Chapitre 3

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Je n'étais pas du genre à me morfondre sur mon sort. Dès le premier jour, je montai ma propre mission au sein même des renseignements généraux. J'attrapai le premier dossier qu'on me donnait et le transmettai à mon équipe sans même jeter un coup d'œil entendu à Emma. Il s'agissait encore d'une affaire de son clan. Je savais que tout ce que nous pourrions faire serait vain pour empêcher ce qu'ils préparaient mais au moins, je la fixais sur un sujet. Je les chargeai de s'en occuper seuls et je repartis aussitôt faire ma propre enquête. Je retraçai tous les dossiers Aftagan traités par nos services mais une bonne dizaine d'équipes étaient concernées.

J'éliminai tout de suite toutes les personnes avec qui Emma discutait largement. Je ne tentai même pas de la sous-estimer. Tous les membres de son clan présents parmi nous étaient invisibles depuis des années. Emma travaillait parmi nous depuis 5 ans sans jamais avoir été inquiétée. La plupart de nos supérieurs lui aurait même donné plus de responsabilités si elle les avait acceptées. La meilleure preuve était que notre mariage n'avait même pas posé problème. Elle avait raison. J'étais le seul à pouvoir la démasquer parce que j'en étais trop proche.

Je savais aussi que pour ne pas donner de soupçons à quiconque, je devais continuer à jouer mon rôle de mari. Même si j'étais de plus en plus occupé par mes propres recherches, je prenais au minimum le temps de déjeuner avec mon équipe et faisais comme si de rien n'était à côté d'Emma. Elle jouait aussi parfaitement le jeu. Je ne pouvais pas m'attendre à moins d'elle, ni elle à moins de moi. Si nous étions tous les deux parmi les meilleurs agents des renseignements généraux, autant que cela nous serve.

Les soirées en privé étaient plus fluctuantes. Dans un premier temps, puisque j'étais au courant, elle ne se gênait plus pour ne rentrer qu'à peine dîner certains soirs et repartir aussitôt son café avalé. Après quelques temps, je trouvai que c'était la meilleure solution. Elle ne pouvait pas éviter les nuits blanches, même si je me demandais si elle n'allait pas dormir autre part. Elle avait tendance à ne plus prendre la peine non plus de rentrer avant le réveil. Je la retrouvais alors dans le salon, le nez dans un de nos dossiers, un café fumant devant elle, l'autre m'attendant sur la table basse du salon.

Les autres soirs, le jeu continuait dans notre appartement. Je n'appréciais pas du tout cette situation. Je relâchai de mon côté mon rôle pour n'être qu'à peine cordial. Emma, elle, restait égale à elle-même. Elle en venait même à proposer quoi faire le weekend prochain. C'était devenu comme une rengaine. Je lui répondais avec un regard entendu que j'étais sur un trop gros dossier pour aller faire un tour en amoureux. Je recevais alors enfin un de ses sourires en coin mais le jeu reprenait aussitôt.

Finalement, mes seuls moments de répits étaient les heures que je passais en salle de boxe. J'y allais dès que j'avais l'impression d'être prêt à exploser, même si c'était pour un quart d'heure entre midi et deux. Et j'eus malheureusement de plus en plus besoin de me défouler.

A ces deux types de soirées que j'arrivais à gérer, de nouvelles s'ajoutèrent que je n'avais pas anticipées. La première fut un soir où Emma essayait encore de me proposer de sortir le weekend prochain. Je lui répondais par automatisme sans comprendre ce qu'elle cherchait à jouer toujours l'épouse bienveillante. Je trouvais ça de plus en plus désagréable. J'essayais de me dégager de l'image d'Emma pour rester concentré sur Altara Ronari. J'espérais que mes sentiments changeraient et de pouvoir enfin la voir comme la cible à abattre. Je savais que j'en serais encore incapable.

Seulement, à mon histoire de gros dossier à traiter, elle commença par me dire qu'elle pourrait peut-être m'aider. Je relevai les yeux mauvais vers elle. Elle se moquait de nouveau de moi. Pourtant elle insista avec un léger plissement d'yeux. Le temps que j'arrive à trouver une réaction adaptée, elle me proposa un scénario sur mesure, soit comment coincer un chef mafieux dans ses activités courantes.

MenteuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant