Plongée dans les souvenirs

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" J'ai tué mon petit ami"
Ma phrase reste en suspens dans l'air et je reste immobile, paralysée par les mots qui viennent de sortir de ma bouche. J'ai souvent ressenti ce poids sur ma poitrine, celui de la culpabilité, mais c'est la première fois que je prononce cette phrase à voix haute. Cette pensée qui me hante depuis sept mois maintenant, qui m'a si souvent réveillé la nuit, provoqué de nombreuses crises de larmes et autant de haut le coeur. Ici, dans cette pièce à la décoration désuète, face à une parfaite étrangère, je viens de dévoiler mon secret le plus lourd. Et j'attends que l'une de nous réagisse à cet aveux sorti des tréfonds de mon âme mais rien ne se passe.

Je sonde désespérément le visage de Ruth à la recherche d'une trace d'émotion: de la surprise, du choc, de la peur ou peut-être même du dégoût, mais ses traits fins ne laissent rien transparaître.

Son silence me rend dingue !! Je viens de lui livrer sur un plateau ce qui me pèse depuis des mois et elle reste là, immobile. Je viens de lui dire que j'ai tué Scott, l'amour de ma vie, et elle ne dit rien.
J'ai retenu ces mots en moi depuis si longtemps que j'avais commencé à me dire que le jour où je les prononcerais à voix haute, tout s'écroulerait. Je m'attendais à des cris scandalisés, des yeux révulsés... enfin à une réaction quoi, quelle qu'elle soit. Tout sauf ça !

- Vous m'avez entendu? Je vous ai dit que je l'ai tué

Parce que c'est ce que j'ai fait, bien sûr je ne l'ai pas menacé d'une arme sur la tempe ou pousser du haut d'une falaise, mais c'est tout comme. Chacun de mes actes ce soir là sont ceux qui ont mené à sa perte...

- Oui, j'ai entendu ce que tu as dis. J'attend que tu m'explique pourquoi tu pense être responsable de sa mort alors que je sais qu'il a perdu la vie dans un accident de voiture

Je sais que le ton doux et compréhensif de sa voix est censé m'apaiser mais c'est tout le contraire, son flegme et son absence de réaction me hérissent le poil et j'ai envie de la secouer pour la faire réagir.

- Parce que tout est de ma faute, ok? Dis-je en haussant le ton. L'effet papillon, vous connaissez ? Le battement d'aile du papillon qui provoque la tempête de l'autre côté de la planète ? Et ben je suis ce putain de papillon qui d'un coup d'aile à foutu le bordel et j'ai provoqué la tempête qui a tué Scott
- Vas-y, continue...
- Que je continue quoi? Hurlé-je en me levant. Oh vous voulez tous les détails, pour satisfaire votre curiosité malsaine, vous voulez savoir quoi? Ce qu'il portait ? Alors il avait une chemise a carreaux, comme il portait tous les jours, sauf que celle là était verte et grise.

La simple évocation de sa chemise me renvoit inexorablement sept mois en arrière.

°○
Nous sortons du lycée plus tôt que d'habitude, parce que Mme Sworthon est absente. Scott nous conduit chez ses parents pour que nous puissions nous reposer et nous préparer pour aller à la fête de Blake. Arrivés devant le petit pavillon de banlieue des Patton, Scott se précipite hors du véhicule pour m'ouvrir la portière, je glousse comme une idiote en le voyant arriver vers moi en trébuchant. Je jette mes jambes à l'extérieur de la voiture, mais je n'ai pas le temps de me mettre debout. Scott passe un bras sous mes genoux, et l'autre dans mon dos. Il me conduit à l'intérieur de la maison en me portant comme une jeune mariée, ce qui me fait rire de plus belle. J'enfouis ma tête dans son cou pour l'embrasser doucement, sa peau se couvre presque immédiatement de chair de poule, il me jette un regard brûlant et mime le rugissement d'un tigre. Je m'esclaffe en rejetant la tête en arrière pendant qu'il me conduit à sa, enfin notre chambre (même si j'ai du mal à me dire que c'est aussi la mienne, les Patton m'ont accueillis parce qu'ils n'ont pas vraiment eu le choix, ils ne me font pas ressentir que je ne suis pas tout a fait chez moi, mais par respect pour eux je me comporte en invitée, ça me paraît normal). Il me dépose doucement sur le lit et retire sa chemise d'un geste lent et langoureux et me dévorant du regard. Quand il me rejoint, consumé par le désir, nous nous perdons l'un dans l'autre avec passion et fougue.

L'idiot d'en faceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant