Chapitre 2 : Deux tueurs valent mieux qu'un - Réécrit

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« Tomy ! TOMY !
La concernée lève la tête vers sa patronne. Elle pousse une mèche rouge de ses longs cheveux noirs et retire ses écouteurs. Laissant derrière elle la voix hypnotique de Kurt.
- Qu'est-ce que tu fous ? On t'attend sur scène depuis dix minutes. Bouge tes fesses. Et vite. »

Contrariée, la femme sort de la pièce. Tomy range son portable dans son sac. Elle écrase sa cigarette dans un cendrier. Elle croise son regard dans le miroir en face d'elle. Elle se sourit. Ses yeux bleus sont cernés, elle semble épuisée. Mais elle ne peut rien refuser à Irinéa. Tomy enfile une veste de tailleur. Un chapeau haut de forme et elle quitte les coulisses. Le trac s'empare d'elle durant quelques secondes. Puis elle grimpe sur la scène, sous les applaudissements des spectateurs. Elle clôt ses paupières. Le DJ lance la musique. Quelque chose de récent, une chanson de Rihanna ou de Britney, peut-être. Peu lui importe, toutes ces pouffes se ressemblent. Elle jette son couvre-chef dans la foule. Puis déboutonne sa veste. Lentement. Elle la retire. Dévoilant une robe blanche trop courte, surmontée d'un corset noir qui bombe sa poitrine. Les hommes sifflent. Elle attrape la barre de pôle dance entre ses mains et enroule sa jambe droite autour. Tomy se trémousse. Se tortille. Sous les projecteurs et les applaudissements. Tomy danse.

Tomy quitte la scène en string. C'était un bon show. Trois hommes ont essayé de la peloter (et se sont faits casser le bras par un videur). Lorsque personne ne tente de la toucher, cela signifie que sa performance est médiocre. Alors elle est contente. Elle retrouve sa place devant son miroir lumineux. Comme chaque soir depuis trois mois, l'une de ses collègues y a inscrits une insulte au rouge à lèvres. Cette fois-ci, elle découvre le mot « Garce ». Pas beaucoup d'imagination aujourd'hui. Elle l'efface. Elle entend les filles ricaner à l'autre bout de la pièce. Son indifférence totale finit par les décourager. Elles retournent chacune à leurs strings sans rien ajouter. Tomy se rhabille. Un jean troué, un tee-shirt trop grand et des baskets. Elle relève ses cheveux en une queue de cheval informe. Elle noircit le tour de ses yeux. Tomy est belle. Mais seulement la nuit. Elle récupère son portable. Regarde l'heure. 02h28. Elle enfonce ses écouteurs dans ses oreilles. Come as you are.

Tomy enfile son blouson en cuir. Elle aurait dû quitter la boîte directement. Mais elle se ravise. Elle retourne dans la salle. Monte le son dans son casque. Elle s'installe au bar et commande un gin tonic. La barmaid le lui apporte en lui faisant un clin d'œil. Ses avances répétées n'intéressent pas Tomy mais sa persévérance est remarquable. Tomy se lève et regarde vers l'escalier menant à la zone VIP. Un chanceux a grimpé les marches juste avant son interprétation. Soit, il ne devrait pas tarder à sortir, soit ... Il ne sortira plus jamais. Tomy sourit en jouant avec sa paille dans son verre. Elle en boit le contenu. Cul sec. La porte s'ouvre. Elle pose le verre sur le comptoir. Sa main glisse jusque dans la poche de son manteau. Il sort. Couvert de sang.

Soudain, des cris. Jamais Tomy n'avait entendu le moindre cri au Deadly Fräulein. Tout simplement parce que les pouvoirs psychiques de ses patronnes bloquaient les pensées rationnelles des clients humains. La panique s'empare des visiteurs, des danseurs, des serveuses. Certains courent vers la sortie. D'autres pleurent ou perdent connaissance. Tomy ne bouge pas. Ses plans tombent à l'eau. Elle s'assoit sur bar et attrape une bouteille. Personne n'y fait attention. Mais elle laisse quand même un billet avant de remplir son verre. Les gens se précipitent autour d'elle. Elle s'en fiche. Tomy monte encore un peu le son. Elle ferme les yeux. Elle fait le vide. Le temps se fige. Tomy n'entend plus le brouhaha. Elle ne sent plus l'odeur du sang. Elle ne voit plus les jeunes filles en larmes. Elle esquisse un sourire lorsque l'assassin vient s'installer à côté d'elle. Un vampire supérieur. Il ne semble pas le moins du monde troublé par le temps figé autour de lui

« Impressionnant. Lâche-t-il en se servant à boire. Qu'êtes-vous ?
- Une strip-teaseuse avec beaucoup de talent ?
Il sourit en sirotant le contenu de son verre.
- Vous cherchiez à atteindre la Patronne, n'est-ce pas ?
- On dirait que je me suis faite devancer d'un poil de cul.
- Navré.
- Il fallait simplement qu'elle meure. Le comment ne m'importe pas.
- Vous êtes une chasseuse ?
- Les chasseurs n'existent que dans l'imagination des monstres. Si vous vous sentez chassés, vous avez la sensation que tuer n'est plus un jeu mais une nécessité, pour survivre. C'est une excuse pour vous donner bonne conscience.
- Je suis donc un monstre ?
Elle trempe sa paille dans la bouteille et aspire lentement.
- Vous ne l'êtes pas ?
L'Inconnu braque son regard sur Tomy. Elle frissonne. Il tente de lire dans son esprit. Il la détaille des pieds à la tête. Impossible de savoir ce à quoi il pense. Mais Tomy sait qu'il ne peut pas tout voir. Elle a été entraînée à résister à ce genre de perquisition.
- Alors, bonne chasse, Tomyris Everett.
Il se lève, pose son verre sur le comptoir.
- Ils se vengeront. Lui répond-t-elle.
- Qu'ils viennent. Je les attends.
Elle s'allume une cigarette. Elle attrape son bras avant qu'il ne s'éloigne.
- Quel est votre nom, Monsieur-je-tue-mes-semblables ?
- Désiré Lecomte. Et, ils ne sont pas mes semblables. »

Le temps recommence à défiler.

*

La jeune femme fronce les sourcils. À défaut de pouvoir lire dans son esprit, Désiré devine qu'elle cherche où elle a bien pu entendre ce nom auparavant. Il ne lui laisse pas le temps de poser la question. Les sirènes de police retentissent déjà. Il prend un manteau, l'enfile par-dessus son pull taché de sang. Il se faufile à travers la foule. Ravi de constater qu'il peut désormais se contenir. Il enjambe les corps. Et sort par la porte de derrière. Il tombe nez à nez avec un videur. Enfin, façon de parler, puisque l'homme le dépasse d'au moins une tête. Les bras croisés sur la poitrine, un rictus sur les lèvres, il secoue la tête. Désiré soupire. Il n'a pas le temps de jouer.

« Dors »

Le vigile s'effondre. Désiré atteint le parking. Grimpe dans sa Corvette 1962. Il démarre le moteur. Puis disparaît dans les ruelles sombres de la ville.

L'heure n'est plus aux faux semblants.

Désormais le chien est libre.

Il devient loup.

Et il ne lâchera pas la piste avant d'avoir broyé de ses dents la gorge de toutes ses proies.

Join the Murder - En cours de réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant