L'idiot d'en face

Bousculade et demi-tour

Point de vue de Dave:

Putain !

Je garde les yeux fermés quelques secondes encore après que Maya ait fermé la porte, pour contenir les larmes qui menacent de couler depuis que je l'ai aperçue sur le pas de ma porte.
Au moment où mes yeux se sont posés sur la silhouette frêle qui se tenait à l'entrée de ma chambre, mon coeur s'est arrêté. Il s'est arrêté parce que je ne m'attendais pas à la voir là, mais aussi parce qu'il ne m'a fallu qu'un coup d'oeil pour comprendre que son sourire de façade était tout ce qu'il y a de plus faux.

De toutes les choses que j'aime chez elle, c'est son authenticité qui m'a toujours frappé et que j'ai toujours admiré. Elle fait la gueule comme une gamine boudeuse si elle est de mauvaise humeur. Elle dit merde si quelqu'un la fait chier, et quand elle est heureuse elle sourit et rit à gorge déployée. Mais ce qui me renverse, c'est quand son regard bleu profond, pétille de joie et rencontre le mien, me faisant sentir comme la personne la plus importante du monde, la seule qui compte et qui puisse la rendre heureuse. Alors, la voir éteinte et fatiguée, sourire comme si de rien n'était, faisant comme si tout allait pour le mieux, ça me fend le coeur, et j'ai l'impression de la perdre, un peu plus à chaque seconde. Comme si la femme que j'aimais était remplacée par une ombre décharnée. Une vision fantomatique et morne de la femme fantastique dont je suis tombé amoureux.

Mais putain elle était là ! Et qu'est-ce qu'elle était belle... Malgré la peine qui transpirait par tous les pores de sa peau, malgré la colère et l'angoisse, elle était magnifique. On aurait dit un petit oiseau blessé, tombé du nid, qui attendrait qu'on la recueille.

Et bordel, j'aimerais être celui qui la ramasse et qui la soigne, lui redonnant peu à peu l'envie de vivre, à grand renfort d'amour et de nourriture. Seulement, je ne peux pas, on me l'interdit. Alors que, malgré toutes les personnes qui ont pu lui rendre visite c'est ma présence qu'elle cherchait, c'est chez moi qu'elle s'est précipité à peine rentrée. Elle voulait savoir pourquoi je ne voulais pas la voir et croyait que je lui en voulais.

Mais putain, jamais je ne pourrais lui en vouloir. Elle pourrait me piétiner et me traiter comme la pire des merdes, un sourire et j'oublierais tout.

Je peste, je suis furax, qu'à cause des théories fumeuses d'une nana qui ne comprend rien à rien, je ne puisse pas voir Maya, je ne peux pas la serrer dans mes bras et lui dire que tout va bien se passer. Non, au lieu de ça, je suis cloîtré ici, à l'écart, comme le chien galeux qui aurait mordu. Moi je suis puni alors que Jason, ce connard, peut la voir tant qu'il veut. Tout ça parce que cette bonne femme ne comprend rien à notre relation, elle ne sait rien de mes sentiments et du lien qui nous uni. Elle ne sait pas que je pourrais lui apporter tout le soutien et le reconfort dont elle a besoin.
Mais on m'en empêche. Et moi, comme un connard docile, j'obéis, dans l'espoir que ça puisse l'aider à aller mieux. Mais voilà, elle vient de me prouver que c'est de la merde cette théorie. Elle a besoin de moi.

Je me lève d'un bond, animé par ma rage et mon amour brûlant. Je tourne en rond comme un lion en cage, ne sachant pas quoi faire. J'ai envie de hurler, de me rouler en boule sur mon lit et de chialer comme un mome.

"Putain mais c'est pas vrai !" Pris d'un accès de colère j'envoie valdinguer tout ce qui était sur mon bureau. J'envoie coup de pied et coup de poing sur tout ce qui se présente devant moi, comme si frapper des objets inanimés me calmerait et mettrait du plomb dans la cervelle de cette nana.

Je veux me rapprocher de Maya mais pas au prix de son bien être. Et si elle avait raison? Si je devais lui laisser de l'espace pour qu'elle aille mieux ? Mais si elle se trompait et que mon absence ne faisait qu'empirer les choses ? "Aaarrrgghh !" Ça me rend dingue, j'ai le cul entre deux chaises et les miches au dessus d'une fosse de crocodile. J'envoie un coup de poing dans le mur en placo qui s'enfonce sous l'impact.