Chapitre 12

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J'avais fini par trouver le temps de refaire les comptes. Au plus tard, dans une semaine, Altara accoucherait. Je ne savais plus quoi craindre : ma future paternité, les contrats sur ma tête et celle du petit ou le risque qu'elle meurt pendant l'accouchement. Je trouvais de plus en plus difficilement le sommeil. Ces dernières semaines n'avaient fait que me convaincre qu'il fallait que je trouve un moyen de fuir avec mon fils. Il était impensable de le faire grandir dans un tel endroit. Je ne pouvais pas reprocher à Altara d'avoir des coups de sang. Tout ce qu'il y avait autour de nous était pourri depuis de nombreuses années. Même si j'étais officiellement mort, je voulais donner autre chose à mon fils.

Tout à coup, un bruit anormal interrompit sèchement mes pensées. Je me redressai avant même d'avoir réfléchi et scrutai l'appartement à la recherche d'un signe anormal. Au bout d'un long moment, je laissai échapper un soupir. J'étais sur les nerfs. Peut-être n'était-ce qu'Altara qui avait bougé sur le canapé...

J'allais pour me rallonger quand je croisai ce regard noir qui m'observait attentivement. Je ne souvenais plus la dernière fois qu'elle m'avait regardé aussi franchement. Je la devinai à peine à la lueur des LED d'appareils dans l'appartement. Je me figeai sans vouloir rompre le charme.

Je laissai derrière moi toutes mes pensées incessantes et ce stress un instant. Pourquoi m'en faisais-je autant puisque j'étais toujours avec Emma ? J'observai doucement son visage. J'avais l'impression de ne pas l'avoir vu depuis des mois. La grossesse ne l'avait même pas changé tant que ça. Mes yeux revenaient toujours vers les siens, trouvant dans ce contact visuel une force et une stabilité que j'avais fini par oublier.

Elle m'observa de la même façon. Elle leva doucement sa main pour effleurer la large cicatrice sur le côté de mon crâne. Je devinai une rapide grimace sur ses lèvres. Ses yeux revinrent de nouveau vers les miens. Nous restâmes longtemps ainsi comme si l'obscurité nous offrait enfin un instant d'absolu. Je finis par sourire. J'aurais presque pu croire que tout ce qui s'était passé n'était qu'un cauchemar, ne gardant en tête que le fait que j'allais être papa. Emma allait me donner un fils.

Tout à coup, le charme se brisa. Je vis ses yeux se baisser pour cacher une certaine tristesse. Elle se retourna sur le canapé sans un mot pour se rendormir.

Je restai un moment hagard avant de m'allonger de nouveau à mon tour. Je retins un soupir douloureux en portant un bras sur mes yeux. Cela faisait des semaines que je pensais avoir définitivement tourné la page. Mais voilà qu'au moindre moment de calme, je recommençais à croire à ce fantôme. Je pensais avoir accepté qu'Emma n'avait été qu'une façade devant Altara mais l'illusion était toujours plus facile que la réalité. Les quelques moments de calme que nous avions eu, la confiance que nous avions dû retrouver pour survivre avait fait remonter de vieux souvenirs que je n'arrivais pas à coller sur Altara Ronari. Je n'arrivai toujours pas à la comprendre. Je craignais aussi qu'elle m'entraîne avec elle, faisant ressortir mes penchants les plus violents. J'avais vu ce que j'appelais encore quelques mois auparavant sa folie de mes propres yeux, même si j'en comprenais maintenant les raisons. Je détestais ses méthodes. Elle ne laissait le choix à personne de l'accepter telle qu'elle était. Je me traitai de tous les noms d'essayer encore de retrouver Emma. Je n'étais pas à un endroit où les douces rêveries étaient permises. Elles étaient même risquées.

J'eus un mal fou à trouver le sommeil et ne réussis à me rendormir qu'au petit matin. Je fus réveillé par une odeur de café que je manquai de renverser en me redressant.

Altara était déjà levée, les fenêtres grandes ouvertes, le petit déjeuner prêt. J'eus l'impression d'être encore dans ce cauchemar avec ce fantôme. Je repris mes esprits à temps pour ne rien dire. Elle préparait le petit déjeuner depuis des semaines maintenant que je l'avais forcé à dormir plus et qu'elle avait repris des forces. J'avalai mon café et un morceau de pain en silence. Je jetai un coup d'œil à l'heure surpris. Il était plutôt tard pour commencer la journée. Je n'eus pas envie de savoir tout de suite ce qu'il s'était passé. Je partis prendre une douche en espérant que cela m'aiderait à attaquer la journée dans de meilleures conditions.

MenteuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant