Le calvaire continu

155 13 2
                                    

Je me rend à mon premier cours de l'après-midi, biologie.

Eurgh je déteste cette matière

Je vais me trouver une place dans le fond de la salle, si possible contre la fenêtre et je vais faire mon possible pour me faire oublier durant l'heure qui suit. Il n'y a encore personne dans la classe, rien d'étonnant tous les autres sont en train de déjeuner et de plaisanter avec leurs amis, alors que moi je suis seule. Autant venir ici tout de suite, ça me permettra d'éviter Molly et ses sbires... Je m'installe au dernier rang, contre la fenêtre, j'enfonce mes écouteurs dans les oreilles et je laisse mes pensées vagabonder les yeux perdus dans la foule d'étudiants qui rient et font les idiots dans la cour. Je soupire en repensant à la dernière fois où je me suis comportée de la sorte. 

C'était il y a à peine six mois, Scott, Marie, Lucas et moi étions attablés dans la cour du lycée. Lucas était dans la même équipe de foot que Scott, ils sont devenus meilleurs amis dès notre arrivée dans l'Oregon, Marie la petite amie de Lucas est naturellement devenue ma confidente. Les garçons se charriaient entre eux, je ne sais plus exactement de quoi il s'agissait mais ça avait un rapport avec la taille de leurs attributs virils, ce qui a donné lieu à une course poursuite infernale au travers des tables bousculant tous le monde sur leur passage. Ils ont fini par disparaître dans les couloirs et quand ils sont réapparus ils étaient tous les deux armés de bouteilles d'eau qu'ils se sont donné un malin plaisir à utiliser contre nous, donnant lieu à une bataille d'eau mémorable, qui nous a coûté trois heures de colles à chacun. Mais ça en valait la peine... Je ne peux réprimer un sourire à l'idée de ces jours heureux qui me paraissent si lointain à présent. 

Tout à changé depuis, je suis restée en contact avec Lucas et Marie mais rien n'est plus pareil depuis la mort de Scott, nos relations ne sont plus si naturelles qu'elles l'étaient autrefois, je vois qu'ils font de leur possible pour me remonter le moral et choisissent précautionneusement leur mots pour éviter de mentionner son nom. Ils me manquent énormément, mais je ne veux pas leur imposer cet inconfort, à chaque fois qu'on se voyait je sentais qu'ils étaient mal à l'aise et qu'ils faisaient leur possible pour écourter les moments passés en ma présence. 

Quand je sens à nouveau une vague de larmes me brûler les yeux, je concentre mon regard sur la cour du lycée, je cherche un groupe sur lequel me focaliser pour me changer les idées. Je choisis un groupe de quatre filles, elles sont mignonnes mais banales, je vois d'après leur façon de bouger et de guetter les alentours en quête d'attention, qu'elles ne sont pas forcément très populaires. J'essaye de deviner leur sujet de conversation, avec le temps je suis devenue assez forte à ce jeu, bien que je n'ai jamais eu la confirmation que les mots que je prête aux gens sont bien ceux qu'ils prononcent.

- Là, il va falloir que tu m'explique ce que tu fais, m'interrompt une voix grave en arrière plan du morceau de musique que j'écoute

Je me tourne et tombe nez à nez avec Dave.

Mais qu'est ce qu'il fout là?

- Non mais tu me suis ou quoi?

- Tu aimerais ça, hein? Avoue... Non je suis dans ta classe et je me suis dis que tu aimerais un peu de compagnie. Enfin ça c'était avant que je te vois, toute seule, sourire puis bouder et enfin murmurer entre tes dents le regard rivé vers l'extérieur

- Tu veux me tenir compagnie? Tu as entendu les bruits qui circulent à mon sujet?

- Oui... Et ? Qui accorde de l'importance à ce genre de chose?

Euh? Tout le monde !? Je me garde bien de lui dire de peur qu'il ne change d'avis.

- Alors, tu vas m'expliquer ce que tu faisais?

- J'essayer de deviner de quoi parlait ce groupe de fille, là. Dis-je en pointant du doigt les quatre filles que j'observais

- Oh cool, je veux jouer aussi. Alors la petite blonde dit aux autres qu'elle a chopé de l'herpes en embrassant le copain de son cousin, un mec super grand et trop beau qui va déjà à la fac, fait-il en prenant une voix de midinette

- Mais non! Je suis sure que la brune à lunette demande à ses copines si la couleur de son haut ne jure pas avec celle de son vernis à ongle

On ricane bêtement tous les deux, et on continue ce petit jeu avec d'autres groupes à qui on prête des MST, une hygiène douteuse, ou des relations entre eux. Jusqu'à ce que le cours débute, la classe s'est remplie autour de nous sans même qu'on s'en aperçoive.

Au bout de dix minutes, je remarque que la fille devant moi se retourne régulièrement et me jette des petits coups d'œil discrets, et puis elle finit par se retourner franchement et elle me demande, hésitante:

- Dis, c'est vrai que tu vivais dans une communauté et que vous mangiez les animaux que vous chassiez ?

- Non en fait, je te le dis mais tu gardes ça pour toi, murmure Dave. Elle était en camp de redressement, je me souviens plus Maya, tu avais poignardé une fille c'est ça?

- Je l'ai démembrée et on a mangé certaines parties de son corps avec les autres personnes de mon camp 

La fille me jette un coup d'œil suspicieux, puis elle se retourne en soupirant, peu convaincue, mais je suis sûre que d'ici quelques jours la rumeur sera lancée

***

Entre le cours de biologie et de math, je suis convoquée dans le bureau du principal. Je me dis qu'il veut sûrement me tenir le discours habituel "bienvenue dans notre établissement, bla... bla... bla...". Je n'ai pas envie d'y aller, mais je suis bien obligée, sans compter qu'avec un peu de chance j'arriverai en retard en math. 

Un homme d'une soixante d'années légèrement dégarni me scrute, assit derrière son bureau, d'un geste de la main il me signifie que je peux m'asseoir. Je m'exécute et attend patiemment, les mains croisées sur mes genoux, qu'il débite son laïus et que je puisse m'en aller. Il a l'air d'être assez gentil mais il me met mal à l'aise. Il se racle la gorge et commence:

" Tout d'abord, Mademoiselle Harrys, je tiens à vous souhaiter la bienvenue au lycée de Noisecreek, comme vous avez déjà effectué une partie de votre scolarité ici, je vous épargnerai la visite guidée. En réalité, si je vous ai demandé de venir ici c'est avant tout pour vous avertir. J'ai eu votre dossier scolaire entre les mains, et je tiens à vous prévenir, je ne serai pas aussi indulgent qu'à pu l'être votre précédent établissement. Je suis parfaitement conscient que vous traversez une période difficile et je suis à votre disposition si vous avez besoin de vous entretenir, mais je ne tolérerai aucun écart de conduite, pas de violence, pas d'insultes, pas de drogue ici. Que ce soit bien clair." 

Je hoche la tête poliment, mais je me fous pas mal de son petit discours. Il me libère et je me rend en classe sans chercher à discuter d'avantage. Quoiqu'il puisse me dire, je ferai ce qu'il me plait...

***

Enfin ! Me dis-je en entrant dans la salle du cours d'histoire, non pas que j'apprécie cette matière plus que les autres, si je suis impatiente c'est parce qu'il s'agit du dernier cours de la journée. J'entre la première, encore, et je choisis la place du fond contre la fenêtre, encore. J'hésite à mettre mes écouteurs mais la classe ne va pas tarder à se remplir, ça ne vaut pas la peine. J'attends de voir qui va s'asseoir à côté de moi, en me disant que ça ne me dérangerait pas que ce soit Dave. Le cours va bientôt commencé et je n'ai pas encore de voisin, après tout c'est aussi bien comme ça... Je détourne mon regard vers l'extérieur, je préférerais tellement être dehors. Dans la forêt où nous allions toujours avec Scott, au bord du petit ruisseau qui longe la falaise. Je n'y ai plus remis les pieds depuis bien trop longtemps, et je me dis que je pourrais y faire un tour ce soir, en sortant du lycée. Une petite voix fluette me sort de mes pensées:
- Maya... Alors je t'ai manqué ?
- Molly? Mais qu'est ce que..?
- Je suis juste venue te dire que je t'ai vu, toute la journée, essayer de m'éviter... Et saches que si j'ai été gentille avec toi aujourd'hui et que je t'ai laissé tranquille ça ne va pas durer... Tu vas souffrir... dit-elle dans un souffle, en jetant toute mes affaires parterre d'un geste

Comme ça je sais à quoi m'attendre

L'idiot d'en faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant