Nous marchions sur les quais en direction du miroir d'eau. Aucun de nous deux ne parlait, mais ce silence n'était pas inconfortable. Je crois que nous étions tous les deux perdus dans nos pensées. Nous ne nous tenions pas la main, à mon grand désarroi. Je ne savais pas trop quoi penser de la situation. Amie ? Amoureuse ? Petite amie ? Rien du tout ? Qu'étais-je au juste pour lui ?
Et puis une autre question me turlupinait. Où étaient ses parents ? Pourquoi avait-il été seul à s'occuper de Morah quand elle avait rechuté il y a deux semaines de cela ? Pourquoi ne s'était-il pas reposé sur eux ?
Je me décidai à lui poser la question. Il eut un rire bref. On pouvait lire toute la tristesse du monde sur son visage.
-Mes parents sont morts dans un accident de voiture quand j'avais douze ans.
Je portai une main à ma bouche.
-Oh mon Dieu... je suis... je suis tellement désolée.
Il me sourit avec bienveillance.
-Tu ne pouvais pas savoir. Heureusement, Morah en avait dix-huit quand c'est arrivé. Elle s'est battue bec et ongles pour obtenir ma garde et que je ne termine pas dans une famille d'accueil.
Ses yeux s'adoucirent et son visage s'attendrit.
-Elle s'est occupée de moi comme si j'étais son fils, tout en restant la grande sœur dont j'avais besoin. Elle allait à tous mes rendez-vous parents-profs, m'aidait à faire mes devoirs, bossait comme une malade la journée pour avoir de quoi me nourrir et me loger. Dès qu'elle le pouvait elle nous amenait en vacances et m'achetait toujours mes accessoires pour que je puisse continuer à dessiner. Elle a été pour moi comme une deuxième maman.
Ses yeux se perdirent dans le vague et il retrouva un air grave.
-Je ne sais pas ce que je vais devenir, murmura-t-il, quand... si elle disparaît.
Je posai une main sur son épaule.
-Rien n'est acquis. Il ne faut pas que tu perdes espoir.
-Ce n'est pas facile, tu sais. Je n'ai personne d'autre à qui me raccrocher. Je n'ai plus de famille, pas d'oncle, pas de tante, pas de grands-parents. Personne. Seulement la grande sœur qui est un peu tout pour moi. Une mère. Un père. Une sœur. Une amie. Une confidente.
Sans une hésitation je lui répondis :
-Tu m'as moi.
Surpris il se tourna vers moi. Nous nous regardâmes quelques secondes sans rien dire, lui remarquant le sérieux dans mes yeux et moi essayant de déchiffrer les siens.
Je détournai finalement le regard et fit mine de remarquer pour la première fois que nous étions arrivés devant le miroir d'eau.
-Oh regarde, on est arrivés !
Quand je le fixai à nouveau il était tout près de moi et j'eus un mouvement de recul, surprise. Il se pencha vers moi et murmura :
-Merci, Louanne.
Son regard me troubla et je rougis comme une écrevisse, mon cœur battant si vite qu'il me semblait sur le point d'exploser.
-Je... c'est...
Je me repris et plongeai mon regard dans le sien.
-Je suis sincère. Si tu as besoin de quoique ce soit, sache que je serais toujours là.
Il me sourit.
Mon cœur fondit.
Sachant que j'allais très certainement devenir cinglée si je continuais à le regarder, je me détournai et me dirigeai à pas lent vers le miroir d'eau. La surface limpide brillait sous les lampadaires et je me perdis dans sa contemplation.
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Moi, Louanne, Différente
RomanceLouanne est une jeune fille pas comme les autres. Elle est atteinte de surdité depuis l'âge de deux ans. Apprenant à vivre avec ce handicap, elle apprecie son existence et profite de ceux qu'elle aime. Jusqu'au jour où elle traverse une voie de tram...