Ça n'allait pas du tout, du tout.
C'était même une situation catastrophique.
J'étais allongée sur un fauteuil, en maillot de bain, devant le type qui m'avait sauvée la vie quelques mois plus tôt, et qui allait maintenant me tatouer la peau.
Et pour couronner le tout, Nala venait de le reconnaître.
-Hé, commença-t-elle en montrant Théo du doigt. Ça serait pas le type qui...
Je me mis à tousser bruyamment. Si je ne pouvais pas parler, je pouvais toujours émettre des sons. Et là je ne m'en privai pas.
Elle tourna la tête vers moi, interloquée, et je lui fis les gros yeux, lui signifiant de la boucler. Elle comprit le message et s'assit sur le genou de Dylan, que j'occupais un peu plus tôt. Elle sourit et observa la scène, comme s'il lui tardait de voir jusqu'à quel point ça allait dégénérer.
Théo, quand à lui, n'avait pas lancé un seul regard dans ma direction. Il s'affairait avec les produits, les aiguilles, le front plissé par la concentration, les traits figés dans un masque impassible.
Je ne savais absolument pas s'il m'avait reconnu, ou s'il m'avait seulement jeté un malheureux coup d'œil.
D'un côté j'étais rassurée, puisqu'il ne semblait pas remarquer mon état de presque nudité, mais d'un autre côté, il allait bientôt me faire un tatouage alors... ça n'allait pas durer éternellement.
Et une petite partie de moi protestait en voyant qu'il était aussi détaché.
J'en profitai pour l'observer. Bon Dieu qu'il était beau ! Dix fois plus beau que dans mon souvenir. Et pourtant, je peux vous assurer que je m'en étais fait un très joli souvenir.
Il était habillé d'un marcel marron qui laissait apparaître la musculature sèche de ses bras. Il portait un pantalon baggy kaki qui tombait bas sur ses hanches. Un tatouage s'enroulait autour de son biceps droit, un serpent, me sembla-t-il. Il avait d'autres tatouages : des anneaux autour des doigts, des lettres sur les phalanges, et j'aperçus entre les bretelles de son marcel un motif sur sa clavicule droite.
Ses cheveux étaient lâchés et ses dreadlocks lui tombaient jusque sur les pectoraux. Son oreille gauche était percée d'un clou sur la partie supérieure, pas sur le lobe.
Autour de son cou, le casque audio de notre première rencontre était accroché là, comme s'il faisait entièrement parti de son corps.
Il leva subitement les yeux vers moi et ils se plantèrent dans les miens.
Ça va peut-être paraître totalement surfait, mais je crus que j'allais défaillir. Ce qui est sûr, c'est que je rougis jusqu'à la racine des cheveux. Pourtant, je ne pus détacher mon regard du sien.
Je crus lire de la surprise, puis de l'incertitude dans ses yeux verts, comme s'il ne savait pas de quelle façon il devait réagir. Néanmoins, ces expressions disparurent aussi vite qu'elles étaient venues et il retrouva son impassibilité. J'en vins même à me demander si je ne les avais pas imaginés.
Théo ouvrit la bouche et je retins mon souffle.
-Alors, qu'est-ce que tu voudrais comme tatouage ?
Oh, bon sang de bonsoir, qu'est-ce que j'aurais aimé entendre le son de sa voix ! J'étais sûre qu'il avait une voix posée et mâture. Comme décrite dans les livres.
Ses yeux étaient empreints d'une douceur peu commune, et je compris pourquoi mes entrailles chauffaient étrangement : il avait le même regard que celui du portrait.
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Moi, Louanne, Différente
RomanceLouanne est une jeune fille pas comme les autres. Elle est atteinte de surdité depuis l'âge de deux ans. Apprenant à vivre avec ce handicap, elle apprecie son existence et profite de ceux qu'elle aime. Jusqu'au jour où elle traverse une voie de tram...