IX. Drame en trois actes

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Louis-Gustave reçut l'autorisation d'emmener ses deux sœurs et quitta le poste de police la tête basse, s'efforçant d'échapper aux quelques journalistes et autres requins de l'information qui faisaient le pied de grue à l'extérieur. Le lieutenant qui avait interrogé Calixte – et qui, visiblement, menait l'enquête sur le meurtre de Valmont – avait eu la prévenance de leur appeler un taxi, geste que Louis-Gustave prenait pour une offre de paix, à défaut de disculpation totale pour les jumelles. Enfin, c'était toujours mieux que rien, et vu les circonstances, le jeune avocat se sentait prêt à accepter toute marque de sympathie, même venant d'un policier arrogant et manquant terriblement de savoir-vivre – il suffisait de poser un œil sur la manière dont était réalisé son nœud de cravate pour en être définitivement convaincu.

L'ambiance fut morose sur le trajet du retour. Avant qu'ils ne récupèrent Domitille, Louis-Gustave avait exigé que Calixte lui dise la vérité sur sa rencontre avec Valmont, le soir de la mort de ce dernier, et sur le reste de ses manigances. La jeune femme avait accepté de s'exécuter, à condition qu'on la laisse seule à seule avec sa sœur. Louis-Gustave et le lieutenant avaient donc assisté à la confrontation des jumelles depuis l'autre côté de la vitre sans tain, tandis que Calixte s'en allait rejoindre Domitille. Bon, le policier avait vite fini pas perdre de vue qui était qui dans la tempête de cris qui avait suivi, ayant visiblement beaucoup de mal à distinguer les deux sœurs, mais avec les commentaires plus ou moins désespérés de Louis-Gustave, il avait fini par comprendre. Enfin, comprendre... Il n'y avait pas grand-chose à comprendre, au final : Cal et Dom étaient parties pour bouder, et Louis-Gustave pour rester au milieu en prenant l'air mal à l'aise. Rien que de relativement habituel.

Et les jumelles ne s'adressèrent pas la parole de toute la demi-heure que dura le voyage en taxi. Pas plus qu'elles ne parlèrent à leur frère aîné, cela dit, ce qui était sans doute une bonne chose quand on songeait que ce dernier se sentait assez prêt d'exploser. Elles n'avaient toujours pas l'air de réaliser à quel point la situation était grave, ces deux ravissantes petites idiotes. Que Domitille joue les princesses dans une tour d'ivoire n'était pas si étonnant que ça, à vrai dire, mais Calixte avait habitué son frère à plus de lucidité.

Il soupira, et vit avec soulagement la grille du manoir familial se profiler au bout de la route. Au moins pourrait-il quitter cet habitacle surchargé de tensions, de non-dits et de sentiments bafoués, pour aller s'enfermer dans la bibliothèque de feu ses parents, par exemple, à la recherche d'un moyen d'exercer son rôle de grand frère et tuteur de deux potentielles accusées de meurtres au mieux de ses capacités. Aïe. Il espérait que sa patronne aurait plus de chance que lui, elle qui devait être plongée dans le dossier de l'affaire en ce moment-même.

Louis-Gustave fut le premier à s'extirper de l'habitacle du taxi. Il régla la course en vitesse, ne se souciant même pas du pourboire qu'il laissait derrière lui, et partit tout droit vers la maison, vers ce défunt refuge de son enfance. Comme il aurait voulu que ses parents aient vécu, à cet instant précis où il s'avançait sur le perron et posait une main moite sur la poignée dorée de la porte d'entrée. Comme il aurait aimé pouvoir bénéficier des conseils précieux de sa mère et de son père.

Bon, en réalité, il n'était pas sûr du tout que les deux adultes auraient été en mesure de se rendre utiles : les parents des jumelles Valette et de leur frère aîné avaient tous deux fait carrière dans les arts, et possédaient des âmes bohèmes, pas vraiment très aptes à la pratique assidue du droit et de ses méandres. Les espoirs de Louis-Gustave s'avéraient donc plutôt vains, et il s'en trouvait moins déçu que prévu. Il n'empêchait qu'il aurait été agréable d'avoir quelqu'un d'autre sur qui s'appuyer pour gérer cette crise. Encore heureux que les jumelles soient mineures et que leur arrestation se soit avérée tout à fait illégale, sans quoi il se serait avéré largement plus complexe de les tirer de prison.

Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant