Incroyable ! Quelques minutes plus tôt, je pensais devoir en finir et me rendre, mais je ne réalise toujours pas que je suis là, en compagnie de Warren, sur le point d'arriver à l'auberge. L'histoire de sa vie doit être particulièrement horrible... Etre tué par son propre père ! Mon cœur rempli de compassion à son égard, j'accélère le pas pour le rattraper. Depuis la mort de son père, plus aucun son n'est sorti de sa bouche. Mais il continue à avancer, d'un pas fier, vers le futur. Enfin, le genre de futur que vivent les morts. Car maintenant que je suis partiellement unie à lui, je suis comme morte. Et je ne pourrai pas rester chez moi très longtemps...Tout comme Warren. Je me surprends une fois de plus à observer la naissance de sa nuque. J'y distingue une cicatrice comme la mienne, mais partielle. Comme si... Comme si le travail n'avait pas été terminé. Je revois alors en pensée ses traits doux, figés dans une expression de lassitude, de douleur réprimée. Ses yeux, selon mon souvenir, sont bleus, mais d'un bleu dont l'éclat de jadis a disparu, laissant la place à un gris tourmenté. Ses cheveux bruns, qu'il porte courts, ont l'air soyeux. Je me demande si on portait déjà les cheveux courts à son époque... Je ne crois pas, non. Sous son t-shirt bleu, je peux deviner un torse musclé et... Minute. Des chuchotements parviennent à mes oreilles. Warren ne semble pas les entendre... Suis-je en train de devenir folle ? Je tente de me boucher les oreilles, mais rien n'y fait. Je soupire. Enfin, je finis par comprendre quelques bribes de phrases, sans aucun sens pour moi. Quoique...
Papa... Mais pourquoi ?... Tué... Fille... Idiot... !
Je réalise alors que ce sont des paroles appartenant à Warren. Souhaitant m'en assurer, je me rapproche de lui et demande :
- Qu'as tu dis ?
Surpris, il se retourne vers moi, et se fige. Il baisse la tête et, dans une intense réflexion, s'assoit au sol. Il murmure pour lui-même :
- C'était donc vrai...
Je ne comprends toujours pas où il veut en venir et pourquoi il réagit de cette manière. De plus en plus curieuse, je supplie :
- Pardon ? Qu'est-ce qui est vrai ? Dis-moi !
Il relève alors le visage vers moi, et dit douloureusement :
- Lorsque j'ai pour la première fois mis le pied dans ce monde, mon père m'a raconté comment cela se passait lorsqu'on devenait Maître des Morts. Il venait de le devenir lui-même...Il m'a raconté la façon dont il communiquait avec Artémise... Par la pensée. Depuis leur union, aucun d'eux n'a pu prendre de la distance avec l'autre. Et, dans les cas les plus extrêmes de compatibilité, si je peux dire, chacun entend les pensées de l'autre. C'est ce qu'il se passe pour nous, non ? On ne pourra pas faire le chemin inverse ?
Je reste muette à ses questions. Comment faire ? C'est vrai, nous nous sommes débarrassés de Klaus et Artémise, mais maintenant, nous devons les remplacer. Sans ça... Et bien, je préfère ne pas savoir ce qui arriverait. Alors, j'assumerai mes actes.
Nous voilà devant l'auberge. Avant d'entrer, je me tourne vers Warren et lui dis :
- Merci beaucoup de m'avoir sauvée...
Mais il réplique, sur un ton qui ne demande aucune réponse :
- Je ne vois pas pourquoi tu me remercies. Je nous ai condamnés.
Je secoue alors la tête en signe de désapprobation. Klaus m'aurait renvoyée chez Artémise, qui m'aurait torturée jusqu'à ce que je lui dise où se trouvait ma mère... La voilà, d'ailleurs. Reposée et en meilleure forme, elle s'approche de nous, Lyanne à son côté. Seulement, lorsqu'elle aperçoit Warren, elle fronce les sourcils et, soudain, se tient la tête à deux mains. Elle articule difficilement :
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Le Monde du Dessous - La Dame des Morts
HorrorTout autour de moi est à la fois différent et familier. Toutes époques mélangées. Et moi, je suis là, ni morte ni vivante, ne pensant qu'à m'enfuir. Aujourd'hui plus que tout autre jour, mes racines me paraissent lointaines, comme l'autre rive d'un...