BR 1. Terreur

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Une goutte, puis deux, trois et une infinité tombèrent à ses pieds, colorant le sol ocre d'un vermeil profond. Un dernier râle se fit entendre puis plus rien, rien que le poids des regrets qu'il n'avait pas. Il ferma les yeux, savourant cette odeur ferreuse qui embaumait à présent les lieux. La douce odeur de la mort s'insinuait en lui, transcendant sa propre existence, oui, il n'en était que plus vivant. A terre, le ninja était broyé, ses os n'avaient pas résisté à la force titanesque du sable ; à vrai dire, rien jusqu'ici ne lui avait résisté. Il fit demi-tour avec une lenteur mesurée et regarda les ex-coéquipiers de sa toute récente victime qui, paralysés, n'avaient pas la force de bouger. Leur sort fut scellé rapidement, leur sang vint maculer sa tenue de ninja en de grandes taches carmin ; habituellement le sable palliait ce genre de désagréments mais l'effet visuel du sang sur la population de son village était à son avantage. Il rentra donc ainsi souillé sans une once de remords. A Suna, chacun s'écartait de son passage en priant pour sa vie, les rues devenaient soudainement désertes à son approche ce qui finalement n'était pas pour lui déplaire. Il faisait nuit noire au-dessus de lui, ni lune ni étoile pour le guider, s'il avait été romantique, il aurait songé à se perdre dans l'immensité du ciel, au lieu de cela, il trouvait que cette nuit convenait parfaitement à un assassinat, sombre à souhait. Sans bruit, il monta le long d'une façade non éclairée d'une grande maison du village. Le sable déverrouilla pour lui la fenêtre centrale et lui laissa toute liberté de mouvement.

La pièce était une petite chambre plongée dans l'obscurité, néanmoins il distinguait parfaitement le bureau dans un angle, une grande penderie face à lui et un grand lit à sa droite. Toujours silencieux il déposa sa jarre de sable contre le sofa disposé au pied du lit, retira quelques vêtements et monta sur les couvertures de lin fin. D'un geste qui aurait pu être tendre venant d'un autre il posa quelques doigts sur la main qui reposait près de l'oreiller de soie rose et remonta lentement le long du bras jusqu'à l'épaule. Il glissa ensuite vers le cou et le visage, replaçant une mèche blonde qui cachait ses yeux, caressant ses boucles avec ce qui pourrait ressembler à de la délicatesse. Alors qu'il traçait les contours de son nez d'un revers d'index, il la sentit s'éveiller, d'abord doucement, puis elle ressentit sa présence, et s'immobilisa. Il put sentir les battements de son cœur augmenter, ses muscles se raidir, son sang empli de vie parcourir ses veines...

— T'ai-je manqué ? murmura-t-il sans véritablement attendre sa réponse, ne la connaissant que trop bien. Elle avait peur de lui, comme tous les autres, tellement peur qu'elle aurait fait n'importe quoi pour survivre, et ça il le savait très bien. Il s'allongea près d'elle, sur le dos, en ayant pris soin d'amener l'un des oreillers moelleux sous sa tête et attendit qu'elle s'approche, ce qu'elle ne tarda pas à faire.

La terreur est une chose bien difficile à cacher, surtout lorsque l'objet de celle-ci est à vos côtés. Ses doigts tremblèrent alors qu'elle déplaçait sa main sur son torse sans défaut, elle se redressa et vint caler sa tête au creux de son épaule gauche, elle continua quelques instants à caresser sa peau de ses doigts soyeux avant de sentir son bras musclé par des années d'entraînement se refermer contre son flanc. Elle frémit mais vint se blottir un peu plus contre lui et ferma les yeux, priant pour que le sommeil la prenne et qu'elle puisse rouvrir les yeux seule le lendemain ou ne jamais les rouvrir.

— Tu ne me demandes pas comment s'est déroulée ma journée ? avait-il demandé d'une suave à faire pâlir un mort, tout en douceur et garni d'un sourire que l'on ne souhaitait voir sur le visage de personne.

— Excuse-moi, je suis un peu fatiguée ces-derniers temps... chercha-t-elle à expliquer de manière diplomatique, de telle sorte que sa vie n'en fusse pas raccourcie.

— Je comprends, mentit-il en caressant d'une main adroite sa jambe fine qu'il avait préalablement rapprochée de lui.

— Comment s'est passée ta journée Gaara ? s'enquit-elle dans un soupir alors qu'il remontait vers sa cuisse en de petites oscillations.

— J'ai croisé une patrouille d'Iwa dans le désert, rien de bien intéressant, leur sang était négligeable, ils ne m'ont pas fait me sentir vivant. Leur existence n'avait aucune importance. Mais Tanuki avait envie de sang, alors je lui en ai donné, poursuivit-il, leur sang était de moindre qualité, brut, sans goût. Si loin de la douceur du tien, de son parfum, de sa texture. Je ne connais pas de sang que le Tanuki apprécie plus que le tien.

Qu'était-il possible de répondre à cela tout en restant vivant les deux minutes suivantes ? Elle l'ignorait, et avait si peur de l'obscurité qui planait sur sa vie à présent. Elle haïssait son rituel, ses venues nocturnes, ces fausses conversations de couples, cette vie de terreur. Si seulement Sasuke l'avait tué à cette époque...

Dans un élan de lucidité, elle l'embrassa au coin de la bouche, l'invitant à une caresse qu'elle ne voulait pas prodiguer. Gaara répondit à ce baiser par un autre, plus violent, presque agressif. Elle ferma les yeux et referma les bras autour de sa nuque tandis qu'il parsemait son cou rosé de baisers possessifs. Une fois encore elle désira ardemment que son esprit quitte son corps pour échapper à ces tourments mais comme toujours il la ramenait dans leur enfer de sable et de sang pour une nuit de plus...

A Suna la chaleur vient avec le matin, étouffante, le village se lève et avec lui monte les bruits de la rue. Gaara, qui n'avait pas dormi, partit de chez elle à l'aube et gagna la demeure du Kazekage, son père. Avant même d'entrer il sut que les ninjas ennemis avaient été découverts, il faut dire qu'il les avait broyés, pas cachés. Il croisa une femme et son enfant sur le chemin, garçonnet qui se cacha comme il le put dans les jupes de sa mère. 'Pathétique', songea le jeune homme, conforté dans cette idée par la voix du Tanuki qui au fond de lui murmurait la même chose. Gaara gagna ses appartements et prit une douche avant de manger et de gagner le centre des opérations de Suna. Cette semaine, aucune mission à l'extérieur du village ne lui était proposée, chose rare. C'était dire si la situation à l'extérieur était morte : il y avait bien cette organisation, l'Akatsuki, qui semblait vouloir conquérir le monde. Mais elle se tenait tranquille depuis la mort de deux de ses agents, écrasés par quelques tonnes de sable trois semaines auparavant. D'un autre côté, un examen chuunin avait été annoncé il y a peu, signe de trêve entre les nations ninjas. Gaara songeait sérieusement à s'y rendre, ce, avec ou sans l'avis de son père. Lui-même avait passé son examen cinq ans plus tôt et avait magistralement réduis en miette la fierté des Uchiwa ; si seulement l'examinateur n'était pas intervenu... Il n'y avait rien d'intéressant à proprement parlé lors de cet examen, les genins étant tous d'un niveau négligeable, mais à Konoha il y avait Naruto. Ce démon... Un challenge de taille. Tous deux étaient pareils, seuls, sans attaches. L'amour, le ninja lui en avait parlé, ce sentiment si fort qui rendait invincible. A l'amour Gaara avait préféré la haine, la peur, là il ressentait toute sa force. La haine dans les yeux de son père, la peur d'Ai lorsqu'elle était dans ses bras, et cette même volonté de survivre, d'exister. Les êtres humains sont si faibles, leur vie ne tient qu'à un fil. Naruto ne voulait rien savoir mais il lui montrerait... et le tuerait.

Gaara passa finalement sa journée dans le désert à encadrer les genins sélectionnés pour l'examen chuunin avec son ancien sensei. Baki n'était toujours pas rassuré aux côtés de Gaara mais au moins il n'avait plus ses crises de folies meurtrières, enfin, de manière contrôlée. Et les habitants du village étaient majoritairement trop faibles pour présenter un quelconque intérêt. Le démon semblait lui aussi calmé, comme si les deux avaient trouvé leur équilibre, enfin, Gaara passait à l'âge adulte avec tous les problèmes qui allaient avec. Baki se concentra sur les genins morts de peur devant Gaara, le point positif par contre était qu'à part du démon local, ils n'avaient peur de rien. On se console avec ce que l'on peut...

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