Mary

Le deal

Le jour venait de poindre et les premiers rayons du soleil illuminaient les hautes fenêtres du Memorial Hospital. Candy terminait son service de nuit, éreintée. Elle n'aspirait qu'à un peu de repos, mais elle savait qu'une seconde journée l'attendait une fois rentrée chez elle.

Elle souffla sur une mèche rebelle et la plaça de sa main derrière l'oreille.

Etre mère célibataire avec une petite fille à la maison posait indiscutablement des soucis d'intendance qu'elle s'efforçait de gérer au mieux. Le travail de nuit ne lui permettait pas de jouir de Geny comme les autres mamans, mais elle avait besoin d'argent pour subsister et lui offrir une vie convenable.

Avec son anniversaire qui approchait, elle redoublait d'efforts pour ne pas la décevoir et lui offrir le cadeau de ses rêves. Le sourire qu'elle aurait en retour valait tous les sacrifices.

Elle s'arrêta devant la chambre de Lou, une collègue du service administratif qu'elle connaissait sans avoir de véritable contact. La jeune femme avait été admise aux urgences la nuit même, salement amochée. Le visage tuméfié, elle avait subi un tabassage en règle.

Castle Grey n'était plus la petite ville paisible et sans histoire qu'elle avait connue quinze ans plus tôt. Candy se rappelait les jours heureux où elle pouvait sortir et rentrer seule le soir sans craindre de faire une mauvaise rencontre. Aujourd'hui, les trafics en tout genre gangrénaient certains quartiers sans que les autorités ne puissent y mettre un terme. Un réseau était à peine démantelé, un autre surgissait à l'autre bout de la ville. Un nouveau chefaillon s'auto proclamait le maitre des rues et s'imposait par la force et le chantage. Une véritable mafia faisait régner la terreur chez les commerçants, rackettés et menacés de mort. Les plus intimidés avaient fini par fermer boutique et s'en aller ailleurs.

Candy avait peur pour l'avenir de sa fille. Peur de la voir aspirée par ce système vicieux et destructeur. Elle ne voulait pas ça, non. Elle y mettrait le temps nécessaire, mais elle sortirait de cette vie avec la satisfaction d'avoir mis sa fille sur de bons rails. Un rail en valait-il un autre ? Elle sourit au mauvais jeu de mots qu'elle venait de faire, puis s'approcha de Lou.

La jeune femme s'en remettrait, mais quelles séquelles garderait-elle de cette douloureuse épreuve. Elle avait perdu beaucoup de sang. Par chance, le coup de couteau qu'elle avait reçu n'avait touché aucun organe vital.

L'infirmière fit le tour du lit de sa patiente et vérifia la perfusion et les moniteurs.

Tout était sous contrôle.

Elle soupira une dernière fois avant de quitter sa collègue et s'engagea dans le couloir en direction des vestiaires.

Dans sa chambre, le mystérieux inconnu n'avait pas repris connaissance et semblait dormir paisiblement. Elle s'arrêta devant sa porte et ne put résister à l'envie de le regarder une dernière fois. Malgré ses bandages, c'était un bel homme.

— Quel gâchis !

Elle procéda aux vérifications d'usage et s'autorisa à lui caresser le visage. Sa barbe naissante n'était pas désagréable au touché.

— Qui es-tu, bel inconnu ?

Candy resta ainsi à le dévisager en espérant que sa présence l'aide à sortir du coma dans lequel il était plongé. Elle lui parla longuement comme elle le faisait avec les autres patients et lui souhaita une bonne journée.

L'infirmière atteignit la porte en deux enjambées, posa sa main sur la poignée de la porte quand un étrange murmure lui parvint aux oreilles. Elle resta pétrifiée, saisie d'effroi.