Minuit passé [Terminée]

Minuit sept.

Bastien vient tout juste de se faire doubler par une jeune demoiselle chevauchant une moto, s'avançant vers une lumière aussi vive qu'un halo. Il se sent troublé par son arrivée, mais impossible pour lui de la rattraper.

Cela lui semble étrange de croiser quelqu'un à cette heure-ci, presque invraisemblable dans ce vieux village où l'on n'entend point de bruit.

Mais il ne s'attarde pas plus longtemps sur cette silhouette, qui disparaît déjà à l'horizon d'une traite. Il continue son chemin, passant par des raccourcies que lui seul connaît bien, s'essayant à des figures avec son skate comme il a tant l'habitude de le faire avec ses amis, il profite pleinement de cette nuit pendant que tout le pays est endormi.

Il finit par s'arrêter devant la devanture d'un magasin aux lumières clignotantes, à son goût beaucoup trop aveuglantes. C'est l'une des seules épiceries qui ouvre de nuit, pour le plus grand plaisir des consommateurs ne semblant pas être de grands dormeurs.

Il s'aventure dans les rayons, cherchant des yeux une petite collation, puis pose son dévolu sur un pack de bière contenant deux bouteilles en verre. Il les saisit d'un geste assuré, avant de se diriger vers la caisse d'un pas pressé.

Un vieil homme trapu, au visage barbu toise l'adolescent du regard comme s'il avait détecté en lui quelque chose de bizarre. Bastien croise les doigts pour que l'homme ne le reconnaisse pas. Ce village est si petit que tout le monde se connaît, ou du moins, plus d'une fois, s'est déjà croisé. Et le jeune homme est un habituel client, perpétuel fraudeur, il aime se faire passer pour plus grand.

« Cinq euros. » grogne le vieillard aux airs de clochard, tant son apparence laisse deviner une certaine démence.

Le garçon balance les pièces sous les yeux du bonhomme, puis repart, le skate calé sous son bras, en adoptant une démarche digne d'un homme sans effroi. Cette nuit, sera celle de tout ses interdits, le temps pour lui de prouver qu'on peut parfois courir plus vite que le cours d'une vie.