Nous restâmes un peu moins de deux ans dans cette bulle. Je ne craignais plus constamment pour la vie de Greig puisque Altara faisait doublement vérifier tout ce qui entrait dans l'immeuble. Elle avait même eu l'idée saugrenue de me proposer de profiter de la cour intérieure pour cultiver des légumes. Elle avait fini par éclater de rire devant mon air incrédule. J'appréciais de ne plus craindre même l'eau du robinet mais il y avait des limites. Finalement, nous devînmes presque une famille normale si ce n'était qu'il était impossible pour moi et Greig de sortir du bâtiment.
Nous nous étions risqués quelques fois parce que notre petit garçon grandissait. Il bougeait de plus en plus et restait parfois une heure collée à la porte d'entrée après qu'Altara soit partie. Je me rendis aussi compte que j'étouffais dans un endroit si restreint. A la différence de mon fils, j'arrivais à me raisonner, considérant cet enfermement comme le prix à payer pour une certaine tranquillité. Greig avait réussi mieux que moi à convaincre Altara de tenter une sortie en lui faisant une colère comme jamais un soir où elle était rentrée. Il avait essayé de se glisser dans l'ouverture de porte en hurlant et en se débattant jusqu'à l'épuisement. Même la peur bleue qu'elle avait pour sa toute jeune vie avait volé en éclat à le voir si triste. Pourtant, tenter une sortie s'était révélée être une véritable expédition. Nous avions profité de dix minutes à voir Greig courir dans un parc en riant aux éclats avant que je me jette sur lui pour prendre deux balles dans le dos qui ricochèrent sur le gilet pare-balle que je portais. Nous étions rentrés sous les tirs. Greig n'avait plus dit un mot ou même pleurer pendant deux jours. Nous pensions ne jamais refaire une telle chose. J'avais dû retenir Altara de provoquer un bain de sang en représailles. Ce n'était que les règles du jeu.
Pourtant, nous avions réitéré l'exploit à chaque fois que Greig montrait qu'il n'en pouvait plus de rester enfermé.
La dernière fois avait été pour l'anniversaire de ses deux ans. Altara avait passé une semaine à trouver un lieu aproprié. Elle avait volontairement évité tous les parcs pour enfants. Nous avions donc fêtés les deux ans de notre petit bonhomme avec un pique-nique en plein milieu d'un champ en friche sans un arbre à moins de cent mètres à la ronde, à une heure de route du premier hameau. C'était extrême mais Greig avait pu courir et jouer dans les herbes folles pendant une bonne heure. Ces partenaires de jeu étaient une quinzaine de gros bras qui se prêtaient au jeu sans mal. Pourtant, le silence avait fini par s'abattre sur nous. Nous avions échangés un seul regard avec Altara. Il fallait agir vite dès que nous avions le moindre doute. Les gros bras prirent leurs armes en main. Je me baissai vers Greig avec un sourire en ouvrant mon gilet par balle. Il m'offrit un regard tout rond avant de s'approcher avec une maturité trop forte pour un enfant de deux ans. Il se glissa dans le porte bébé bien trop petit pour lui contre moi. C'était encore le seul moyen pour s'extriper rapidement d'une situation. Nous savions que ce serait peut-être la dernière fois que nous pourrions l'utiliser.
Je refermai le gilet par balle sur lui et courut jusqu'à ma moto. Les tirs retentirent dès que je mis le contact. Sans réfléchir, je fonçai jusqu'au refuge le plus proche même siles installations de Mark étaient à plus de trois quarts d'heures de route. Après une course effrénée sans que les tirs nous lâchent d'une semelle malgré les efforts d'Altara pour retenir le plus d'opposants sur le lieu principal, je faillis entrer directement avec ma moto dans la grande salle d'opérations. Je laissai l'engin aller s'écraser contre le mur adjacent et sautai à l'intérieur en me rappelant tout à coup que j'avais toujours Greig contre moi. J'ouvris rapidement le porte-bébé. Je le fit sortir en l'embrassant davantage pour me rassurer moi-même. Pour mener une telle course poursuite, je ne pouvais pas me préoccuper de si le trajet était trop difficile pour lui. Je me relevai et allai chercher une serviette sans jeter un coup d'oeil à Mark qui nous dévisageait. Les coups de feu retentirent cinq minutes à l'extérieur. Nos assaillants savaient qu'ils avaient perdus pour cette fois encore.
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Menteuse
General FictionJe m'appelle Thomas Seasmith, 35 ans, responsable d'une des équipes d'intervention secrète au sein des renseignements généraux, et j'ai pour femme, Emma Samina, ma subordonnée d'un point de vue professionnel, de son vrai nom Altara Ronari, chef du c...