Épilogation

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Je t'aime au point d'adorer ta douleur.

Je t'aime au point de me sentir bien, plongé dans l'odeur de ta peur.

Je t'aime trop.

Et pas assez.

Je t'aime alors que je ne suis pas complètement
Bien
Pour
Toi.


*

L'aiguille est là, distordant ma peau dans le creux de mon coude. J'entends plus que je ne vois l'écoulement des gouttes.

J'ai cessé de me battre. Ma lutte était vaine de toute façon.

Mes membres sont lourds contre les draps et ma bouche est pâteuse. Pourtant, je parviens à murmurer d'une voix rauque :

« - Viens plus près. »

J'aurais voulu que ma voix soit plus douce mais elle ne sort qu'un ordre misérable.
Tu t'approches, ta chaise crisse sur le carrelage, mais je ne vois que toi. Tu prends ma main dans la tienne et j'enroule mes doigts autour des tiens.

Ta peau est si douce.

C'est comme un rêve, mais en mieux.
Parce que tu es là, juste avec moi. Et que ta main gauche caresse mes cheveux.
Et que tu es là, rien qu'à moi.

« - Ne parle pas, bébé. Ta gorge a encore besoin de cicatriser. »

Je remonte ma main le long de ton avant-bras, effleurant le tissu de ton vêtement, glissant mes doigts tout contre toi.

Je ne vois que toi.

Plus l'Arche, plus mon père, plus ma mère fantomatique si hideuse dans sa frayeur marine.

Je ne vois que toi et tes yeux sombres dans lesquels je plonge.

Ma main remonte encore, longeant ton épaule, la naissance de ton cou, frôlant ta gorge. Je sens ta peur dans cette façon que tu as de crisper tes muscles et de te forcer à ne pas fermer les yeux.

« - Je suis effrayant, pas vrai ?
- Quand tu souris comme ça, tu n'es même plus humain. »

Mes doigts ne quittent pas ta peau, touchant chaque parcelle de ce que je peux atteindre. Ils embrassent ta mâchoire et la courbe de ton menton, puis tes lèvres, puis ton nez, puis tes oreilles, puis glissent dans tes cheveux.

Tu frissonnes, tu ondules, tu te cambres, tu es à moi.

« - Ils vont bientôt arriver, tu sais ?
- Oui. Mais je suis prêt.
- Tu n'es pas obligé de le faire, TaeHyung.
- Si.
- Non, ça marche très bien, comme ça. Je suis près de toi, tout le temps. Tu le sais ?
- Oui, mon amour. Je t'entends, je te sens toujours avec moi, dans un recoin de ma tête. Mais ça ne me suffit plus. Je veux plus, JungKook. Je ne veux plus que ta présence se limite à être dans un coin de mon esprit. Je te veux en entier.
- Alors, tu es décidé.
- Plus que je ne l'ai jamais été.
- On se reverra de l'autre côté, mon ange.
- Attends-moi, je ne serais pas long.
- Je serais là-bas pour toi.
- JungKook ?
- Oui ?
- Je t'aime. Pleinement et simplement.
- Je plus-que-t'aime, mon amour.»

Tu souris doucement, les yeux embués, puis je glisse ma main dans ta nuque. Tu te penches sur moi, pose tes mains sur mes joues et embrasses mes paupières, mon nez, puis mes lèvres.
Je te dévore la bouche, puis tu gémis, et je m'applique avec plus d'ardeur.

Je me détache de toi quand j'entends des pas dans le couloir.

Je t'enlace, fort, et respire ton odeur. Tu m'embrasses une dernière fois juste avant que le docteur n'entre dans la pièce, puis tu sors et disparais à travers la porte ouverte.

Kim NamJoon ne te voit pas.
Il ne voit rien.
Il n'a jamais rien vu.

Il ne dit rien quand deux infirmiers arrivent derrière lui.

Il ne dit rien quand ils remplacent le liquide coulant dans la perfusion.

Je suis envahi par une soudaine tristesse quand je pense que je vais mourir dans une chambre d'hôpital qui sent le mercurochrome.

Mais ton ombre réapparait derrière la porte, alors ça va mieux.

« - TaeHyung. »

Mes yeux papillonnent sur son visage et il fronce les sourcils.
Il a l'air déçu.
Il est triste que son petit cobaye ai foiré son expérience.

Je ne réponds pas.

« - C'est l'heure. Est-ce que tu as quelque chose à me dire ? »

Mon regard se durcit quand j'examine ses yeux sévères. L'Arche a toujours voulu qu'on se soumette à elle.
Je ne le ferais pas.
Je ne le ferais plus.
C'est fini le temps de l'obligeance et de la soumission.

Je crache :
« - Je n'ai rien à dire à L'Arche.
- J'aurais voulu que ça se termine autrement.
- Pas moi. Allez-y, tuez-moi. Je sais que vous attendez que ça, de vous débarrasser du maillon faible.
- Tu refuses toujours de voir ta maladie ?
- Je ne suis pas malade. Je ne peux pas voir l'invisible.
- Tu as revu JungKook ?
- Il n'est jamais parti, Docteur. » 

Il se frotte les yeux, la bouche plissée. Puis, il se retourne vers un des infirmiers et ne me regarde plus.

« - Vous pouvez y aller. Il ne pourra pas être sauvé.
- J'entends tout. -dis-je en tapotant ma tempe de mon index et en lui faisant un grand sourire. »

Un grand sourire de dément.

« - Navré de ne pas avoir réussi à t'aider, TaeHyung.
- Tu n'as pas à l'être, NamJoon. Je ne me suis jamais senti aussi bien. »

Et, pour la première fois, je vois un sourire, timide et triste, glisser furtivement sur ses lèvres.
Puis il s'éloigne de son pas ferme qui ne vacille pas.

La porte claque ; il est sortit.

Puis le liquide nouveau coule dans mes veines, se précipite dans mes artères, engorge mon cœur.

Je suffoque un instant, et celui d'après, je suis mort.

Mais mourir pour redécouvrir tes bras, être sel et soie contre ta langue et explorer tous les recoins de ton corps n'est pas une punition.

C'est la fin de mes souffrances.
Parce que tu es là, souriant devant la porte.

Parce tes mains épousent mes courbes.

Parce que je t'aime et toi aussi.

Parce qu'on est libre même si on est mort.

Parce que la vie n'a plus aucune importance.

Pour tout ça, tu es à moi.

Et je serais à jamais tien, JungKook.

Tu es ma lumière ténébreuse.

« - Viens plus près, TaeHyung. »
« - Toujours, JungKook. »

Requin-Tendre | TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant