DE SANG ET D'ARGENT T3 Unbowed [Terminée]

8. Shana

Je pleurai, recroquevillée sur cette paillasse qui servait de lit.

Les sanglots secouaient mon corps et je n'arrivais pas à les arrêter, je n'arrivai pas à tarir le flot de larmes. Je serrai la couverture contre mon corps nue, mes mains tremblantes, mon corps tremblant. Ma louve ne bougeait pas à l'intérieur, prostré et étouffée par le contrôle de père. C'était encore notre Alpha et sa volonté était plus forte que la nôtre. Nous ne pouvions aller contre sa volonté et cette nuit venait de le montrer.

Je me sentais souillée.

Je me sentais bafouée.

J'avais l'impression que mon corps n'était plus le mien. Cet homme m'avait touchée, il avait caressé mon corps avant de le posséder alors qu'il n'était pas sien. Que je ne voulais pas qu'il soit sien. Mais le choix ne m'avait pas été donné.

Aux yeux de tous, je n'étais que la deuxième, l'inutile. Mais toutes les louves ne l'étaient-elles pas au final ? Surtout aux yeux de père.

Me rebeller ne servait à rien. Je n'avais pas cette possibilité. Parce qu'on empêchait ma louve d'être ce qu'elle devait être.

J'étais Shana Ortega l'inutile, celle qu'on venait d'offrir à un futur Alpha pour lui donner des héritiers. Je n'avais pas le droit de parler s'il ne me le disait pas et je n'avais pas le droit de lui refuser quoi que ce soit.

Quand il m'avait souri et qu'il m'avait fait la conversation devant père et devant la meute, je n'avais pas été dupe.

J'avais appris à ne plus l'être depuis longtemps.

Depuis que père avait décrété que je ne serais jamais Alpha et que je devais moi-même me considérer comme la deuxième.

Il m'avait donné à un homme qui me dégoutait. Un homme qui avait pris la seule chose qui me restait, qui m'appartenait.

Que me restait-il maintenant ?

Que me restait-il après tout ça ?

Rien.

Il ne me restait rien.

Et ça faisait mal.

Mal d'imaginer chaque jour ainsi.

Mal de ne rien pouvoir faire et de sentir ma louve étouffée, jour après jour.

Aurait-elle une chance d'être elle-même un jour ?

Aurait-elle une chance d'être libre un jour ?

J'avais peur, peur que cela ne finisse par la briser complètement, peur qu'elle s'étiole à l'intérieur, triste et seule alors que je serais incapable de la sauver, incapable de l'aider même.

Je sentis quelqu'un entrer, des pas légers, une présence presque invisible. Je levai la tête, m'attendant à voir Kerann, mais c'est Yago qui s'agenouilla devant moi.

Mon petit-frère. Il me semblait si grand maintenant, si adulte.

Si beau.

Il avait les traits de père, mais son expression avait la douceur de maman.

Ses mains se retrouvèrent sur mes joues et il essuya mes larmes avec ses pouces. Il avait la peau brûlante quand la mienne me semblait glaciale.

Il me semblait bien en vie quand j'avais l'impression d'être morte à l'intérieur.

Il y avait de la colère dans ses yeux, mais beaucoup d'amour aussi. J'étais peut-être la grande-sœur, mais il restait le frère, l'homme. Et il voulait me protéger. Il ne voulait pas que je pleure. Mais je n'y arrivais pas. Pas après tout ça.