De faibles attentes

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Alors que je monte dans le bus qui me ramène chez moi, je scrute les alentours mais ne vois que des personnes âgées, je lâche un soupire contrarié, la dernière chose dont j'ai envie à ce moment précis, c'est d'entendre une vieille dame me rabattre les oreilles à propos de son chat ou de son petit fils adoré. Aussi, quand j'aperçois un siège libre, je me rue dessus, bousculant au passage quelques jambes pendantes dans l'allée. Je me laisse tomber lourdement et pose mon gros sac à côté de moi, afin d'éviter toute interaction sociale.

La tête en appui contre la vitre, je sens chaque trou dans la route, ce n'est pas très confortable mais la sensation du verre froid contre ma tête et la faible douleur que je ressens à chaque trou ou bosse m'aident à me concentrer sur le moment présent, et à oublier ce qui m'attend une fois de retour à la maison. J'ai peur de retrouver ma famille après deux an d'absence, je suis sure qu'ils m'en veulent et je ne sais pas comment gérer ça en ce moment. Alors pour ne pas y penser, j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, je met la musique à fond, et je parcours les photos de mon téléphone comme je le fais à chaque fois que j'ai un moment libre. Quelques larmes roulent le long de mes joues quand je vois une photo de Scott et moi, je n'arrive pas à croire qu'elle a été prise il y a seulement six mois... A voir notre grand sourire, son bras autour de ma taille et ma main dans ses cheveux en batailles, notre bonheur sautait aux yeux... Difficile à croire que j'en serais là aujourd'hui, à traverser l'un des pires moment de ma vie, totalement seule.

A mesure que le paysage défile sous mes yeux, je sens la boule dans mon estomac prendre de plus en plus de place, je vais devoir affronter mes proches et assumer les conséquences de mes actes. Nous ne sommes pas vus depuis bientôt deux ans, mais je suppose que la rancœur est toujours intacte. Je suis partie comme une voleuse, sans rien dire à personne, j'ai laissé tous ceux que j'aimais derrière moi sans penser au mal que je pouvais leur faire, et maintenant que je reviens dans leur vie je vais devoir les affronter. C'est bien la dernière chose dont j'ai envie en ce moment, mais je suppose que je n'ai pas vraiment le choix. Comme eux n'ont pas eu le choix de me reprendre quand Mr et Mme Patton ont décidés de me renvoyer chez moi, ceux qui m'ont accueillis chez eux et m'ont élevés comme leur propre fille pendant deux ans, ont décidé de me renvoyer du jour au lendemain. Ils n'en ont aucune idée mais j'ai entendu leur conversation avec ma tante quand ils lui ont annoncé que je revenais vivre avec elle. Ils lui ont dit qu'ils ne pouvaient plus me garder chez eux, que je devenais ingérable et qu'ils avaient peur pour moi, mais je sais que ce n'est pas la vrai raison qui les a motivés à me renvoyer. Ils ne supportaient plus de me voir, ma présence ne faisait que leur rappeler le fait que j'ai survécu à l'accident de voiture alors que Scott, non. Je le sentais dans le regard que Tina, sa mère, posait sur moi, son regard bien qu'affectueux était lourd de sous-entendu, je sentais toute sa tristesse se déverser sur moi, comme si elle me demandait pourquoi j'étais toujours en vie alors que son fils, lui, était mort. Je l'entendait souvent lui parler la nuit, quand elle pensait que personne ne pouvait l'entendre. Elle lui disait qu'il lui manquait et qu'elle donnerait tout pour le revoir ne serait-ce qu'un instant, quelques fois elle s'effondrait et s'en prennait a Dieu, le maudissant d'avoir emporter son fils adore alors qu'il ma épargné. C'était assez dur à entendre mais je ne lui en veux pas, bien que je ne sois pas croyante il m'est bien souvent arrivé de lui tenir le même discours. Et je dois avouer que, bien qu'elle ne me réjouisse pas, je sais que cette situation est surement la meilleure, je n'en pouvais plus de cette culpabilité. Comme si la perte de Scott n'était pas suffisamment dur à vivre, j'avais l'impression de devoir me sentir coupable d'être toujours en vie...

Les yeux fermés, je sens le bus s'arrêter, et je sais qu'il est temps d'affronter ma famille. Je laisse tous les passagers descendre avant de prendre mes affaires et de quitter mon siège. Une fois sortie, je scrute les alentours à la recherche de ma tante, mais ne la vois pas, elle n'est peut-être pas encore arrivée... Le bus démarre et quitte le parking, je me retourne et vois qu'elle est garée sous les arbres, à l'ombre. J'aperçois sa silhouette derrière le volant, son téléphone en main...

Wow, elle n'est même pas descendue de voiture... Après tout ce n'est pas comme si on ne s'était pas vues depuis deux ans. Certes, je ne m'attendais pas à un accueil en fanfare, mais de là à ne pas se donner la peine de descendre de voiture, c'est un peu dur.

En avançant vers la vieille ford qui m'attend à l'autre bout du parking, je regrette d'avoir mis un pull, alors que je sens la sueur couler le long de mon dos. Je me précipite pour ouvrir la portière, en espérant que Nina ait mis la climatisation en marche. Je jette mon sac à l'arrière et m'assois en silence sur le siège passager, je jette un petit coup d'œil à ma tante, qui ne détourne pas le regard de son téléphone, je me risque à lui dire un petit "bonjour", auquel elle ne daigne pas répondre, elle se contente de lever les yeux dans ma direction, nos regards se croisent l'espace d'une seconde avant qu'elle ne détourne la tête et mette le moteur en marche sans m'adresser un mot.

Les vingts minutes qui nous séparent de la maison me paraissent durer une éternité, tant l'atmosphère qui règne dans la voiture est pesant, et ça n'a rien à voir avec la chaleur extérieure. Je sens toute la rancœur, la déception et le colère de ma tante peser sur moi, elle n'a pas besoin de parler pour que je le comprenne, sa respiration lourde et la tension dans sa mâchoire suffisent.

Une fois arrivées à la maison dans laquelle j'ai grandis, elle ouvre la porte d'entrée et s'engouffre à l'intérieur sans se retourner et sans attendre que je sois sortie de la voiture. Je jette mon sac de voyage sur mon épaule et marche dans ses pas, accablée par le poids de mes affaires et la chaleur ambiante. Sam, mon petit frère, est assit sur le canapé, en pleine partie de Call of Duty, il hurle des consignes aux membres de son équipe et ne me prête aucun intérêt, il lève un sourcil dans ma direction en m'entendant entrer mais détourne immédiatement le regard pour se concentrer sur sa partie. Bien plus importante que le retour de sa sœur, j'imagine...

Sans un mot de plus, je monte à l'étage et regagne mon ancienne chambre, je lâche mon sac sur le lit et fonce sous la douche. Une fois propre et vêtue de quelque chose de plus adapté à la température de la Californie, j'entreprend de ranger mes vêtements dans ma commode mais abandonne rapidement. Je m'allonge sur mon lit, exténuée et déçue.

Le regard rivé vers le plafond, je soupire lourdement...

"Eh bien, mon frère et ma tante ont donné le ton, je suis revenue, mais tout le monde s'en fout..."

***

Un premier chapitre assez court qui plante le décor. Il n'y a pas beaucoup d'action pour le moment, mais ça va venir ;-)
J'espère que l'histoire vous plaira, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, en commentant ou en votant. Et si l'histoire vous plaît vraiment et que vous voulez la partager, ne vous privez pas :-)
Alien <3

L'idiot d'en faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant