Deception

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Une semaine passa, puis une deuxième et je n'eus aucune nouvelle de lui. Pas un SMS, pas un appel, rien, nada, niet. Chaque jour je scrutais l'écran de mon téléphone portable, espérant recevoir un petit texto, un signe de sa part, quelque chose. Dès que je le sentais vibrer dans ma poche je le sortais d'une main fébrile et, immanquablement, la déception m'envahissait.

Il s'agissait toujours de Nala ou d'un de mes parents. De Dylan de temps en temps, pour me demander où était sa petite amie, petite amie pour laquelle je ressentais de plus en plus de ressentiment. J'essayais de le cacher, je ne disais rien, ne lui rappelais pas son pari.

Deux contre un qu'il te rappelle dans la matinée.

J'aurais peut-être dû le tenir, ce pari, après tout. Cela m'aurait au moins rapporté quelque chose. Nala était d'ailleurs dans ses petits souliers. Je ne l'avais jamais vu dans un tel état. Elle était à mes petits soins, me rendait une profusion de services, se proposait pour m'aider à réviser et elle le faisait en plus ! Elle ne fanfaronnait plus autant et avait l'air contrite presque tout le temps. Cela m'aurait fait rire si le contexte était différent. Mais je ne riais pas, oh ça non. Je faisais mon possible pour rester la Louanne que j'étais auparavant, mais l'animosité me gagnait et j'avais de plus en plus de mal à être agréable avec elle, malgré tous les efforts qu'elle faisait pour me soulager

Et moi dans tout ça, j'étais plus désespérée de jours en jours. Je ne suivais plus en cours, je n'écoutais plus quand on me parlait, je ne cherchais plus à apprendre. Attention, je ne dis pas que j'étais tombée dans une dépression nerveuse et que je pensais que ma vie était fichue. Non, j'étais seulement distraite par ma déception. Une déception si profonde qu'elle me prenait toues mes capacités de concentration.

Dire que j'avais cru pendant quelques instants qu'il s'intéressait un peu à moi... quelle désillusion ! Ce que j'avais pu être bête ! Il avait juste essayé d'être gentil avec la pauvre et stupide handicapée que j'avais pu être. Je me détestais pour penser ça de moi. Depuis le temps que j'entendais mes parents et les autres sourds que je côtoyais me scander qu'être sourd c'était une fierté, qu'être sourd ça n'était pas un handicap, qu'on était juste différents, en marge du monde. Eh bien là j'aurais tout donné pour être normale et pas différente. Je détestais les divergences, je haïssais l'anormalité qui composait ma vie. Et j'avais de la rancœur envers tout le monde, d'ailleurs. Mes parents ne me reconnaissaient pas. Je leur répondais, étais sans arrêt de mauvaise humeur, ne leur parlait presque plus. Ils essayaient de comprendre pourquoi, mais comment aurais-je pu leur expliquer ? J'étais en pleine crise existentielle et je ne savais plus du tout où était ma place. J'étais même allée sur internet chercher des informations sur l'implant coculaire, cet appareil qui vous permet d'entendre à nouveau. C'est vrai que j'avais juré de ne jamais en venir à ça. C'est vrai qu'en tant que sourde je ne voulais pas en arriver à m'implanter une puce qu'il ne serait plus jamais possible de retirer. C'est vrai. Mais j'en avais tellement marre. Dans ma tête je ne cessais de me répéter que je n'avais pas ma place chez les sourds, ni chez les entendants. Pas chez les sourds puisque je détestais mon handicap, pas chez les entendants parce que je ne pourrais jamais entendre. Pas sans cet implant, en tout cas. Je n'avais ma place nulle part. Nulle part bon sang. Je ne savais plus quoi penser, j'étais perdue et je pleurais tous les soirs en secret sur ce que je ne pourrais jamais faire, sur ce que les autres auraient toujours à faire pour moi.

Vous vous demandez peut-être pourquoi je faisais tout un cirque sur ma surdité pour un garçon qui ne m'avait pas donné de nouvelles, comme je l'espérais. Ah, c'était tellement plus que ça. Tellement plus.

C'est vrai que j'avais de la peine, que Théo me décevait, que Nala m'énervait, que j'aurais voulu qu'il m'envoie un tout petit message, ne serait-ce que pour me dire qu'il avait apprécié de passer un petit moment avec moi mais que ça s'arrêtait là. J'aurais préféré.

Moi, Louanne, DifférenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant