Chapitre 7 : Un coéquipier inattendu

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Je regardais l'heure à ma montre : 8h50 et il n'y avait toujours personne devant le domaine à part Elisa et moi. Au bout de quelques minutes, une voiture noire se décida enfin à pointer le bout de son nez et elle se gara juste à côté de la nôtre. Nous approchions de la nouvelle arrivée et je vis d'emblée que quelque chose ne tournait pas rond en remarquant la plaque d'immatriculation. J'avais observé en circulant, que dans la Marne les véhicules étaient immatriculés « 51 », alors pourquoi cette voiture était immatriculée dans le « 85 » pour la Vendée ? Cela n'avait aucun sens.

Avant que je n'aie le temps de faire part de cette observation à Elisa, le conducteur se décida à sortir de son véhicule. Je vis alors un jeune homme de mon âge, musclé aux cheveux bruns coiffés en bataille, à la mâchoire puissante et aux yeux noisette. Dès que je le reconnus je crus que j'allais avoir une attaque. Que faisait-il ici celui-là ?

- Bonjour, vous êtes Monsieur Haurang ?, demanda gentiment Elisa au jeune homme qui se tenait devant nous.

- Non Elisa, ce n'est pas lui, répondis-je à sa place.

- Comment le sais-tu ?, me demanda-t-elle. Et si ce n'est pas Monsieur Haurang alors qui c'est ?

- C'est Thomas Grandrosier, le meilleur détective de France et le plus gros concurrent de notre agence.

A ces mots, mon assistante adressa un regard nouveau à cet inconnu avant que celui-ci ne se décide à prendre enfin la parole :

- Je vois que tu as reçu la même invitation que moi au domaine Haurang, Alex, commença t'il. Et je te remercie de me faire tant d'éloges pour mon arrivée, même si nous savons tous les deux que c'est toi ma concurrente et non le contraire.

Je le foudroyais du regard.

- Ce n'est pas parce que j'ai ouvert mon agence après la tienne que c'est moi la concurrente !

- Prends-le comme tu veux, dit -il en haussant les épaules. Mais en attendant, depuis que tu proposes tes services de « chasse au trésor » dans ta ville, tous mes clients Bretons ont déserté mon agence en Vendée parce que tes tarifs sont plus abordables que les miens.

- Je n'y suis pour rien si je suis meilleure que toi, répliquais en affichant un sourire satisfait.

- A cause de toi, j'ai perdu 15% de ma clientèle, vu que ta région est frontalière à la mienne et que... (Il s'arrêta dans sa phrase pour émettre un rire mauvais) Toi meilleure que moi ? Ca j'en doute ou alors j'ai dû manquer la résolution de l'affaire Luisac.

Puis, comme si l'évocation de cette vieille affaire ne suffisait pas à me rappeler assez de mauvais souvenirs comme cela, Tomas conclut sa phrase – sans doute par vengeance - d'un sourire carnassier qui signifiait « eh oui je lis aussi les journaux ma petite et j'en tire beaucoup de plaisir quand je te vois échouer ». Cela m'horripilait au plus haut point qu'il n'ait rien trouvé de mieux à faire pour remettre en question mes compétences que d'évoquer l'affaire Luisac. Parmi toutes les missions que l'on m'avait confiées au cours de ma carrière, l'affaire Luisac était malheureusement l'une des seules que je n'ai jamais réussi à résoudre. Cette famille avait fait appel à moi car ils étaient persuadés qu'un trésor se trouvait dans leur maison et durant toute un après-midi j'ai cherché avec mon Founding 2000 les traces de ce butin, sans jamais rien trouver. Suite à cet échec, j'ai déclaré à la famille qu'aucun trésor ne se trouvait entre leurs murs et pour me remercier, le lendemain paraissait un article dans la presse locale racontant le fiasco de mon agence. Et évidemment, malgré les nombreux articles de presses favorables à l'agence qui ont été publiés suite à cela, il fallait que cet idiot de Thomas ne retienne que celui-là ! Il voulait donc jouer à cela ? Alors il allait le regretter parce qu'il n'y avait pas que lui qui possédait une excellente mémoire.

- Rien n'a jamais été prouvé concernant le trésor des Luisac, répondis-je en soutenant son regard. Et toi alors, où en est ton avancement dans l'affaire Dauphinet ?

A la mention de son affaire également non résolue, toute l'assurance du détective chuta. Sa peau devint blême et sa bouche resta figée tandis que ses poings étaient serrés, un peu comme une statue. De mon côté j'en tirais une satisfaction personnelle de remettre un peu à sa place ce prétentieux de détective. Maintenant que j'avais remis nos pendules à l'heure, nous étions sur un même pied d'égalité, lui et moi.

Sentant que son égo venait d'en prendre un coup, Thomas s'apprêtait à répondre quelque chose mais il fut stoppé net par Elisa qui lui intima de se taire pour faire bonne figure devant notre employeur dont le SUV de luxe arrivait à notre hauteur. Et ça tombait bien parce qu'il fallait que Monsieur Haurang m'explique quelques petites choses qu'il s'était bien gardé de me dire au téléphone, comme par exemple pourquoi il avait aussi fait appel à Thomas Grandrosier pour cette mission. Lui, ce détective qui n'était autre que la personne qui m'exaspérait le plus au monde.


A. Guenégan, chasseuse de trésorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant