Mon éveil hors du monde

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- Bonjour...

La voix douce d'une femme me réveille. J'inspire profondément, comme si c'était la première fois et que ça me surprenait. Etrange... J'ai l'impression de connaître cette voix. Et si ? Je tente, pleine d'espoir :

- Maman ? Que... Qu'est-ce que tu...

La voix éclate d'un rire cristallin, qui ne tarde pas à se transformer en ricanements. Oh non, ce n'est pas ma mère... je crois. Je n'arrive pas à me souvenir de ce qui s'est passé ces dernières heures... Peut-être que je dormais, simplement. Ou alors... Je regarde autour de moi. La pièce dans laquelle je me trouve est éclatante de propreté et de blancheur. Comme dans un hôpital...

- Est-ce que j'ai eu un accident ? Et qui êtes-vous ? J'ai l'impression de vous connaître, mais je n'arrive pas à me souvenir... Et puis, pourquoi est-ce que j'ai aussi mal à la nuque ? C'est mon accident, pas vrai ?

La femme me sourit et se retourne pour chuchoter quelque chose à un homme que je n'avais pas aperçu derrière elle. Il me semble lui aussi familier... J'arrive à entendre quelques mots de leur conversation, mais principalement j'entends « souvenirs » et « soumission ». Est-ce qu'ils parlent de moi ? Je tente alors de signaler ma présence, avide de réponses.

- Hé oh ! Je suis toujours là, vous savez, je ne me suis pas envolée !

Ma phrase, surtout la fin, semble les amuser grandement. Néanmoins, j'ai réussi à attirer leur attention. La belle femme prend la parole :

- Oh non honey, tu n'en es pas capable... Mais j'accepte de répondre à tes questions. Tu es si mignonne...

Elle me pince la joue comme une grand-mère le ferait à sa petite-fille. Mais qui est-elle à la fin ? Je fronce les sourcils de plus belle.

- Alors voilà. Ici, nous sommes dans le monde du Dessous. Tes souvenirs m'appartiennent, et c'est à moi qu'incombe la décision de te les rendre. A partir du moment où je te les rendrai, tu voudras sûrement me tuer... Je t'expliquerai tout alors. Albert, attache-la solidement grâce à son collier, veux-tu.

C'est seulement à ce moment que je remarque cette espèce de chapelet qui m'enserre le cou. Et cette longue cicatrice...

Je suis maintenant accrochée. Les doigts froids d'Albert me font toujours frissonner, même alors qu'il ne me touche plus. Alors, j'entends la jeune femme prononcer des mots que je ne comprends pas. Elle va de plus en plus vite, et je vois le fil de ma vie défiler devant mes yeux, depuis ma naissance. Je redécouvre des parties sombres de mon passé que j'aurais préféré oublier, si bien que les larmes me montent aux yeux. Pleurant à chaudes larmes, je murmure :

- Maman... Comment ai-je pu croire que tu étais cette femme ?

Je sanglote toujours lorsque l'épreuve se termine. Maintenant, j'ai vraiment envie de tuer cette femme. Pourquoi m'a-t-elle infligé ce traitement ?

- Alors, Calypso, tu es maintenant revenue à toi je vois...

Son ton est sarcastique au plus haut point. Vraiment, elle est insupportable. Mais je me retiens de lui sauter dessus, de toute façon je suis attachée. Sérieusement, pour qui elle se prend ? Mais je veux des réponses. Elle prend donc la parole pour tout m'expliquer, comme promis.

- Je tiens tout d'abord à m'excuser, Calypso. Même si ce n'est pas du tout mon genre de dire ça. En réalité, je t'ai sauvée. Tu te souviens probablement de la nuit où ta mère est regrettablement décédée...

- A vrai dire, pas vraiment. J'essaie plutôt d'oublier ce genre de choses en temps normal...

- Alors, je vais tout te raconter à nouveau. Mais d'abord, je me présente. Je suis la Dame des Morts, impératrice et justicière du monde du Dessous. Mais... Appelle-moi Maîtresse si tu veux !

Dans des explications si sérieuses, son caractère prend tout de même le dessus et elle se met à rire. Mais quel est ce titre pompeux ? On est où ?

- Excuse-moi, je continue. Ici, nous sommes dans le monde du Dessous. Chez toi, c'est le monde Mortel, et au-dessus encore c'est le monde d'en Haut. C'est assez logique, pas vrai ? Enfin bon. Quand des mortels comme toi sont amenés dans notre monde par le rituel appelé deas-gnàth, qui consiste à trancher la nuque du concerné, qui doit être totalement soumis, sur la tombe d'un ancêtre, il est amené ici, sans souvenirs. Pour ne pas qu'il panique ou retourne chez lui en étant capable de raconter ce qu'il a vu ici, nous avons recréé ici l'atmosphère d'un hôpital. Le mortel dira avoir vu une lumière blanche... Ou une chambre d'hôpital, justement. Car la plupart du temps, un mortel arrive ici par accident, et nous le renvoyons. Ce qui n'est pas ton cas...

Alors que je tente d'assimiler toutes ces informations invraisemblables, un troll puant en livrée de valet fait irruption dans la pièce. Je me redresse légèrement sur mon lit pour être sûre de ce que j'ai vu. Un troll ? Et puis quoi encore ? En réalité, c'est juste un jeune homme à la peu verte et... A moitié décomposée, ce qui créée cette odeur atroce. Il fait une révérence devant la Dame des Morts et annonce :

- Madame... Un visiteur demande une audience. Il dit venir de loin et que c'est urgent, ce pour quoi je me permet de vous déranger... Madame.

La Dame des Morts s'évente à l'aide d'un large éventail brodé de perles et de motifs floraux, rongé à certains endroits par la pourriture de l'humidité et du temps. Elle semble embêtée de devoir y aller, mais elle répond tout de même :

- Bien, merci Valet. Je vais aller me refaire une beauté et j'arrive.

Puis je l'entends murmurer :

- Je suis lasse de toutes ces pauvres âmes égarés qui n'ont pas trouvé le chemin du monde du Haut et demandent justice... Mais ce sont mes fonctions !

Elle s'adresse enfin à moi, comme à une amie cette fois-ci :

- Ecoute. Je ne sais pas ce que je dois penser de toi. J'ai cru que tu voudrais me tuer, mais tu n'as pas bronché. Dois-je en déduire que tu n'es pas dangereuse ? Nous verrons cela. Il faut tout de même que je te soumette... Repose-toi bien avant mon retour !

Elle fait signe à Albert de la suivre, et elle part, virevoltant dans sa longue robe blanche, ses longs cheveux blonds flottant derrière elle. Décidément, moi non plus je ne sais plus quoi penser d'elle... Je commence à m'endormir lorsque j'entends Albert fermer la porte à clé.

Tant mieux, je serai quitte d'être dérangée...

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*Extrait du chapitre suivant*

Ce n'est qu'à mon réveil que je commence vraiment à paniquer. Je décide de faire le vide dans ma tête, et de récapituler. Premièrement, certains de mes souvenirs ont disparu. Deuxièmement, je suis morte, mais toujours vivante. Troisièmement, j'ai quitté la Terre.


Le Monde du Dessous - La Dame des MortsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant