Chapitre 14 : Révélations

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Tomy grimpe dans l'une des nombreuses voitures de Tybalt. Une corvette. Moins jolie que celle de Désiré mais il appréciera le geste, elle l'espère. Ses côtes lui font un mal de chien. Lui vient alors une idée... Tomy, encore en apprentissage, n'a jamais exploré la totalité de son pouvoir. Elle ferme les yeux. Elle essaie de visualiser l'intérieur de son propre corps. Sa cage thoracique. Sa douleur. Elle tente alors d'accélérer le temps. Juste un peu. Quelques jours. Elle fait de même pour son nez. Puis elle sort de sa transe. Palpe son abdomen. La souffrance est présente mais infime. Elle observe son visage dans le rétroviseur. Son nez a dégonflé. Ravie de sa performance, elle allume la radio et démarre le moteur. Elle a une chose à faire avant de retourner chez Léon.

*

« Jérémiah.
- Surpris ? Répond le prêtre en s'allumant une clope.
Désiré se rassoit. Léon semble trouver la scène amusante.
- Un peu. Je me doutais que tu n'étais pas tout blanc mais fraterniser avec l'ennemi... Je pensais être le seul à le faire.
Désiré éprouve une déception amère. Jérémiah était ce qui se rapprochait le plus d'un ami.
- Léon n'a jamais été mon ennemi.
- L'extermination de masse de tes propres congénères c'est donc ton idée ? Demande Désiré à son parrain préféré.
Léon perd son sourire. Ses yeux s'emplissent d'une fureur inhabituelle chez un vampire de son âge.
- Mes congénères ?! Ces animaux sans foi ni loi ? Ces êtres dépourvus de morale et de pensées ?! Ils sont ridicules. Ils sont faibles. Ils font honte à notre sang. Jérémiah et moi travaillons ensemble depuis longtemps pour diminuer le nombre de ces vermines.
- Et c'est moi que l'on accuse de traîtrise et que l'on traite en paria. Désiré se tourne vers Jérémiah. Toi, du moment que l'argent tombe, tu te fiches qu'il provienne d'une créature surnaturelle...
Le prête souffle la fumée de sa cigarette en l'air.
- Suceur de sang ou pas, il me paie. T'es mal placé pour me faire la leçon, nous avons un partenariat de longue date si j'me souviens bien. Et il m'a permis d'élever Tomy.
À cette évocation, Désiré perd son calme.
- Mais il L'a tuée ELLE ! Comment peux-tu travailler avec celui qui brisé ta propre fille ?!
- C'était un mal nécessaire. Assure Jérémiah d'un ton posé. »

Le sang de Désiré ne fait qu'un tour. Ses pupilles virent au rouge. Ses canines et ses ongles s'allongent. Il se précipite sur le prêtre. Oubliant la présence de Léon. Jérémiah lui tire dans la jambe. La douleur, indescriptible, ne l'arrête pas. Désiré le force à reculer. Le plaque contre un mur. Attrape le canon de son arme. Le plie vers le bas. Il frappe le prêtre dans le ventre. Puis le prend à la gorge. Ses griffes s'enfoncent dans la chair de son cou. Malgré tous ses efforts, l'homme de Dieu ne parvient pas à se libérer. Désiré ne voit aucune terreur dans ses yeux. Juste de l'agacement.

« LA MORT DE MA FEMME ÉTAIT UN MAL NECESSAIRE ?! »

*

Tomy roule. Trop vite comme toujours. Cette fois-ci, elle aperçoit un flash. Peu importe, son nom n'apparait pas dans les bases de données du pays. Et la voiture n'est pas à elle. Elle sourit. Paris n'est pas loin. Elle prend les routes embouteillées. Le temps défile. Elle patiente. Ses doigts tapotent le volant au rythme de la musique. Elle finit par rejoindre la ville. Elle traverse les rues. Jusqu'à trouver ce qu'elle cherche. Elle gare sa nouvelle caisse. Le Deadly Fräulein a rouvert ses portes au public en à peine quelques jours. Les vampires sont habiles dès qu'il s'agit d'enterrer une affaire dérangeante. Tomy entre dans la boîte de nuit. Elle s'installe au bar. Commande un gin tonic. Après toutes ses aventures foireuses, elle a grandement besoin d'un verre.

*

« Désiré ! STOP ! »

La voix pénètre dans son esprit. Il résiste. Une vive douleur s'empare de son crâne. Comme si sa tête allait exploser. Désiré sent ses muscles se contracter. Il lutte mais sa main desserre son emprise. Jérémiah s'éloigne. Désiré déteste cela. L'effet de ce pouvoir est similaire à un viol. Plus il va à l'encontre de ce qui lui est demandé et plus il souffre. Il abdique. Épuisé, tout son corps tremble. Léon le libère de son emprise. Son envie de sang disparaît. Mais pas sa colère.

« Elle était enceinte, Léon. Souffle Désiré, la voix éraillée.
Il voudrait oublier cette nuit-là. Le parrain vient poser une main sur son épaule. Désiré le hait. Mais il n'a pas la force de le repousser.
- Je le sais. Le bébé aurait pu mourir.
- Le bébé est mort. Désiré plonge ses yeux argentés dans ceux de son ennemi. Le doute l'assaille. Qu'as-tu fait ? DIS-MOI ! »

*

Tomy déguste son gin tonic. Son regard vagabonde autour d'elle. Des jeunes de son âge. Ils s'amusent. Ils dansent. Ils boivent. Juste le temps d'un verre, elle aurait aimé avoir leur insouciance. Faire partie de leur monde. Être comme eux. Être une humaine. Elle a tué la dernière parcelle d'humanité qu'il lui restait avec Tybalt. Le seul avec qui, elle avait eu des moments de vie normaux. Jusqu'à ce qu'il pète les plombs... Tomy aimerait être quelqu'un d'autre ce soir. Avoir des amis. Rire. Repartir avec un beau garçon qu'elle quitterait à l'aube...

*

« L'enfant n'est pas mort.
Désiré a la sensation de se faire percuter par un train. Il vacille. Se rattrape contre le mur. Quarante-cinq ans qu'il a perdu sa femme...
- Ce n'est pas possible... Je... J'étais là... Quand tu... Tu lui as arraché le cœur...
- Et je t'ai fait emprisonner juste après. Tu n'as ni touché son cadavre, ni constaté que le bébé vivait encore.
Désiré rit. Un rire dénué de joie.
- Tu as pris mon enfant. Pourquoi ?! Où est-il ?! Qu'en as-tu fait ?
- Je l'ai élevé. Je me suis occupé de lui.
- Pour quelles raisons, Léon ?! Pourquoi me l'avoir volé ?!
Léon esquisse un sourire.
- Pour lire la douleur dans tes yeux en l'apprenant. Pour te voir souffrir entre ses mains.
- Mais qu'ai-je bien pu te faire pour mériter une haine si féroce ?
- Tu me l'as prise. Elle m'appartenait. Alors je vais te la prendre, ta nouvelle petite chérie.
Jérémiah tourne la tête.
- Tomyris ? Interroge-t-il en connaissant la réponse. Tu ne m'avais jamais dit que tu comptais t'en prendre à elle !
Léon tape dans ses mains. Quatre gardes du corps entrent. Deux se saisissent de Jérémiah. Deux autres s'approchent de Désiré.
- Tu n'aurais pas coopéré si je t'en avais parlé.
Jérémiah se débat. En vain. Désiré se laisse attraper.
- Je n'en ai rien à faire de cette petite. Lâche Désiré.
- Nous savons tous les deux que c'est faux, ton cher fiston est déjà sur sa piste. Il la tuera. Et il reviendra pour s'occuper de ton cas sous mes yeux satisfaits. Tu comprends maintenant pourquoi je t'ai gardé en vie ?
- Je suis presque flatté que tu te sois donné autant de mal pour me faire la peau d'une aussi belle manière.
Excédé, Léon fait signe à ses hommes de les emmener. Mais avant, il s'approche de Désiré. Prend sa main. Et lui arrache son alliance, un sourire narquois sur les lèvres.
- Dis-moi, Jérémiah... Ajoute-t-il. Tu as vraiment cru que ta fille devait mourir pour donner naissance à son fils ? »

*

Tomy pose un billet sur le comptoir. Elle fait le deuil de sa vie d'humaine. Elle doit retrouver Léon, Désiré et Jérémiah. Elle se lève et percute un homme de plein fouet. Il est plus grand qu'elle. Ses yeux argentés ressemblent étrangement à ceux de quelqu'un. Elle ne se souvient plus de qui. Peu lui importe. Elle s'apprête à l'injurier. Il la devance.

« Vous pourriez faire attention ! S'exclame-t-il en souriant. Sûr de lui. De sa beauté. Tomy le déteste aussitôt.
- J'te demande pardon, connard ? T'avais qu'à pas t'mettre au milieu de mon chemin ! Retourne jouer à la marelle au lieu d'm'emmerder.
Il perd son petit air supérieur. Il ne devait pas s'attendre à ce qu'elle lui parle ainsi.
- Puis-je vous offrir un verre ?
Cette fois, c'est elle qui est surprise.
- Ouais. T'as intérêt. »

Join the Murder - En cours de réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant