaient à côté de lui encore et encore.

– Tu devrais lire un livre, lui suggéra Edmondine, qui s'était installée sur le lit de gauche avec Domitille pour se peinturlurer les ongles des orteils en un rose criard – leur manière à elles de gérer le deuil.

– Eddie, je suis la principale suspecte d'un meurtre, et ils vont bien réussir à trouver un moyen de me coller celui de Muguette sur le dos d'une manière ou d'une autre, grommela Calixte en réponse. Je n'ai absolument pas envie de lire – à part peut-être le rapport d'autopsie, mais je ne vois vraiment pas comment on pourrait mettre la main dessus.

Domitille, les pieds en l'air pour ne pas tâcher de vernis ses draps de soie, leva un regard franchement condescendant sur Calixte, l'air de dire qu'elle ne serait sans doute pas la principale suspecte du meurtre de Valmont si elle ne s'était pas amusée à se rendre à son rendez-vous secret en lieu et place de sa jumelle. Elle eut toutefois le bon goût de ne pas évoquer ses pensées réprobatrices à voix haute, ce qui n'aurait sans doute pas arrangé l'humeur de Calixte. Elle se contenta d'énoncer une évidence :

– Tu n'as effectivement pas envie de lire, tu as envie de te disputer avec quelqu'un. Pourquoi est-ce que tu ne vas pas rendre visite à Philiberte pour parler un peu de politique russe du dix-septième siècle avec elle ?

Elle avait prononcé ces quelques mots de sa jolie voix calme, sans y mettre la moindre intonation de reproche. Calixte salua l'exploit d'un signe de tête.

– Pas bête, reconnut-elle. Vous ne m'en voulez pas si je vous abandonne à vos vernis ?

– Point du tout, ma chérie ! s'écria Domitille avec emphase.

– Mais tu reviendras, hein ? s'enquit Edmondine. Je voulais te parler de ce nouvel auteur génial que j'ai déniché, Pimprenelle Cœurflamboyant. Ses histoires sont tellement émouvantes ! On va en parler à la prochaine séance du club de lecture !

Calixte hocha pensivement la tête en espérant très fort que l'auteur en question avait pris un pseudonyme et qu'il ne s'agissait pas là de son nom de baptême, puis s'en fut sans demander son reste. SATAN l'accompagna dans le couloir, sa petite tête disparaissant dans le fouillis de sa fourrure – le cœur lourd, Calixte réalisa que Muguette n'était plus là pour prendre soin de lui, et qu'elle ne reviendrait pas. Elle se jura de s'occuper de la terrifiante bestiole dès qu'elle aurait récupéré ses nombreuses brosses en ivoire, que Mademoiselle de Touchet devait conserver on se savait où. Puis, Calixte se dit qu'il y avait eu assez de morts dans cet internat et qu'elle ne se sentait pas l'âme d'une Anne-Lucienne la Bienfaitrice, et abandonna l'idée. Elle permit néanmoins à l'affreuse boule de poils de l'accompagner jusqu'à la chambre que Philiberte partageait avec Georgianna.

– Phili n'est pas là, dear, l'informa la plantureuse rouquine, laquelle se trouvait en plein essayage d'un nouveau corset qui lui remontait les seins sous le menton – elle risquait d'ailleurs fortement de se noyer dedans si elle venait à éternuer. Tu veux bien m'aider à resserrer le lacet, dis ?

– Tu crois que c'est physiquement possible ? articula Calixte, dubitative.

– Bien sûr ! s'enthousiasma Georgianna. Mummy vient de me l'envoyer de Moscou. Il paraît que c'est la dernière mode, là-bas. Tu remarqueras les petites bordures en fourrure d'ourson de l'Oural pour ne pas attraper un rhume de poitrine !

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant