₊˚✧ Abomination coriace ~ mais gentille ₊˚✧ - Livre 1 - (corrigé)

PARTIE III - Voyage vers la cité des rêves (édité)

Me voici à la gare, je ne me suis pas perdue. 

Il fait nuit noire. 

Quelque personnes attendent sur le quai. Sans un bruit, je me fraie un chemin derrière elles. Efforts de discrétion inutile, car un train arrive. Affreux grincement de métal; qui pourrait aisément couvrir les pleurs d'un bébé. Je vois les quelques personnes monter, avant de chercher la petite porte des yeux

Le train reste un moment, puis je l'entend s'en aller. 

J'ai du mal à voir la porte, dans toute cette pénombre. Mais l'impression désagréable d'être regardée m'arrête. Prudemment, je tourne la tête. Il reste quelqu'un sur le quai, un petit vieux qui n'est pas monté dans le train. Rien, chez lui, n'a bougé, à l'exception de sa tête, comme si elle n'était pas vraiment dépendante de son corps. Sa tête tournée en ma direction. Comme si l'image en elle-même n'était déjà pas assez perturbante. 

Je ne bouge plus, ne respire plus, espérant...je ne sais pas.. me rendre invisible dans l'ombre.  Peut-être n'est-il pas dangereux, mais Ayumi m'a fait peur avec ses mystères.

Le vieux semble regarder un instant ma direction, puis se retourne, désintéressé. Tant mieux. Je continue ma route jusqu'à trouver la petite porte de bois.

Verrouillée. Comme Ayumi l'avait prédit. Je tourne la tête vers le quai. Le vieillard n'est plus là...ou alors la nuit le rend invisible à mes yeux. Mais peu importe. Je donne un coup de pied dans la porte, la faisant s'ouvrir sans effort.
 J'entre alors dans la remise, prenant soin de refermer derrière moi. Il y a des ballais, des sceaux ainsi que des pelles, des pioches, des fourches, des haches et d'autres ustensiles que je n'ai jamais vu. Qu'est ce que tout ça peut bien faire dans une gare ? Non, c'est vrai. Ce n'est pas la gare. Elle est sous la trappe qui est à mes pieds, la gare. 

La trappe qui est déjà ouverte, sur de longs escaliers en colimaçon. A combien de mètres sous terre vais-je tomber ? 

Je descends sur mes gardes. l'estomac noué à l'idée de glisser, et de croiser le vendeur de billets. Et au bout d'une descente interminable dans le noir, j'arrive en bas. Personne. Tant mieux. Je me dirige vers le quai mais...

"Messieurs dame"

Oh non. 

« Monsieur, dame, un biller aller-retour pour le prix d'un aller.»

Je continue de marcher, tête baissée, malgré ma curiosité. Je peux sentir sa présence derrière moi. 

« Un billet aller-retour pour le prix d'un aller, profitez-en, demoiselle, damoiseau »

N'y tenant plus, je jette un discret regard en coin derrière. Le vendeur est bien là, immense, camouflé par son manteau et son chapeau; et bien plus proche que sa voix ne le laisse paraître.

Je m'éloigne. Il ne me suit pas, mais me regarde, toujours répétant la même phrase

« Un billet aller-retour pour le prix d'un aller, profitez-en, demoiselle, damoiseau »

Le ton de sa voix semble différent.

« Un billet aller-retour pour le prix d'un aller, profitez-en, demoiselle, demoiseau»

Une forte lumière sort du tunnel sombre, et s'approche, peu à peu. Le train. Dieu merci.

Le véhicule s'arrête, et je monte dedans. N'y tenant plus, je regarde discrètement le vendeur par la votre de la porte fermée. Il n'a pas bougé et me regarde toujours. Il m'adresse un signe de la main, alors que le train commence doucement à bouger.

J'entre dans un wagon. Seulement trois personnes l'occupent. Ayumi avait raison, j'aurais eu du mal à les imaginer, même si on me les avait décrites. Mais bon, politesse oblige, je m'occupe de mes propres affaire.

L'intérieur du train est vraiment beau. Le sol, le plafond et les sièges sont couverts d'une douce moquette de velours vert sombre, avec des motifs brocards noirs. Des étagères parsèment les murs dorés.

Je prends place à quelques sièges d'écart d'une personne et regarde la fenêtre. Dehors ? Du bleu, qui se change peu à peu en noir, parsemé de points lumineux. Sommes-nous dans l'espace ? Comment y sommes-nous arrivés ? Pas dessous ?

Les points lumineux se font de plus en plus nombreux, puis de plus en plus rares, et enfin, plus rien.

Une forte lumière bleue m'éblouit soudainement, m'aveuglant un instant.

Et lorsque je retrouve la vue, c'est un paysage tout bleu, peuplé d'animaux et végétaux étranges. Nous sommes arrivé dans un monde que je vois par la vitre. Nous sommes dans un monde.

Quelques passagers descendent, je regarde ce nouveau paysage avec l'attention d'un enfant jusqu'à ce qu'une voix m'interrompe. 

"demoiselle, demoiseau. où allez vous donc ? Me demande une femme-poisson.

- Eckbaar.

- Bien, descendez au troisième. 

Plus tard, le train arrive dans un monde aquatique, peuplé de gens et de bâtiments tous plus étranges, et merveilleux. Lorsque je le pourrai, j'irai visiter ce monde. J'irai visiter tous les mondes.

Puis c'est à nouveau les ténèbres. Je les aime bien, ces ténèbres, ce vide entre les mondes. Je ne sais même pas ce que c'est, en fait..
Cela me fascine et me fait peur en même temps. L'idée qu'un monde puisse prendre fin si soudainement.

Le train arrive au dessus d'un désert, désert que je reconnais bientôt, car c'est le même que celui du tableau, où je me suis endormie. Avec la vie en plus cette fois.

Nous sommes dans le ciel bleu sans nuages, et survolons d'immenses dunes de sable, parfois percées par une créature cauchemardesque, qui disparait ensuite sous terre aussi vite qu'elle est apparue.

Le véhicule s'arrête sur une montagne. Je me lève du siège, et descends avec trois passagers.

Les portes du train se ferment, puis il démarre, et s'envole. Je le regarde disparaitre dans le ciel. J'aime ce train, il m'a emmené dans mon nouveau monde, et m'emmènera dans les autres.

Une fois celui-ci disparu de mon champ de vision, je salue les autres passagers, et nous partons chacun de notre coté.

Je marche, regardant l'horizon. Une grande cité se fait voir au loin, à coté, de gigantesques tours s'élèvent dans les nuages. Horyah, probablement.

Ma future maison.

Mes lèvres s'étirent en un sourire.

Ça y est, je suis à Eckbaar.