Bjorn le Russe

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Lorsque Bret gara sa Porsche le long de l'avenue principale de Castle Grey, la journée était bien avancée. Il n'aimait pas trainer en ville et encore moins qu'on le visse accompagné de gens peu fréquentables. Il tenait à sa réputation et sa tranquillité. La discrétion n'était pas seulement un atout lorsque l'on s'adonnait à des petits trafics, c'était une nécessité. La longévité de sa carrière, en parallèle de celle de chirurgien, dépendait de sa capacité à se fondre dans la masse sans attirer les regards indiscrets des forces de l'ordre. Pour la population il devait rester le professeur Bret Milano, éminent chirurgien de Castle Grey.

Un attroupement de jeunes autochtones s'était formé autour de la luxueuse voiture de sport et caressait le secret espoir de piloter l'engin dans les rues de la ville. Un rêve qui ne pourrait se réaliser qu'en détournant d'une quelconque manière la loi.

— Monsieur Milano ! intervint un jeune latino, un bombers noir sur les épaules et une casquette de baseball des Yankees de New-York vissée sur la tête.

— Bonjour Pedro ! répondit le médecin en offrant le plus hypocrite des sourires.

Bret avait une sainte horreur des petites gens de son espèces. Des marginaux sans foi ni loi qui gangrénait la société et salissait tout ce qu'ils touchaient.

— Jolie caisse que vous avez là ! dit le jeune homme en tapotant le capot du plat de la main.

— Une très jolie caisse, effectivement. J'entends qu'elle le reste encore très longtemps !

— Y a pas de problème, doc !

Pedro écarta les bras en signe de soumission et recula d'un pas sous l'œil menaçant du prestigieux chirurgien. Bret avait soigné le jeune homme quelques mois auparavant, à la suite d'une altercation avec une bande rivale de la ville. Le petit caïd s'était félicité de son écrasante victoire et de la cicatrice que lui laisserait l'échauffourée sur l'avant-bras. Bret en avait décelé tout de suite le potentiel et s'était attaché ses services moyennant une rémunération et une relative protection médicale pour lui et ses plus proches amis. Tout cela restait bien évidemment confidentiel et ses interventions restaient exceptionnelles.

— Je compte sur toi pour tenir tes amis à l'écart et les contenir dans le périmètre le plus éloigné de ma voiture.

— Je surveillerais votre bolide comme le pucelage de ma petite sœur, promis doc ! répondit le petit truand.

Bret s'éloigna en direction de l'immeuble miteux qui l'intéressait. Björn le russe habitait au quatrième et dernier étage du moins gratifiant des bâtiments de la ville. L'homme était stupide, mais dangereux, prêt à exécuter n'importe quel ordre de son patron, un moscovite très important qui bénéficiait d'appui important parmi le gouvernement soviétique. Un drôle de personnage qui affichait son opulence sans aucune gêne et qui aimait se vanter de sa franche amitié avec le président lui-même. Bret ne l'avait rencontré qu'à deux reprises et l'homme ventripotent, d'une cinquantaine d'année lui avait donné l'impression d'un homme puissant et sûr de lui. Il n'avait pas réellement eu le choix que d'accepter ses conditions et lui apporter son aide. L'homme d'affaire en savait étrangement long sur les petits trafics du médecin et il n'eut pas besoin d'insister très longtemps pour s'attacher les services du chirurgien.

La façade de l'immeuble était lézardée de part en part. Dans quelques mois, il serait dévolu à la destruction, mais pour l'heure il abritait l'homme de main en charge de l'épineux dossier dans lequel il était mouillé jusqu'au coup. L'agression de Lou n'avait fait qu'empirer les choses. Les flics commençaient à mettre leur nez partout et ils poseraient bientôt des questions embarrassantes. Il fallait à tout prix remettre les points sur les « i » à ce demeuré.

MaryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant