Chapitre 6

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Quand j'ouvris les yeux, je ne m'attendais pas à ce que le paradis ou l'enfer ressemble à une salle d'opération. J'essayai de me redresser mais une violente douleur au dessus de mon oreille me mit de nouveau à terre. Je grimaçai en sentant des larmes perler de mes yeux sans pouvoir les retenir. Je sentis qu'on m'attrapait le bras mais n'arrivai qu'à retrouver mes esprits que quelques instants plus tard.

Je n'osai même plus bouger la tête mais j'haussai un sourcil en voyant cet homme - le même chez qui s'était réfugié Altara quand elle avait appris sa grossesse-, au dessus de moi, un masque sur le visage, réglant une perfusion.

« Tu es avec moi ? Me demanda-t-il en me fixant enfin dans les yeux. »

J'acquiesçai d'un infime hochement de tête mais cela sembla lui suffire. Il observa quelque chose sur ma droite avant de revenir à côté de moi en me scrutant de nouveau.

« Tu peux essayer de parler ? Me demanda-t-il de nouveau. »

Je me rendis compte alors que si j'avais voulu répondre « oui », aucun bruit n'était sorti de ma bouche. Mes lèvres n'avaient même pas bougé. Il me fallut une intense concentration et plusieurs grimaces dûes à cette forte douleur dans ma tête pour y parvenir. J'arrivai à formuler un minuscule « oui » avant de me retrouver au bord de la panique. J'essayai de bouger mes mains, mes orteils, même de sentir une odeur particulière.

« Calme-toi, me dit-il alors. Tu es à la limite de ce que je peux te donner en morphine, je ne peux pas te donner un calmant en plus alors il va falloir que tu te débrouilles seul. Paniquer ne t'aidera pas.

- Que... Réussis-je à émettre comme son.

- Altara t'a tiré une balle dans la tête, m'annonça-t-il platement. »

J'écarquillai les yeux mais je n'arrivai même plus à formuler la moindre pensée cohérente.

« Heureusement qu'elle sait bien viser, reprit-il avec un soupir. La balle a brisé une partie de ton crâne. Tu n'as qu'un très gros hématome cérébral. Si tu prends le temps nécessaire, tu ne devrais pas avoir de séquelles. »

Je le dévisageai sans comprendre. Pourquoi m'avait-elle raté ? Et pourquoi disait-il que c'était volontaire ?

« Tu vas m'écouter et tout devrait bien se passer, continua-t-il. Pour ton information, tu lui as brisé l'épaule en tirant, ce qui dans son état n'était pas forcément une bonne idée. Visiblement, vous aviez tous les deux une idée derrière la tête mais on va suivre la sienne maintenant. »

Il repartit sans finir son explication. J'arrivai à sentir tout mon corps et surtout cette douleur dans le crâne qui s'expliquait maintenant mais je n'étais pas bien avancé. Altara ne m'avait pas tué, mais pourquoi?

Ce médecin revint vers moi avec un pot dans les mains et une petite cuillère. Il se mit à donner à me donner à manger mais je refusai dans un premier temps d'ouvrir la bouche. Il s'agaça jusqu'à ce que j'arrive à articuler « Po..Ka... »

« Vous deviez bien vous entendre, soupira-t-il. Mange et je t'explique, insista-t-il. »

Je m'exécutai. Je n'aurais jamais cru qu'une simple compote de pommes puisse avoir si bon goût tout à coup. Mes mouvements étaient très lents mais j'étais content de pouvoir les faire. Altara était folle d'avoir visé la tête si elle voulait me proposer un accord.

« Ne te réjouis pas trop vite d'être en vie, reprit-il en me faisant manger avec une patience inouïe. Tu es prisonnier maintenant. »

Je lui jetai un coup d'œil surpris. Je ne pensais pas qu'ils faisaient des prisonniers. Ma réaction le fit rire.

« ça veut dire que tu seras vendu comme esclave et j'ai déjà entendu que certains dirigeants à l'Est serait intéressé, continua-t-il. C'est rare qu'on ait des types comme toi à vendre. »

La remarque ne me plaisait pas du tout mais je n'étais pas en état de réagir.

« Si tu essayes de t'échapper, tu seras tué sur le champ, me dit-il avec un regard entendu. Honnêtement, Altara s'est déjà suffisamment mise en danger pour réussir à imposer cette stratégie alors tiens-toi tranquille. Presque la moitié du clan veut ta tête depuis votre dernière opération. »

Je ne comprenais pas où il voulait en venir. Mon seul moyen de me faire comprendre fut de refuser de nouveau d'ouvrir la bouche. Il eut de nouveau un léger rire.

« D'accord, d'accord, admit-il comme s'il savait très bien qu'il me faisait attendre la véritable information. Tu seras vendu dans une quinzaine d'années, me dit-il sans plus essayer de me faire manger. Tu vas te remettre sur pied et tu t'occuperas du rejeton d'Altara quand il naîtra. Ça ne va pas être de tout repos alors tu as intérêt à récupérer toutes tes capacités. Altara a besoin d'une nourrice pour son fils et elle s'est dit qu'un agent secret serait une bonne garantie, conclut-il avec un sourire en coin. »

Je le dévisageai. Pour un peu, je me serais levé pour lui demander de répéter. Il me laissa accuser la nouvelle sans pouvoir physiquement bougé. J'oubliai un instant mon mal de tête. Emma me laissait mon fils. Altara ne voulait plus l'abandonner. Même si sa méthode était extrême, elle me laissait m'en occuper. Je perdais par la même occasion toute liberté mais elle ne me demandait pas de passer de mon plein gré dans son clan, ni d'agir pour.

« Tu vas avoir besoin de force, reprit cet homme en me tendant une nouvelle cuillère. »

Je m'exécutai sans rechigner complètement abasourdi. J'étais heureux de l'avoir fait changé d'avis mais elle venait de bouleverser toute ma vie. Je finis par soupirer. Je n'étais pas en pleine possession de mes moyens. Je ne pouvais pas réagir comme je le voulais. Pour l'instant, je n'avais pas le choix. Plus tard, j'accepterai peut-être ce rôle même si je n'avais jamais imaginé sacrifier toute ma vie pour m'occuper de mon fils.

« Tu sais, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose que tu ne sais pas sur Altara, reprit-il sans que je ne lui ai rien demandé. Elle a grandi seule et a gagné sa place toute seule ici. Nous sommes quelques uns à lui faire confiance. L'ancien chef lui faisait confiance mais contre la majorité du clan. Elle n'était pas attendue pour diriger le clan. Sa position est une lutte constante. Je crois qu'elle t'offre ce que tu voulais alors ne lui mets pas des bâtons dans les roues en plus. Elle a besoin de soutien. Elle a assez d'ennemis comme ça. »

Je le regardai en admettant que je ne connaissais rien à l'intérieur du clan Aftagan. Son explication ne me donna qu'une seule envie : la voir. J'arrivai difficilement à articuler quelque chose d'intelligible.

« N'y compte pas, me répondit-il. Il y a déjà une dizaine de tête qui sont tombés quand on a su qu'elle ne t'avait que blesser. Si elle vient te dire bonjour, elle ne fera qu'attiser les tensions. J'essayerais de m'arranger pour que tu ne sois pas loin quand elle accouchera mais ne t'attends pas à plus. Tu as ton fils, contentes-toi en. »

J'accusai la nouvelle en sentant déjà que cette situation n'allait pas me plaire. Il rangea finalement sa cuillère et me dit de me reposer. J'avais l'impression d'avoir passé une journée entière de travail en échangeant trois mots. J'arrivai juste à le retenir d'une main et à articuler « Nom » quand il se retourna.

Il retira son masque un instant pour me sourire tranquillement.

« Mark, me répondit-il. Bonne nuit, la belle aux bois dormants, conclut-il en retournant à ses affaires. »

Même si je voulus râler, je ne le pus pas. Je n'eus même pas de mal à m'endormir rapidement malgré la lumière vive au dessus de moi. Je n'eus même pas le temps d'analyser la situation, ni de m'en plaindre. Je sombrai dans un sommeil profond.  

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