Le Monde du Dessous - La Dame des Morts

Mon histoire

Des années avaient passé. Je n'étais plus la même. Corrompue par le besoin de sang, de douleur, je tranchais toujours favorablement à la mort dans l'exercice de mes fonctions. Le temps qui passait effaçait petit à petit tout souvenir de mon humanité, et avec eux tout sentiment. Le besoin de sommeil, de nourriture, d'amour... Tout était envolé, loin de moi. Sauf cette haine à l'égard de ce monde. Tout ce qu'il m'avait pris, en commençant par ma mère puis en terminant par ma vie... Il fallait que je me change les idées. Mais même les illusions que mes sujets créaient pour se remémorer leur vie me semblaient dénuées de sens et d'utilité. Plus rien n'avait d'importance, si ce n'était que ma non-existence était trop longue à mon goût. Je cherchais simplement à m'amuser ! Et le sang était la solution. Du moins, la représentation du sang, l'impression de douleur, presque réels... Dans les premiers mois de notre vie en tant que Maître et Dame des Morts, Warren et moi étions sincèrement heureux. Lui a toujours pu être capable de ressentir des sentiments, de continuer comme s'il vivait encore. Il a appris à le faire. Nous nous aimions, et je me souviens de notre mariage comme le jour le plus beau de ma non-vie. Ma robe était magnifique, le ciel radieux, et le sourire de Warren si envoûtant... Mais ensuite, tout devint différent. Je ne l'aimais plus. J'étais incapable de ressentir la moindre émotion ! Seule la douleur des autres me rendais heureuse. Alors, petit à petit, j'ai fait venir des humains, bien vivants, dans la cave du manoir. Là, je leur ordonnais de s'entre-tuer. Et ils le faisaient, car ils n'avaient pas le choix. Quelque fois, je gardais une de mes proies pour m'amuser plus tard. Le temps me paraissait si long dans le monde du Dessous... Jusqu'au jour où j'ai fait un rêve. Un vrai, comme de mon vivant. Il y était question d'un groupe de personnes sans arrêt en fuite, se cachant de maisons abandonnées en forêts sombres. Ils vivaient en reclus, craignant tout le monde et étant craint de tous. Leur vie de vagabonds me paraissait tellement préférable à la mienne... Alors, j'ai quitté notre manoir une nuit, discrètement, pour les chercher. J'ai erré longtemps, seule dans ce vaste monde. Mais je les ai rencontrés dans cette forêt que j'avais maintes et maintes fois parcourue lorsque je fuyais Artémise. Ils étaient là, devant moi, semblant m'attendre depuis toujours. Ils m'ont accueillie comme si j'étais des leurs et non celle qui devait avoir le pouvoir sur eux, la Dame des Morts. J'y ai vécu des jours heureux, apprenant à ressentir à nouveau, à ne pas fermer mon cœur... Le temps passait, mais je n'oubliais pas Warren. Il me manquait... Mais après l'avoir si mal traité, l'avoir abandonné comme une chaussette sale, je ne pouvais me présenter à nouveau devant lui et lui dire << Pardonne-moi, j'ai fait des erreurs. Je t'aime>>. Non, c'était insensé. Alors, j'ai continué à suivre ce groupe de vagabonds. Encore et toujours. J'ai découvert qu'ils étaient recherchés par le gouvernement à cause des vols réguliers qu'ils étaient obligés de commettre pour leurs repas. Mais peu m'importait. Un beau jour, des soldats sont arrivés. C'était la garde personnelle de mon mari. Je n'ai même pas pu savoir s'il était présent avant que mes camarades ne se mettent à crier, à hurler, à s'activer tant et si bien que j'ai fini par m'effondrer à force de me faire bousculer. Peu désireuse de me faire écraser, j'ai rampé jusqu'à un coin d'où je pouvais observer le champ de bataille. Pendant tout le combat, je suis restée là, tenue en haleine, cherchant à savoir si Warren faisait partie des victimes. Je regrettais tellement... Je voulais m'excuser. Quand tout fut terminé, je l'ai trouvé allongé sur une botte de paille, un soldat lui tenant compagnie. Son esprit allait s'éteindre... Me souvenant alors de la manière que Laurélia avait eu de maintenir ma mère en vie et de nous lier, je réalisais que séparer une partie de mon âme et l'offrir à Warren aurait le même effet. Mais comment ? Alors, une fois de plus, j'invoquais le lien de mes ancêtres. Et cela fonctionnait ! Jamais je n'aurais imaginé que fendre son âme était aussi douloureux. Mais le simple bonheur de sauver celui que j'aimais, que j'avais perdu et retrouvé m'emplissait de joie. C'est ainsi que votre père m'a retrouvée, les enfants, et remise sur le droit chemin. Tâchez de ne jamais vous en écarter.

Je remonte la couverture sur le menton d'Ayleen, l'embrasse sur le front et fais de même pour son frère, Jamie. Mes enfants... Je leur dis alors, tendrement :

- Allez, dormez, sinon papa ne sera pas content ! Si vous voulez être de bons dirigeants plus tard, il faut bien dormir !

- Bonne nuit maman...

J'éteins la lumière en sortant de la pièce. Ayleen et Jamie sont jumeaux et sont aussi fougueux que leurs parents. A à peine cinq ans, ils rêvent déjà de changer le monde du Dessous, de le rendre meilleur... Ce que Warren et moi nous efforçons de faire. Après de bien sombres périodes, pour lui comme pour moi, nous avons décidé d'un commun accord de ne jamais plus nous quitter. Le temps passe, les blessures se referment, et notre amour perdure. C'est ainsi que le monde marche pour nous.

J'ouvre la porte de notre chambre et trouve Warren allongé sur le lit, plongé dans un livre. Je me rapproche à pas de loup, espérant qu'il ne m'ait pas entendue entrer, et saute soudainement sur lui en criant puérilement <<BOUH !>> afin de l'effrayer. Seulement, il s'écarte au dernier moment et je ne réussis à attraper qu'un oreiller. Il s'approche alors doucement de moi et me chuchote à l'oreille :

- J'ai entendu tes pensées... Fais plus attention, la prochaine fois !

Alors, prenant ma revanche, je lui lance l'oreiller que je tenais. Il en attrape un second et me le lance à son tour. Je m'exclame :

- Ah oui, monsieur se défend ? Mais je vais lui apprendre à combattre moi ! Grrrr !

Dans un éclat de rire, je me mets debout sur le lit, et avance pour récupérer mon oreiller lorsqu'il fauche mes jambes, me faisant tomber à la renverse. Il me rattrape galamment dans ses bras et m'embrasse. J'entends alors sa voix résonner dans ma tête :

Je t'aime tellement, Juliana. Ne change pas !

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*Fin*

Voilà, c'est fini. Après cinq mois de cette belle aventure... Je tiens à vous remercier pour le soutien que vous m'avez offert, les commentaires, les votes, les partages ! Je ne peux pas vous dire si je vais écrire une suite. Peut-être que oui, ou peut-être que non !  Pour le moment, je commence la relecture et correction du livre, afin de l'améliorer au maximum. Alors, si l'envie vous prend de m'aider, je ne refuse pas ^^ Merci pour tout !

PlumeColoriée