Isabeau nota la disparition de son livret avec une angoisse aussi soudaine que paralysante.
– Tu as rangé quelque chose ? demanda-t-elle à Nazaire, qui lisait sa correspondance de la semaine, affalée sur son lit.
La belle métisse se contenta de hocher vaguement la tête de gauche à droite, affichant une moue dédaigneuse.
– Moi, ranger ? s'indigna-t-elle presque. Quelle idée ! Ces tâches-là sont pour les domestiques.
Isabeau soupira, mais ne répliqua pas. Elle aimait bien Nazaire, mais devait bien reconnaître que celle-ci avait tendance à compenser le peu de crédit qu'on lui accordait, vu sa peau foncée révélant ses origines exotiques, en s'efforçant de se comporter en parfaite petite princesse. Gentille, mais terriblement hautaine.
– Les domestiques passent le mardi et le vendredi. Nous sommes jeudi, insista néanmoins Isabeau, tremblant toujours sur ses jambes. Tu es vraiment certaine que tu n'as rien touché dans la chambre ? Dans la cachette ? Rien déplacé ?
– J'ai poussé l'une de tes chaussettes qui traînait dans le coin là-bas, consentit enfin à reconnaître Nazaire, un peu agacée.
Isabeau tendit le cou pour observer l'objet du délit, mais cela n'arrangea pas ses affaires pour autant : son précieux livret, dans lequel elle conservait tant d'informations importantes, tant d'informations susceptibles de la mettre en danger, avait disparu. Et comme de coutume, le cercle des coupables potentielles était plutôt restreint : il s'agissait forcément de l'une des filles de l'internat. Restait à découvrir qui...
Les jambes sciées, l'esprit en proie à une migraine sans nulle autre pareille, Isabeau se laissa tomber sur son lit et enfouit sa tête entre ses bras pour dissimuler les larmes d'angoisse qui lui brûlaient les yeux.
***
De leur côté, Philiberte et les jumelles Valette se trouvèrent fort embarrassées lorsqu'elles découvrirent la bévue de Georgianna. La rouquine, d'ordinaire plus bruyante, l'avoua d'une toute petite voix pour cette fois-là.
– En fait, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle, chuchota-t-elle lorsqu'elles se retrouvèrent toutes les quatre dans les tréfonds de la bibliothèque.
– J'ai peur, grommela Calixte, dubitative.
Philiberte et Domitille, ne soupçonnant rien du tout, la pressèrent de révéler ce qu'elle avait bien pu découvrir dans les affaires d'Isabeau.
– Bon, donc vous voulez commencer par la bonne nouvelle, en conclut Georgianna. Alors sachez que dans un premier temps, j'ai surtout découvert des chaussettes dépareillées. Mais ensuite, je me suis souvenue de la cache à cigarettes de Nazaire et j'ai trouvé un livret. Forcément, ça m'a intrigué, je l'ai feuilleté, et dedans, jackpot !
Elle gesticula un peu pour donner plus d'envergure à sa révélation.
– Isabeau a découpé tout plein d'articles de vieux journaux concernant la prise d'otage de l'opéra, et elle les a épinglés sur les pages. Mais ce n'est pas le plus intéressant : sur la fin, elle avait fait pareil pour le meurtre de Valmont. Tout !
Ses trois camarades s'extasièrent, soudain confortées dans leur pressentiment selon lequel Isabeau Lignières était peut-être bien la responsable de tous les malheurs qui avaient frappé l'internat de Mademoiselle de Touchet depuis de début de la semaine.
– Et la mauvaise nouvelle ? interrogea néanmoins Calixte, qui ne perdait pas le fil.
Elle s'interrompit assez net, le regard soudain fixé sur le livre que Georgianna serrait entre ses doigts, et qu'elle agitait depuis un moment sous le nez de ses auditrices.
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Le cadavre sexy du monsieur tout nu sur la peau d'ours dans la bibliothèque
Mystery / Thriller« Qu'est-ce qui avait bien pu lui prendre, à ce jeune homme de bonne composition, pour venir mourir sur la somptueuse peau d'ours polaire de la bibliothèque ? » Au pensionnat de Touchet, une étrange apparition vient troubler la quiétude des demoisel...