Le portrait

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Ce soir-là, lorsque je rentrai chez moi, harassée, je trouvai la maison vide.

Je visitai toutes les pièces du rez-de-chaussée et découvris un petit mot sur la table de la cuisine :

« Nous sommes chez Mamou, elle nous a invités à manger ce soir. Rejoins-nous quand tu veux. Je t'aime, maman.»

J'observai le bout de papier un moment, les yeux dans le vague.

Mamou était ma voisine. C'était aussi ma Grand-mère. Une petite femme toute en rondeurs, en apparence revêche, mais qui en réalité avait le cœur sur la main. Comme toutes les grands-mères dignes de ce nom, elle nous concoctait toujours de délicieux petits plats et des gâteaux au chocolat merveilleux (bien meilleurs que ceux de sa fille), lorsque nous allions lui rendre visite.

Elle s'arrangeait toujours pour me donner de l'argent de poche lorsque je la croisais. Ça me mettait relativement mal à l'aise étant donné qu'elle n'était pas aussi riche que nous, mais elle ne voulait rien savoir.

Je restai devant la table de la cuisine quelques secondes, mon esprit vagabondant, puis secouai la tête et me dirigeai à l'étage, vers ma chambre.

Tout bien réfléchit, c'était une bonne chose que la maison soit vidée de ses occupants. Je n'avais pas ainsi à feindre la bonne humeur. Ou la joie.

J'aurais juste à aller m'installer devant mon chevalet et à évacuer l'énorme boule coincée dans mon œsophage en déversant ma peinture sur la toile.

Mon téléphone vibra dans ma poche me faisant faire un bond, et je me mis à fouiller frénétiquement pour l'attraper.

C'était un texto de Nala. Je le lis et levai les yeux au ciel :

« Tu devrais VRAIMENT dénoncer cet abruti. Ça lui ferait les pieds. »

Je fourrai mon portable dans ma poche en secouant la tête. Il était HORS DE QUESTION que je dénonce qui que ce soit à la police, surtout pour une histoire aussi débile. Maxime était certainement un garçon mal dans sa peau et malheureux chez lui, et je n'avais pas envie d'aggraver sa situation et la mienne en même temps.

Nala allait devoir vivre avec.

Mon portable vibra de nouveau, et je m'arrêtai une nouvelle fois dans mon élan. Je le sortis en soupirant et lut le nouveau message de Nala :

« Maxime est un sale riche pourris-gâté par des parents qui doivent penser qu'il est la huitième merveille du monde. Un procès aux fesses ne lui fera pas de mal. »

Je secouai la tête, désabusée. Parfois je me demandai si Nala n'avait pas implanté une puce espionne dans mon cerveau pour pouvoir lire dans mes pensées.

Je lui répondis, sachant que je n'aurais jamais la paix sinon :

« Je n'ai pas envie de parler de ça ce soir, je suis fatiguée et je vais me coucher. On en discutera peut-être demain. »

Je mis mon portable en mode silencieux, le rangeai définitivement dans ma poche et montai les escaliers.

Je changeai de direction au dernier moment et partit prendre une douche chaude. J'avais besoin d'être réchauffée. La maison me paraissait étrangement froide.

Sous le jet d'eau chaude, alors que je fixai la mosaïque du mur, je me repassai ma journée en accéléré.

Nala n'avait cessé de me demander comment j'allais, et de me pousser à aller porter plainte, jusqu'à ce qu'elle comprenne que mon côté sombre avait refait surface. À partir de ce moment-là, elle m'avait laissée tranquille, sans cesser de se comporter comme à son habitude. Elle me connaissait trop bien pour ignorer que me harceler de questions ne mènerai à rien. Ça ne ferait qu'aggraver la situation.

Moi, Louanne, DifférenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant